NEW YORK, 1er octobre (Reuters) - Les Nations unies rejettent la décision de l'Ethiopie d'expulser sept représentants de l'Onu dans le pays, a déclaré vendredi au Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed le secrétaire général de l'Onu Antonio Guterres, cité par son porte-parole.

Le gouvernement d'Addis-Abeba les a déclarés "personae non gratae" jeudi, deux jours après des critiques du secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d'urgence de l'Onu, Martin Griffiths, sur le blocage "de fait" de l'aide acheminée vers le Tigré, région du nord du pays en conflit avec le pouvoir central depuis dix mois.

Martin Griffiths a estimé que cette situation allait probablement plonger des centaines de milliers d'habitants du Tigré dans la famine.

L'Ethiopie a donné 72 heures aux sept responsables de l'Onu pour quitter le pays mais Antonio Guterres, dans une lettre que Reuters a pu consulter, a informé le Conseil de sécurité que l'Onu allait "pousser l'Ethiopie à autoriser ces personnels à reprendre leurs activités et à leur délivrer les visas nécessaires".

Farhan Haq, porte-parole des Nations unies, a déclaré que la définition diplomatique de la "persona non grata" ne s'appliquait pas dans le cas de l'Onu et que les représentants visés resteraient dans le pays.

Le ministère éthiopien des Affaires étrangères accuse les responsables de l'Onu d'avoir détourné de l'aide et de l'équipement de communication au profit du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), en violation d'accords de sécurité, et de ne pas avoir demandé le retour de camions humanitaires envoyés dans la région.

Addis-Abeba a démenti à plusieurs reprises tout blocage de l'aide.

Les Etats-Unis, qui ont condamné ces expulsions et prévenu qu'ils n'hésiteraient pas à sanctionner ceux qui entravent le travail des humanitaires, ainsi que l'Estonie, la France, la Grande-Bretagne, l'Irlande et la Norvège ont saisi le Conseil de sécurité de cette question lors d'une réunion à huis clos.

Aucune action forte n'est cependant attendue de la part des Quinze, la Chine et la Russie, membres permanents du Conseil, estimant que le conflit au Tigré relève des affaires intérieures de l'Ethiopie.

"Alors que se profile une nouvelle grande offensive militaire, il semble que l'Ethiopie cherche à tester si la communauté internationale est prête à répondre à une famine en cours avec davantage que des mots", a déclaré à Reuters un diplomate occidental souhaitant rester anonyme.

"L'ampleur des expulsions, sept personnes travaillant pour trois agences, est extrêmement rare, voire sans précédent", a commenté le porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH).

L'Onu insiste sur la nécessité de poursuivre les opérations humanitaires au Tigré où, estime-t-elle, 5,2 millions d'habitants ont besoin d'aide.

Depuis la mi-juillet, seulement 11% des camions acheminant des provisions vitales pour la population ont pu pénétrer dans la région, a déclaré vendredi Jens Laerke, porte-parole du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). (Reportage Michelle Nichols, avec Stephanie Nebehay à Genève ; version française Jean-Stéphane Brosse)