(Actualisé contact téléphonique avec Hollande, § 6)

par Edmund Blair et Alexandra Hudson

LE CAIRE/BERLIN, 30 janvier (Reuters) - L'Egypte sera un Etat de droit qui ne sera dirigé ni par l'armée ni par des religieux mais par un gouvernement dont la composition dépendra de l'issue des élections législatives, a promis mercredi le président Mohamed Morsi, en visite à Berlin.

Après plusieurs jours de violences, la chancelière Angela Merkel l'a quant à elle invité au dialogue avec l'opposition, qui réclame en vain la formation d'un gouvernement d'union nationale.

"L'Egypte est sur le point de parvenir à une saine gouvernance et de devenir un Etat de droit (...), le régime moderne et civil auquel nous aspirons tous, un Etat qui ne soit ni militaire ni théocratique, mais institutionnel et civil", a déclaré Mohamed Morsi.

Lors d'une conférence de presse commune, Angela Merkel a jugé "important que la voie du dialogue reste ouverte à toutes les forces politiques d'Egypte (...), que les droits de l'homme y soient respectés et que la liberté de culte puisse évidemment s'y exercer".

La crise de confiance à laquelle Mohamed Morsi est confronté ne l'a pas empêché de se rendre en Allemagne pour y répéter son engagement en faveur des principes démocratiques mais il a annulé son séjour prévu dans la foulée à Paris, où il devait rencontrer François Hollande lors d'un petit déjeuner vendredi matin.

Les deux hommes se sont cependant entretenus par téléphone en fin de journée, a-t-on appris de source proche de l'Elysée.

Mardi, le chef d'état-major de l'armée égyptienne a évoqué un risque d'effondrement de l'Etat après les troubles qui ont éclaté la semaine dernière à l'occasion du second anniversaire de la révolution et se sont soldés par une cinquantaine de morts.

"IMAGES INQUIÉTANTES"

Deux personnes ont encore été tuées mercredi dans des affrontements au Caire, près de la place Tahrir, dont l'ampleur n'a pas atteint celle des jours précédents.

Le Front de salut national (FSN), qui rassemble différentes composantes de l'opposition, a demandé par la voix de son coordinateur, Mohamed ElBaradei, la tenue d'une réunion d'urgence avec Mohamed Morsi, les ministres de la Défense et de l'Intérieur et les principaux partis politiques, salafistes y compris, et a de nouveau exigé la formation d'un gouvernement d'union.

Le FSN, principalement composé de formations laïques, et Al Nour, le parti salafiste le plus important, devaient se rencontrer mercredi, ce qui pourrait annoncer un élargissement de l'alliance contre les Frères musulmans, dont le chef de l'Etat est issu.

Ses opposants laïques l'accusent d'avoir trahi les valeurs de la "révolution du Nil" qui a entraîné en 2011 le renversement d'Hosni Moubarak. Ses partisans crient quant à eux au coup d'Etat contre le premier président démocratiquement élu en Egypte.

Mohamed Morsi a décrété lundi l'état d'urgence pour un mois à Port-Saïd, Ismaïlia et Suez, trois villes particulièrement touchées par les violences. Un couvre-feu y a été instauré, ce qui n'a pas empêché les manifestants de se rassembler. Long de neuf heures initialement, il a été ramené à trois à Ismaïlia.

L'instabilité de ces derniers mois a suscité le malaise dans les chancelleries occidentales qui s'interrogent sur la direction que prend l'Egypte, par ailleurs en proie à une grave crise économique.

"Nous avons vu des images inquiétantes ces derniers jours, des images de violence et de destruction, et j'appelle les deux parties au dialogue", a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle. L'aide de l'Allemagne à la transformation de l'Egypte "dépend clairement de la poursuite des réformes démocratiques", a-t-il ajouté. (Avec Gernot Heller à Berlin, Danielle Rouquié, Julien Dury et Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Gilles Trequesser)