* Les discussions reprennent jeudi à Genève

* Le médiateur de l'Onu n'attend pas d'avancée majeure

* Il dit que Moscou demande à Damas de faire taire ses avions

* L'opposition estime que Damas veut "gagner du temps" (Actualisé avec nouvelles déclarations de de Mistura, précisions)

par Tom Miles, Stephanie Nebehay et John Irish

GENEVE, 22 février (Reuters) - Les discussions sur la paix en Syrie reprennent jeudi après près d'un an d'interruption dans un contexte politique et militaire très différent de celui qui prévalait lors des négociations d'avril 2016, mais les points de discussion restent globalement les mêmes, donnant une impression de déjà-vu.

La progression de l'armée syrienne soutenue par la Russie et l'Iran a remodelé le champ de bataille et redistribué les cartes du conflit par rapport à la situation du printemps dernier.

Le contexte politique est lui aussi bien différent avec l'arrivée d'un nouveau locataire à la Maison blanche et une reprise en main du dossier par le trio Russie-Iran-Turquie qui a permis de consolider le cessez-le-feu entré en vigueur fin décembre.

L'opposition devrait, jeudi à Genève, une nouvelle fois réclamer des libérations de prisonniers, la levée des sièges gouvernementaux et l'amorce d'une transition politique susceptible de mettre fin à la présidence de Bachar al Assad.

Côté gouvernemental, on devrait continuer d'assimiler l'intégralité de l'opposition armée à des terroristes.

"Il faut que l'opposition comprenne qu'il y a de nouvelles réalités sur le terrain et des changements à l'échelle internationale, la situation n'est plus ce qu'elle était en 2011", souligne Charif Chehadeh, député pro-Assad.

"(Sur le front), les données ont changé, la situation politique a changé, ils doivent donc venir avec un état d'esprit constructif."

Anas al Abdah, chef de file de la Coalition nationale syrienne, s'est dit prêt à s'impliquer dans les négociations de Genève et à discuter de la transition politique tout en prévenant : "Nous ne pouvons pas régler les questions regardant les graves menaces sécuritaires (...) tant qu'Assad restera au pouvoir."

"AUCUNE CONFIANCE"

L'émissaire de l'Onu Staffan de Mistura s'est de son côté dit "déterminé" et a déclaré vouloir mettre l'accent sur l'élaboration d'une nouvelle Constitution et l'organisation d'élections supervisées par les Nations unies.

Il a précisé que la Russie avait demandé au gouvernement syrien "de faire taire" les armes dans son espace aérien "dans les secteurs concernés par le cessez-le-feu."

Il a toutefois déclaré ne pas s'attendre à enregistrer "d'avancée" lors des discussions.

"Soyons francs, nous n'avons pas d'attente démesurée", a-t-il dit lors d'une conférence de presse, tout en faisant part de son espoir d'entretenir la dynamique actuelle et d'éviter qu'un camp ou l'autre cède à la provocation. "Je pense que cela en vaudra la peine".

Du côté de l'opposition, on juge avant tout que le maître de Damas est responsable de plusieurs centaines de milliers de morts, que le gouvernement syrien attribue aux rebelles.

L'opposition a appelé à des négociations face-à-face avec la délégation représentant le gouvernement syrien, contrairement aux discussions d'avril 2016 lors desquelles chaque groupe s'isolait, obligeant les négociateurs à faire la "navette" entre chacun d'entre eux pour peu de résultats et dit espérer avoir un "partenaire sérieux" dans les négociations.

La délégation gouvernementale sera conduite par l'ambassadeur de Syrie aux Nations unies, Bachar al Jaafari, tandis que la principale délégation de l'opposition sera dirigée par Nasser Hariri, un cardiologue de 40 ans originaire de Deraa, une province du sud de la Syrie où se sont déroulées les premières grandes manifestations anti-Assad en 2011.

Faisant allusion à la délégation dirigée par Bachar al Jaafari, Salem al Mouslet, porte-parole de l'opposition, a déclaré : "Nous avons l'expérience de ce régime. Il n'est pas là pour négocier une transition politique mais pour gagner du temps et commettre de nouveaux crimes en Syrie. Il n'y a aucune confiance en ce régime."

La position des Etats-Unis est d'ailleurs l'une des grandes inconnues de ces négociations.

"Ce qui me manque pour le moment, c'est une stratégie américaine claire", a déploré De Mistura. "Où en sont les Etats-Unis (à propos de la solution politique) ? Je ne peux pas vous le dire car je l'ignore". (Avec Laïla Bassam; Nicolas Delame et Danielle Rouquié pour le service français)