* L'Allemagne entend préserver l'équilibre avec la France

* Elle veut aussi s'assurer une influence sur le nouveau groupe

* EADS et BAE veulent au contraire réduire l'influence des Etats (actualisé avec précisions sur les discussions franco-allemandes et la position britannique)

par Gernot Heller

BERLIN, 28 septembre (Reuters) - Le projet de création d'un nouveau géant européen de l'aéronautique et de la défense est entré vendredi dans une phase politique cruciale, l'Allemagne affirmant sa volonté de disposer d'une position équivalent à celle de la France en cas de fusion entre EADS et le britannique BAE Systems.

Un responsable allemand a déclaré que le gouvernement d'Angela Merkel était prêt à adresser ses propositions à Paris, ce qui devrait ouvrir la voie à des discussions point par point.

La France et l'Allemagne, qui avaient supervisé la naissance d'EADS il y a 12 ans, ont un rôle clé à jouer dans le dossier EADS-BAE, qui pourrait ouvrir un nouveau chapitre de l'intégration économique européenne. Mais chacun d'eux entend bien défendre ses intérêts.

Les propositions allemandes, sur lesquelles se sont entendus les services de la chancelière Angela Merkel et le ministère de l'Economie, visent surtout à préserver l'équilibre des pouvoirs entre Paris et Berlin au sein de la nouvelle entité, a ajouté le responsable allemand.

Plusieurs sources proches du dossier ont expliqué que cela pourrait conduire l'Allemagne à acheter une partie du capital d'EADS, sans doute à Daimler, actionnaire historique aujourd'hui désireux de réduire sa participation. Une telle opération était déjà évoquée avant l'annonce des discussions avec BAE.

Mais la Grande-Bretagne, qui doit elle aussi donner son avis sur une éventuelle fusion, pourrait résister à une participation accrue des Etats, en partie pour des raisons idéologiques mais aussi pour protéger les intérêts de BAE sur le marché de la défense aux Etats-Unis, ont dit les sources.

L'Etat français, lui, possède 15% d'EADS et souhaite conserver son influence sur la stratégie du groupe, exercée par le biais d'un accord conclu avec Lagardère, actionnaire à hauteur de 7,5%.

La France a également demandé que le siège social du nouveau groupe soit installé à Toulouse, où est déjà basé Airbus, et souhaite des garanties sur l'avenir de son industrie de défense, a-t-on appris de source proche des propositions.

L'Etat fédéral allemand n'est pas directement présent au capital mais considère le projet de fusion comme une occasion de s'assurer le contrôle de la participation aujourd'hui détenue par Daimler et par un groupe de banques.

PARTICIPATION COMMUNE?

Le Financial Times Deutschland (FTD) écrit vendredi que l'Allemagne et la France pourraient tenter de s'assurer une participation combinée de 27% dans le nouveau groupe, mais la Grande-Bretagne s'y oppose. (voir )

Cette ambition pourrait remettre en question le projet de fusion, le président exécutif d'EADS, Tom Enders, ayant d'ores et déjà annoncé qu'il souhaitait réduire le poids des Etats dans la nouvelle structure.

"Les deux sociétés considèrent que les pactes d'actionnaires doivent être dissous pour que le nouveau groupe puisse fonctionner avec une structure de gouvernance commerciale normale", assure une proche de BAE.

Selon le FTD, l'idée d'une participation commune de 27% dans la nouvelle entité bénéficierait du soutien français, bien que Paris n'ait donné jusqu'à présent aucun signe de vouloir faire des concessions au profit d'une approche commune avec Berlin.

Il n'est pas sûr non plus que l'Allemagne se montre favorable à une telle initiative, précisent des sources industrielles citées par le journal.

Sur le papier, une participation commune supposerait que la France reprendrait les 7,5% de Lagardère dans EADS, tandis que l'Allemagne récupérerait la totalité des 22,5% de droits de vote détenus par Daimler.

Chacun disposerait ainsi, après la dilution liée à la fusion avec BAE, de 13,5% du nouvel ensemble.

EADS et BAE privilégient pour leur part une approche consistant à substituer au pacte d'actionnaires actuel des "actions spéciales" attribuées à chacun des trois Etats concernés pour leur garantir de droit d'empêcher une éventuelle offre d'achat hostile sur le nouveau groupe. (avec Gareth Jones, Edward Taylor, Rhys Jones, Jason Neely et Tim Hepher; Benoit Van Overstraeten et Tangi Salaün pour le service français, édité par Marc Angrand)

Valeurs citées dans l'article : Daimler AG, LAGARDERE S.C.A., BAE Systems plc, EADS