* Des "dizaines de milliers" de dossiers pour les démissionnaires

* Intégrer les indépendants met à l'épreuve le principe d'égalité

* Le Conseil questionne la cohérence du financement

PARIS, 29 avril (Reuters) - Le Conseil d'Etat demande au gouvernement de réviser sa copie sur l'intégration des démissionnaires et des travailleurs indépendants au régime d'assurance chômage, dans un avis sur le projet de loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel" publié sur le site de Legifrance.

La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a présenté vendredi au conseil des ministres son projet de loi pour réformer la formation professionnelle, l'apprentissage et l'assurance chômage, deuxième chantier social du quinquennat d'Emmanuel Macron, décrié par les partenaires sociaux.

Dans son avis publié samedi, le Conseil d'Etat réclame certaines retouches au texte pour tenir compte des défis financiers et administratifs de l'intégration des démissionnaires et des travailleurs indépendants au régime.

L'étude d'impact du gouvernement n'évalue pas de "manière suffisante" la charge de travail qui incombera aux commissions mixtes paritaires régionales, juge le Conseil. Ces instances devront déterminer le caractère réel et sérieux du projet professionnel que les démissionnaires devront poursuivre pour toucher des allocations.

L'étude précise que les commissions mixtes pourraient avoir à examiner "plusieurs dizaines de milliers" de dossiers par an, mais "n'identifie pas les moyens permettant d'assurer le bon fonctionnement du dispositif". Le Conseil d'Etat demande au gouvernement de compléter le texte à ce sujet avant le dépôt du projet au Parlement.

Il estime également que le fait de placer les travailleurs indépendants, qui ne sont pas assujettis à des cotisations sociales, dans un même régime d'assurance que des salariés "soulève une difficulté sérieuse au regard du principe d'égalité entre assurés d'un même régime".

"RISQUE D'ARBITRAIRE"

Il ajoute qu'"en confiant à la convention d'assurance chômage le soin de définir les mesures d'application du revenu de remplacement" de ces travailleurs, le projet implique que ces mesures soient négociées par les syndicats de salariés, "qui ne sont pas représentatifs dans ce champ".

Il recommande donc au gouvernement de créer un régime particulier distinct du régime d'assurance chômage et de fixer les règles d'application par décret en Conseil d'Etat.

Il appelle également "l'attention du gouvernement sur la situation inédite présentée par l'absence de toute contribution salariale", en référence au remplacement des cotisations sociales salariales par la contribution sociale généralisée (CSG) pour financer le régime, et l'invite à "approfondir sa réflexion sur la cohérence des modalités de financement".

Le Conseil d'Etat limite dans le temps - jusqu'au 30 septembre 2020 - la possibilité qu'aurait le gouvernement de moduler les contributions patronales si jamais les propositions pour lutter contre les contrats courts n'étaient pas jugées satisfaisantes.

En ce qui concerne la recherche d'emploi pour le contrôle des chômeurs, il estime que le projet ne présente pas de "garanties suffisantes contre le risque d'arbitraire et méconnaît les principes d'égalité et de légalité des délits et des peines".

Il dit avoir complété le texte pour s'assurer que le demandeur d'emploi ne puisse être contraint d'accepter un emploi qui ne soit pas compatible avec ses qualifications et ses compétences professionnelles.

Au sujet des dispositions surprises du texte qui permettent aux fonctionnaires de conserver leurs droits à l'avancement s'ils souhaitent aller pendant un certain temps dans le privé, le Conseil d'Etat s'interroge sur "l'urgence" d'une telle mesure.

Il précise que "la mesure gagnerait à être approfondie et à s'inscrire, de préférance à titre expérimental, dans un projet de loi d'ensemble relatif à la fonction publique". (Caroline Pailliez, édité par Jean-Stéphane Brosse)