Mesdames, Messieurs,

Bonjour à tous.

Je suis heureux de vous rencontrer ici dans la Maison de l'Europe à Londres, à l'issue de ce sixième round de négociations.

J'aimerais remercier la délégation de l'UE et notre ambassadeur, M. João Vale de Almeida, pour son accueil.

Je vous remercie également pour votre travail très utile de représentation de l'UE au Royaume‑Uni, aux côtés des 27 ambassadeurs de l'UE, que j'ai rencontrés hier.

Cette négociation a lieu au milieu d'une crise sanitaire, économique et sociale très grave en Europe et dans le monde.

Cette crise nous impose le devoir d'agir de manière responsable et d'œuvrer pour un accord limitant les conséquences négatives du Brexit.

C'est également la raison pour laquelle l'accord trouvé cette semaine au Conseil européen est si important.

Les dirigeants del'UE, et notamment les présidents Ursula von der Leyen et Charles Michel, ont fait preuve de responsabilité et démontré l'unité de l'UE en parvenant à un accord sur un budget pour les 7 prochaines années et un plan de relance très ambitieux. Le Parlement européen en débat aujourd'hui.

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi de commencer par quelques mots sur le contexte de ce cycle de négociations.

Lors de la rencontre de haut niveau avec les présidents Ursula von der Leyen, David Sassoli et Charles Michel en juin, le Premier ministre Boris Johnson nous a indiqué qu'il souhaitait parvenir rapidement à un accord politique.

Le Premier ministre a également indiqué trois lignes rouges:

  • aucun rôle pour la Cour de justice de l'Union européenne au Royaume-Uni;

  • le droit de déterminer les futures lois britanniques sans contraintes; et

  • un accord sur la pêche montrant que le Brexit apporte un réel changement par rapport à la situation actuelle.

Mesdames, Messieurs,

Les dires et les écrits de Boris Johnson sont pris au sérieux par l'UE.

C'est pourquoi, à la suite de la rencontre de haut niveau, nous avons convenu d'intensifier nos discussions.

Nous avons essayé de comprendre comment ces trois lignes rouges pouvaient être conciliées avec notre engagement en faveur d'un nouveau partenariat global, conformément à la Déclaration politique signée par le Premier ministre Johnson le 17 octobre dernier.

Car, bien entendu, tout accord international implique des contraintes pour les deux parties.

Nous avons continué à dialoguer loyalement et de manière constructive, conformément au mandat qui nous a été confié par les États membres, avec le soutien du Parlement européen.

Toutefois, au cours des dernières semaines, le Royaume-Uni n'a pas fait preuve du même niveau d'engagement et de volonté pour trouver des solutions respectant les principes et intérêts fondamentaux de l'UE.

Cette semaine, nous avons eu des discussions utiles sur certaines questions relatives aux biens et aux services.

Mais ces négociations sont complexes et nous obligent à progresser dans tous les domaines. Et nous en sommes encore loin.

Cette semaine, les discussions ont eu lieu dans une atmosphère positive et je tiens à remercier David Frost et son équipe, ainsi que l'équipe de l'UE, pour leur approche professionnelle.

Cela nous a permis de réaliser certains progrès:

  • Nous avons eu des discussions utiles pour réduire nos divergences dans les domaines de la coordination de la sécurité sociale et des programmes de l'Union.

  • Nous avons progressé vers l'objectif d'un cadre institutionnel global et unique, qui doit comprendre des mécanismes d'application des règles solides.

  • Et nous avons eu de bonnes discussions sur la coopération policière et judiciaire, même si des divergences subsistent.

Sur deux sujets importants, les transports et l'énergie, nous avons mené des discussions intenses et utiles. Toutefois, le Royaume-Uni a continué à demander des avantages similaires à ceux du marché unique.

En outre, il n'y a toujours pas de progrès sur deux points de notre partenariat économique:

  • Premièrement, il doit exister des garanties solides que des conditions de concurrence équitables seront respectées, y compris en matière d'aides d'État et de normes - afin d'assurer une concurrence ouverte et loyale entre nos entreprises, également dans la durée. C'est là un enjeu majeur pour l'ensemble des 27 États membres, et à mon avis également pour le Royaume-Uni.

  • Deuxièmement, nous devons nous mettre d'accord sur une solution équilibrée, durable et à long terme pour la pêche, en tenant compte des intérêts de tous les États membres concernés, mais également des nombreux hommes et femmes dont la subsistance en dépend des deux côtés.

