PARIS (Reuters) - Des dizaines d'agriculteurs en colère ont forcé samedi l'entrée du parc des expositions de la porte de Versailles, repoussant l'ouverture de la 60e édition du Salon de l'Agriculture, alors qu'Emmanuel Macron a appelé au calme et a annoncé de nouvelles mesures pour apaiser la colère des agriculteurs.

Le public a été autorisé à pénétrer dans le Salon de l'agriculture après 1h30 de retard, à l'exception du hall où se trouvent les animaux et les manifestants.

Des slogans appelant à la démission du président de la République ont été entonnés par les agriculteurs qui ont forcé l'entrée du Salon, faisant face à des unités de CRS au milieu des exposants et des animaux.

Emmanuel Macron est arrivé peu avant et a mené une réunion de crise avec certains ministres et représentants de syndicats agricoles dans une salle du Salon de l'agriculture.

"Le premier objectif à court terme, c'est que le salon doit se tenir dans le calme. Je le dis pour tous les agriculteurs : vous n'aidez aucun de vos collègues en cassant des stands, vous n'aidez aucun de vos collègues en rendant le salon impossible et en quelque sorte en faisant peur aux familles d'y venir", a déclaré le président de la République à la sortie de la réunion.

"On ne répondra pas en quelques heures à cette crise agricole", a-t-il également ajouté lors d'un point presse qui a duré une vingtaine de minutes.

Emmanuel Macron a déclaré que le projet de loi agricole, "en train d'être finalisé", sera présenté le 20 mars en Conseil des ministres.

Le président de la République a présenté une liste de mesures pour contrer la colère agricole et a dit vouloir reconnaître dans la loi l'agriculture et l'alimentation "comme un intérêt général majeur" et a annoncé un "plan de trésorerie d'urgence" pour l'agriculture.

Il a également dit vouloir l'instauration d'un prix plancher pour "garantir le revenu agricole" et "ne pas céder à toutes les pratiques les plus prédatrices qui sacrifient nos agriculteurs et leurs revenus aujourd'hui".

Le chef de l'Etat a annoncé qu'une réunion avec l'ensemble des syndicats agricoles se tiendra dans trois semaines à l'Elysée.

Le président de la République a ensuite mené un débat improvisé avec plusieurs agriculteurs dans une salle du parc des expositions de la porte de Versailles.

En bras de chemise et accompagné du ministre de l'Agriculture Marc Fesneau et de sa ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher, il a dit vouloir privilégier le dialogue à la confrontation, avant d'écouter les doléances des manifestants.

Ces derniers ont exposé la précarisation de leur profession, les suicides dans leur secteur et ont demandé des réponses concrètes et rapides.

"Vous avez tout dans les mains, vous avez tout dans les besaces (...) maintenant, c'est action", a lancé un agriculteur au chef de l'Etat.

Le Salon de l'agriculture s'ouvre un climat de haute tension avec les agriculteurs qui ne désarment pas, comme dans le reste de l'Europe, après des semaines de manifestations.

La colère paysanne résonnera également à l'extérieur du parc des expositions de la porte de Versailles, ont averti les deux principaux syndicats du secteur, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA). Des cortèges de tracteurs sont notamment annoncés dans la capitale.

Les nombreuses mesures et gestes d'apaisement consentis par le gouvernement n'ont pas suffi à faire taire les revendications.

Le directeur du Ceneca, organisateur du salon, a mis en garde jeudi sur BFM TV contre toute perturbation, soulignant que l'événement, qui dure jusqu'au 3 mars, devait rester "une belle fête".

"Evidemment, c'est le salon des agriculteurs, évidemment on comprend les revendications (...) et les manifestations. Mais les manifestations, (ce n'est) pas au salon", a-t-il souligné, ajoutant que les mesures de sécurité seraient à leur maximum.

Ce rendez-vous prisé, qui a attiré 615.000 visiteurs en 2023, est l'occasion chaque année d'un défilé de responsables politiques venus courtiser un électorat précieux.

Mais la venue du président de la République est d'ores et déjà ternie par une polémique autour du grand débat qu'il avait appelé de ses voeux avec agriculteurs, distributeurs, industriels et organisations de défense de l'environnement.

La FNSEA a refusé vendredi de participer à l'échange, qu'elle qualifie de "cynique". Face aux nombreuses manifestations de défiance, Emmanuel Macron a finalement annulé le rendez-vous. Le président a cependant invité les syndicats qui le souhaitent à venir tout de même à sa rencontre samedi matin, ce que la FNSEA et la Coordination rurale ont accepté.

Emmanuel Macron a affirmé samedi n'avoir jamais envisagé d'inviter les Soulèvements de la Terre au débat.

"Vous parlez à quelqu'un qui a assumé de les dissoudre", a-t-il déclaré

La perspective des élections européennes, en juin prochain, renforce l'intérêt de l'édition 2024.

Le monde agricole français est historiquement ancré au centre-droit, mais le Rassemblement national (RN) progresse en son sein.

Le président du RN, Jordan Bardella, est ainsi attendu dimanche et lundi au Salon. Eric Ciotti (Les Républicains) s'y rendra lundi avec les têtes de liste aux européennes François-Xavier Bellamy et Céline Imart. Edouard Philippe (Horizons) leur succédera mardi et jeudi, puis Laurent Wauquiez (LR) mercredi.

La tête de liste socialiste aux élections européennes, Raphaël Glucksmann, effectuera une visite dimanche.

Ils devraient y croiser l'égérie du salon, Oreillette, une vache normande de cinq ans.

(Rédigé par Reuters)