* "C'est d'abord un sujet russe"

* Réflexion sur une liste de sites prohibés, un réseau d'alerte

par Julie Carriat

PARIS, 3 avril (Reuters) - Le ministère français des Affaires étrangères réfléchit à des pistes de lutte contre les "manipulations de l'information", notamment en accélérant leur dénonciation officielle et leur signalement.

En parallèle à la proposition de loi des députés de la majorité sur les fausses nouvelles, attendue ce printemps à l'Assemblée, le Quai d'Orsay convie mercredi représentants des plate-formes, chercheurs et journalistes afin de se pencher sur ce sujet d'une brûlante actualité.

L'affaire de l'ingérence russe présumée dans la campagne présidentielle américaine de 2016 a connu son dernier rebondissement le mois dernier, avec la mise en cause de Cambridge Analytica, soupçonné d'avoir récolté les données personnelles de 50 millions d'utilisateurs de Facebook pour diffuser des messages favorables à Donald Trump.

Les piratages visant la campagne électorale d'Emmanuel Macron l'an dernier, dits "MacronLeaks", ont souligné la nécessité d'une réponse française aux "manipulations d'information", qu'elles soient ou non issues de piratage.

Par ce terme, le gouvernement entend désigner toute campagne intentionnelle de manipulation d'information à la diffusion massive et automatisée, orchestrée par un acteur étatique, non-étatique ou encore par des "mercenaires" à leur solde, en vue d'un objectif politique hostile.

LISTE NOIRE

"C'est d'abord et avant tout un sujet russe", reconnaît-on dans l'entourage du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. "Il vaut mieux préempter l'attaque que de la subir", souligne-t-on, citant notamment la réponse préventive des équipes d'Emmanuel Macron. "Et une fois qu'on détecte une intention hostile, il faut la dénoncer."

Le Quai d'Orsay réfléchit notamment à la publication d'une liste des sites sur lesquels les pouvoirs publics refusent de voir leurs publicités apparaître. "C'est faisable techniquement et légalement", assure-t-on. Achetés en gros, les espaces publicitaires utilisés par le gouvernement en ligne ne font pour le moment pas l'objet d'une sélection.

En cas d'attaque, les ambassades pourraient en outre agir comme un réseau d'alerte, ajoute-t-on.

La question de la collaboration des plate-formes reste cependant entière, aucun "dialogue structuré" sur la question n'ayant pour le moment été enclenché.

"C'est un effort gouvernemental, même si nous avons été les plus actifs ces derniers mois", précise-t-on au Quai d'Orsay.

Parmi les participants à la conférence, Reporters sans frontières (RSF) et l'AFP associés à d'autres partenaires ont rendu public mardi un dispositif d'autorégulation, la Journalism Trust Initiative (JTI), qui prévoit notamment des "indicateurs sur la transparence des médias, l'indépendance éditoriale, la mise en oeuvre de méthodes journalistiques et le respect des règles déontologiques". (Edité par Sophie Louet)