Ces deux points n'ont rien de surprenant.

Nous avons toujours dit la même chose depuis le début des négociations, non seulement cette année, mais de manière invariable au cours des trois dernières années.

Ces points sont explicitement mentionnés dans la Déclaration politique - qui est un texte assez précis.

Ils faisaient partie intégrante de l'engagement politique pris avec le Premier ministre Boris Johnson il y a huit mois.

Nous demandons simplement que cet engagement politique soit traduit en un texte juridique. Rien de plus.

Encore une fois, ce que le Premier ministre écrit et dit est pris au sérieux par l'UE.

En ce qui concerne les deux points que j'ai mentionnés, à savoir les conditions de concurrence équitables et la pêche - le Royaume-Uni n'a, cette semaine encore, pas montré qu'il voulait sortir de l'impasse.

1. S'agissant des conditions de concurrence équitables, il refuse toujours de s'engager à maintenir sérieusement des normes élevées.

En ce qui concerne les aides d'État, malgré la formulation claire de la Déclaration politique, nous n'avons fait aucun progrès.

Cela est d'autant plus préoccupant que nous n'avons aucune visibilité sur les intentions du Royaume-Uni s'agissant de son futur régime national de contrôle des subventions. Nous respectons le débat politique au Royaume-Uni, mais il ne reste plus beaucoup de temps pour apporter des réponses.

Dans des domaines importants comme le climat, l'environnement, le droit du travail ou le droit social, le Royaume-Uni refuse le recours à des moyens efficaces pour éviter un dumping dû à un abaissement des normes.

Le Royaume-Uni souhaite retrouver son autonomie réglementaire et nous respectons cela.

Mais le Royaume-Uni peut-il utiliser cette nouvelle autonomie réglementaire pour fausser la concurrence avec nous?

Nous devons répondre à cette question avant de nous engager dans un nouveau partenariat économique.

Nous voulons que les échanges avec le Royaume-Uni soient exempts de droits de douane, de quotas, mais aussi exempts de concurrence déloyale. Et je suis sûr que les entreprises britanniques le veulent aussi.

Le Royaume-Uni nous dit qu'il a besoin de sécurité pour ses entreprises.

Mais cela ne peut se faire au prix d'une incertitude et de désavantages à long terme pour nos entreprises dans l'UE.

Nous respectons le choix politique du gouvernement britannique et nous sommes prêts à réfléchir à des solutions. Mais l'UE ne peut pas et n'acceptera pas de payer la facture pour les choix politiques du Royaume-Uni.

Et permettez-moi d'être très clair: un accord moins ambitieux sur les biens et les services ne conduira pas l'UE à réduire ses exigences en matière de conditions de concurrence équitables.

2/ Concernant la pêche, le Royaume-Uni demande en réalité une exclusion presque totale des navires de pêche de l'UE des eaux britanniques.

Cela est tout simplement inacceptable.

Le Royaume-Uni va être un État côtier indépendant et l'UE respecte pleinement ce fait. Nous reconnaissons également que, dans le cadre du futur accord, il pourra y avoir des changements au profit des pêcheurs britanniques.

Mais les stocks communs doivent être gérés conjointement - conformément au droit international et au principe d'une gestion responsable et durable des ressources.

Et un accord ne saurait entraîner une destruction partielle du secteur de la pêche de l'UE.

Je le répète: nous devons nous mettre d'accord sur une solution équilibrée, durable et à long terme pour la pêche, qui protège les nombreux hommes et les femmes dont la subsistance en dépend.

L'UE a toujours insisté sur le fait qu'un partenariat économique avec le Royaume-Uni doit inclure des règles solides sur des conditions de concurrence équitable et un accord équitable sur la pêche.

Cela signifie que le refus actuel du Royaume-Uni de s'engager en faveur d'une concurrence ouverte et loyale et d'un accord équilibré sur la pêche rend un accord commercial peu probable à ce stade.

Mesdames, Messieurs,

Jusqu'au dernier jour de cette négociation et malgré les difficultés actuelles, l'UE maintiendra une attitude engagée, constructive et respectueuse.

En tout état de cause, le Royaume-Uni a choisi de quitter le marché unique et l'union douanière le 1er janvier 2021, dans un peu plus de cinq mois.

