* Droite et gauche redoutent la baisse du nombre d'élus

* Des députés accusent Larcher d'avoir cédé trop facilement

* Pour l'UDI, le compte "n'y est pas"

PARIS, 4 avril (Reuters) - La baisse annoncée de 30% du nombre de parlementaires en France assortie de l'introduction d'une dose de 15% de proportionnelle a irrité mercredi les députés de l'opposition, qui craignent un affaiblissement du Parlement et une rupture avec le terrain.

Dans les couloirs de l'Assemblée nationale, nombre d'élus, y compris issus des Républicains, soupçonnaient le président du Sénat, Gérard Larcher, d'avoir cédé trop facilement aux desiderata de l'exécutif.

"Le sentiment des députés, et pas seulement du groupe, c'est que le Sénat a d'abord pensé à son propre intérêt et que le président Larcher a peut-être topé un peu facilement sur 15% de proportionnelle", une mesure qui concerne les seuls députés, a ainsi estimé le député LR Philippe Gosselin.

"A ce stade il y a encore beaucoup de flou. Mais à vrai dire tout cela n'augure pas de bonnes choses et je trouve que les députés, plus que les sénateurs, vont payer les pots cassés."

Pour son collègue LR Julien Aubert, le moment de vérité adviendra au moment du vote car "c'est au pied du mur qu'on voit le maçon".

Dans un communiqué, Gérard Larcher prévient toutefois que ce "projet ne peut être accepté par les Républicains" et que "seul le débat parlementaire permettra maintenant de le corriger".

Au Palais-Bourbon, la principale crainte concernait mercredi la baisse du nombre d'élus, malgré la promesse de conserver au moins un député et un sénateur dans chaque département.

"Avec moins de députés dans des circonscriptions qui sont vastes - 200.000, 230.000 habitants - on aura toujours le même discours de la part des Français : 'on ne les voit plus, ils sont coupés des réalités'", a estimé le député socialiste de la Sarthe Stéphane Le Foll, qui votera contre la réforme.

Julien Aubert lui a fait écho : "Quand vous ne voyez plus votre élu, vous subodorez qu'il fait autre chose, qu'il ne fait pas son travail".

Mercredi matin encore, le président du groupe LR à l'Assemblée, Christian Jacob, avait redit son hostilité à l'instauration d'une quelconque dose de proportionnelle.

"Nous ne sommes pas des marchands de tapis", a-t-il asséné devant les journalistes parlementaires. "La bonne dose de proportionnelle, c'est zéro pour cent".

"OÙ EST LA DÉMOCRATIE LÀ-DEDANS?"

Bien que partenaire de la majorité, le groupe UDI, Agir et Indépendants s'est montré prudent face à un projet considéré comme "une base de discussion", où "le compte n'y est pas".

"Si le texte ne bouge pas, il ne nous conviendra pas, nous n'y participerons pas. Mais j'espère que c'est une base de discussion et que le débat parlementaire permettra d'atteindre le bon équilibre", a prévenu son président, Jean-Christophe Lagarde, qui juge la réduction du nombre d'élus "trop forte" et la proportionnelle "trop faible".

Du côté de l'extrême gauche, on voit dans le projet annoncé par Edouard Philippe, qui entend aussi réduire la durée de l'examen des textes, une atteinte au pouvoir législatif au profit de l'exécutif.

"Où est la démocratie là-dedans ? Tout est plus petit avec Emmanuel Macron, y compris la démocratie. Il y a un véritable danger", a estimé le communiste Pierre Dharréville.

A ses yeux, réformer des institutions réclame un référendum. "Ce n'est pas à Emmanuel Macron de décider tout seul, y compris avec le président du Sénat et celui de l'Assemblée nationale dans un bureau. C'est une question qui doit être tranchée par le peuple".

La France insoumise a repris quant à elle les arguments de sa campagne présidentielle réclamant à la fois la suppression du Sénat et l'avènement d'une VIe République.

"On a des mesurettes qui ne répondront pas à la crise démocratique que connaît notre pays", a dit le député LFI Bastien Lachaud. "Il faut repartir à zéro".

Au Front national, pourtant favorisé par la proportionnelle aux élections législatives, on ironisait sur la faiblesse des mesures annoncées.

"On nous a survendu une réforme constitutionnelle dans laquelle il y a plus d'interrogations que d'affirmations", a considéré le député FN Sébastien Chenu, dénonçant en outre une "atteinte au fonctionnement du Parlement".

Exception à droite, le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, a salué une réforme qui "va dans le bon sens" mais pèche par l'absence de mesures de "démocratie directe" comme le référendum d'initiative populaire ou la reconnaissance du vote blanc. (Elizabeth Pineau, avec Marine Pennetier, édité par Sophie Louet)