* 6.800 jeunes apprentis en Erasmus, 43.000 étudiants

* Un objectif de 15.000 en 2022, selon la ministre du Travail

* Un jeune pâtissier français médaillé lors de son échange

* Un chantier national et européen, selon un rapport

par Caroline Pailliez

PARIS, 19 janvier (Reuters) - Partir en Hongrie pour se former auprès d'un chef pâtissier renommé ou former un apprenti étranger sur des voitures de collection : apprentis et employeurs ne tarissent pas d'éloges sur les bénéfices de l'"Erasmus de l'apprentissage" mais soutiennent qu'il faut assouplir le mécanisme.

La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a présenté vendredi les conclusions d'un rapport visant à développer les séjours Erasmus pour les apprentis. Le document, rédigé par le député européen Jean Arthuis, s'inscrit dans le cadre de la réforme de l'apprentissage menée en parallèle de celle de la formation professionnelle et de l'assurance chômage.

"Ce volet est pour moi essentiel", a déclaré la ministre. "On ne peut pas penser l'apprentissage simplement entre nos murs. Il faut permettre à nos jeunes d'accéder à la citoyenneté européenne en la vivant, et de s'ouvrir à des manières de faire, de travailler qui soient différentes."

Seulement 6.800 jeunes apprentis sont partis en Erasmus en 2017 contre 43.000 étudiants français dans le cadre d'un cursus universitaire. "Cette différence n’est pas acceptable", a dit Muriel Pénicaud. Elle souhaite amener ce nombre à 15.000 d'ici 2022.

Florient Hallereau, apprentis cuisinier, est parti sept mois en Hongrie en 2017. Il y a découvert la pâtisserie auprès d'un chef renommé. "Je n'ai que du positif", a-t-il dit. "Ça nous permet de casser les préjugés. C'est une expérience incroyable".

Pendant son séjour, le jeune homme de 20 ans a remporté un concours international de cuisine aidé par son mentor hongrois. Il a réalisé un dessert inspiré d'un Paris-Brest accompagné d'une purée de pomme au "Tokaj", un vin hongrois. "L'idée était de faire un dessert typiquement européen", a-t-il dit.

UN PARCOURS DU COMBATTANT

Florient Hallereau a pu continuer de suivre une formation pendant son contrat de travail à l'étranger car il a fait partie d'un projet pilote mené par 36 centres de formation d'apprentis (CFA) dans 12 pays de l'Union européenne, un projet réservé à 80 jeunes de toute nationalité en 2017.

En temps normal, la plupart des apprentis se livrent à un véritable parcours du combattant pour partir.

Les employeurs acceptent rarement de s'en séparer car ils sont dans l'obligation de les rémunérer pendant leur absence et de financer leur protection sociale. Les voyages ne durent donc en moyenne que deux à trois semaines, tout au plus.

Retenant une des propositions du rapport, Muriel Pénicaud a assuré qu'elle proposerait une mesure dans son projet de loi sur l'apprentissage pour relever les employeurs de ces obligations.

Les rémunérations des apprentis devraient ainsi être assumées par les OPCA, organismes paritaires responsables du financement de la formation professionnelle. Leur protection sociale devrait être assurée par le pays hôte ou bien par le régime actuel des étudiants.

Elle souhaite également modifier le Code du travail pour permettre l'accueil en France d'apprentis étrangers. Actuellement, un jeune doit obligatoirement préparer un diplôme français ainsi que suivre un an de formation en CFA avec un minimum de 400 heures pour signer un contrat d'apprentissage.

CONVAINCRE L'EUROPE

Pascal Brethomé, propriétaire de trois garages et d'une carrosserie en Vendée, s'estime chanceux d'avoir trouvé un apprenti hongrois pour un contrat d'un an. Cette durée lui permet d'éviter des complications administratives.

Il aurait été dommage, selon lui, d'être privé de l'expérience. "Tous mes employés sont séduits. Ça crée un dynamisme incroyable. Chacun fait l'effort de parler anglais. Ils voient que le jeune est capable de sortir de sa zone de confort et eux aussi, ça les fait réfléchir", dit-il.

Il précise que le jeune apprécie particulièrement l'expérience car il est amené à travailler de temps en temps sur des voitures de collection.

Muriel Pénicaud a assuré qu'elle porterait cette cause devant la Commission européenne en commençant par réclamer l'inscription d'un projet sur un Erasmus de l'apprentissage bonifié à l'agenda du Conseil européen en mars prochain.

Sur le plan européen, le rapport plaide pour la simplification des procédures Erasmus et le triplement des crédits accordés au programme (ces crédits étaient de 2,8 milliards en 2018 pour tout le programme, étudiants compris). (Edité par Yves Clarisse)