Cela entraînera inévitablement des changements.

Pour notre part, nous sommes prêts.

  • Nous avons publié une communication pour aider les citoyens, les entreprises et les administrations publiques de l'UE à se préparer à la fin de la période de transition.

  • Les dirigeants de l'UE sont convenus cette semaine d'un instrument spécial de 5 milliards d'euros - la «réserve d'ajustement au Brexit» - pour faire face aux conséquences imprévues et négatives dans les États membres et les secteurs les plus durement touchés par le Brexit.

  • Parallèlement, nous avons publié à ce jour plus de 70 communications sectorielles: elles expliquent en détail quelles mesures doivent être prises dans chaque secteur pour se préparer à la fin de la période de transition. La lecture de ces communications est impérative pour les parties prenantes. Elles sont disponibles sur la page web de notre «task force Royaume-Uni».

Mais si nous ne parvenons pas à un accord sur notre futur partenariat, il y aura encore beaucoup plus de frictions.

Par exemple, en ce qui concerne les échanges de marchandises, outre les nouvelles formalités douanières, il y aura des droits de douane et des quotas.

C'est cela la vérité du Brexit. Et je continuerai à dire la vérité.

Si nous voulons éviter ces frictions additionnelles, nous devons parvenir à un accord au plus tard en octobre, afin que notre nouveau traité puisse entrer en vigueur le 1er janvier de l'année prochaine.

Cela signifie que nous n'avons plus que quelques semaines devant nous et que nous ne devrions pas les gaspiller.

Permettez-moi également de vous rappeler que nous n'avons plus que peu de temps pour une mise en œuvre correcte de l'accord de retrait.

Avec le vice-président Maroš Šefčovič, nous continuons à suivre de près la mise en œuvre, par le Royaume-Uni, de ses engagements au titre du protocole sur l'Irlande et l'Irlande du Nord.

Dans ce contexte, les dirigeants de l'UE sont également convenus, lundi, d'allouer 120 millions d'euros au programme PEACE PLUS en soutien à la paix et la réconciliation et à la poursuite de la coopération transfrontière Nord-Sud.

Le récent comité spécialisé sur le protocole a été une occasion utile de faire le point sur les progrès accomplis. Je remercie Michael Gove et son équipe pour leur engagement.

Mais nous restons préoccupés par le fait que les mesures nécessaires ne seront pas en place le 1er janvier.

Permettez-moi de vous rappeler qu'il n'y a pas de délai de grâce pour la bonne exécution de ce protocole.

Nous restons également vigilants, avec les 27 gouvernements de l'UE et le Parlement européen, sur la garantie des droits des ressortissants britanniques couverts par l'accord de retrait. De même, nous nous attendons à ce que les droits des citoyens de l'UE soient préservés ici, au Royaume-Uni.

Mesdames, Messieurs,

Aujourd'hui, ici Londres, je tiens à réaffirmer la volonté de l'UE de parvenir à un accord de partenariat ambitieux dans tous les domaines, y compris, même plus tard, dans le domaine de la sécurité extérieure et de la défense. C'est également le souhait des présidents Ursula von der Leyen et Charles Michel, du Parlement européen et des 27 chefs d'État ou de gouvernement.

Je continue de croire que le Premier ministre Boris Johnson et le gouvernement britannique souhaitent trouver un accord avec l'UE.

Parce qu'il est dans notre intérêt commun de coopérer et de relever les défis nombreux et graves d'aujourd'hui: le changement climatique et la biodiversité, la santé et la sécurité, la recherche et l'innovation, la démocratie et les droits fondamentaux, la lutte contre la pauvreté et la stabilité financière.

Dans l'esprit d'un mot célèbre de Saint-Exupéry, je dirais que la négociation, ce n'est pas seulement se parler l'un à l'autre, c'est regarder ensemble dans la même direction.

Je reviendrai à Londres la semaine prochaine avec mon équipe, comme prévu.

Un nouveau round est prévu mi-août.

Le travail continue. Notre détermination reste inchangée.

La Sté European Commission Representation in France a publié ce contenu, le 23 juillet 2020, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
Les contenus ont été diffusés par Public non remaniés et non révisés, le23 juillet 2020 14:35:15 UTC.

Document originalhttps://ec.europa.eu/france/news/20200723/declaration_michel_barnier_6eme_round_negociations_fr

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