par Michael Holden

LONDRES, 3 juin (Reuters) - Seule formation politique nationale délibérément hostile au Brexit, les Libéraux démocrates espéraient tirer leur épingle du jeu à la faveur des élections législatives du 8 juin prochain mais à cinq jours du scrutin, les sondages n'augurent rien de bon pour le parti de Tim Farron.

Les Lib Dems étaient pourtant entrés en campagne en visant les quelque 16 millions d'électeurs britanniques qui se sont prononcés il y a un an contre le divorce avec l'Union européenne.

Leur promesse d'organiser un second référendum sur les termes de l'accord de séparation était destinée à ces quelque 48% de votants, quand le Parti conservateur de la Première ministre Theresa May et les travaillistes de Jeremy Corbyn se sont engagés eux à mettre en oeuvre le Brexit.

"Vous devez avoir votre mot à dire sur l'accord de Brexit, par voie référendaire. Et si cet accord ne vous convient pas, vous devez pouvoir le rejeter et choisir de rester au sein de l'Europe", promettait Tim Farron à la mi-mai, lors du lancement de la campagne des Lib Dems.

Mais les sondages montrent que le parti centriste et europhile est très loin de son objectif. Comme si les partisans du "Bremain" ne croyaient plus à la possibilité de renverser l'issue du référendum du 23 juin dernier et s'y étaient au contraire résignés.

Le mois dernier, un sondage YouGov a montré que 22% seulement des Britanniques étaient déterminés à stopper le Brexit tandis que 45% se considéraient comme des "Hard Leavers" (partisans convaincus de la sortie de l'UE) et 23% confiaient avoir voté contre le divorce mais pensaient à présent que l'exécutif devait mettre en oeuvre la décision prise par la majorité des électeurs lors du référendum de l'année dernière.

L'avenir du National Health Service, le service public de la santé, a détrôné le Brexit en tête des préoccupations de l'électorat, notent les sondeurs.

"La posture pro-UE des Libéraux démocrates semblent n'avoir qu'un effet limité. Seuls 12% des électeurs probables ayant voté pour le 'Remain' lors du référendum sur l'UE envisagent de voter pour les Lib Dems, contre 35% pour les conservateurs et 41% pour le Labour", confirme Luke Taylor, directeur des études politiques de l'institut Kantar, qui a mesuré cette semaine les Lib Dems à 11% des intentions de vote.

"LE BREXIT N'EST PAS UNE QUESTION MAJEURE"

Lors des législatives de 2010, les Lib Dems, alors au sommet, avaient obtenu 23% des suffrages, soit 57 des 650 sièges de la Chambre des communes qui les avaient propulsé au sein d'un gouvernement de coalition avec les conservateurs de David Cameron.

Cinq ans plus tard, ils essuyaient un cinglant revers, leurs électeurs leur reprochant d'avoir soutenu la politique d'austérité conduite par Cameron et d'avoir enterré au passage leur promesse de ne pas augmenter les frais d'inscription en université. Avec 8% des voix et huit sièges aux Communes, les Lib Dems rebasculaient dans l'opposition.

Avec le resserrement de l'écart entre les Tories et le Labour observé ces derniers jours, la perspective d'un Parlement sans parti majoritaire s'est accrue, et avec elle la possibilité pour des partis tiers de jouer un rôle pivot dans une alliance. Mais les Libéraux démocrates ont par avance exclu toute coalition, que ce soit avec les conservateurs ou avec le Labour.

"Stratégiquement, cette option n'a peut-être pas été aussi intelligente qu'ils le pensaient. Ils se retrouvent dans les faits avec un réservoir de voix bien plus réduit qu'il ne l'était il y a un an", observe Charles Lees, professeur de science politique à l'université de Bath.

La circonscription de Yeovil, un bourg du comté rural du Somerset situé à 200 km environ de Londres, résume les difficultés dans lesquelles se débattent les Lib Dems.

Les Lib Dems, qui l'avaient conquise en 1983 avec Paddy Ashdown, figure historique du parti, l'ont perdue il y a deux ans au profit des Conservateurs. Il y a un an, le camp du Brexit l'a largement emporté, et les représentants locaux du parti font profil bas. Sur ses tracts électoraux, leur candidate, Jo Roundell Greene, petite-fille du Premier ministre travailliste de l'après-guerre Clement Attlee, ne mentionne même pas la promesse d'un second référendum.

"Les gens ici sont préoccupés par des questions locales", explique-t-elle. "Cela tourne beaucoup autour des écoles et des emplois. Le Brexit n'est pas une question majeure, je crois que les gens regardent d'autres sujets." (Henri-Pierre André pour le service français)