Inutile de tenter de le différencier à l'œil nu ni même avec un microscope, le diamant de laboratoire possède les mêmes propriétés physiques, chimiques et optiques que le diamant naturel, et seule une étude d'expert dans un laboratoire dédié vous permettra de les distinguer l'un de l'autre.

Le processus de création des diamants synthétiques est connu depuis plusieurs décennies, mais il a fallu attendre les années 2010 pour qu'il soit amélioré et rendu commercialement viable. Dès lors, ces pierres précieuses n'ont cessé de grappiller du terrain sur leurs prestigieuses consœurs. 

S'il a fallu entre un et trois milliards d'années pour que la terre produise les diamants bruts, auxquels s'ajoutent les complications d'extractions, il faut seulement huit semaines à un laborantin bien équipé pour créer un diamant de synthèse. Sans surprise, ce dernier vaut donc beaucoup moins cher : le prix varie du dixième à la moitié de celui d'un diamant de mine. 

Un temps boudé par les professionnels et inconditionnels du produit, le joyau artificiel a fait son entrée dans les plus luxueuses maisons de joailleries, pour le plus grand bonheur des consommateurs, et de leur portefeuille. Alors qu'elle représentait moins d'1% du marché mondial il y a dix ans, la pierre synthétique pèserait aujourd'hui au moins 20%. 

Une entrée par la grande porte 

C'est en 2021 que Pandora, le plus grand fabricant de bijoux au monde en termes de volume, a annoncé abandonner les diamants miniers au produit des pierres cultivées. Bien lui en a pris, ses ventes ont explosé auprès de la jeune génération, quand certains de ses pairs souffraient d'un recul sur ce segment. Selon le Financial Times, le groupe danois a accru ses ventes de diamants de synthèse de 87% au T1 2024 et relevé ses prévisions annuelles. Résultat : le titre du joaillier a doublé en un an. 

Il n'en fallait pas plus pour que LVMH s'y mette : le géant français, maison-mère de Tiffany & Co, initialement spécialisé dans les diamants naturels, a commencé à insérer dans ses collections des solitaires synthétiques, pour tester l'appétit de sa clientèle. 

Des causes géopolitiques et économiques 

Ce choix a également été dicté par l'environnement géopolitique. Depuis le début de la guerre en Ukraine, plusieurs pays ont émis des restrictions sur les achats de gemmes en provenance de la Russie, responsable de la production de 70% des diamants bruts de la planète. Ces pierres transitaient par l'Inde, où sont polis 90% des diamants naturels du monde. 

Ajoutées au repli de l'économie mondiale, ces sanctions ont provoqué un recul des exportations indiennes de diamants taillés de 29% entre avril et octobre 2023. 

Le sud africain De Beers pâtit également du mouvement : en octobre 2023, il accusait une baisse de 82% de la demande par rapport à l'année précédente, et déplorait un recul de 25% des prix des diamants extraits au cours des deux dernières années. Échaudé par la volatilité de la demande, la surabondance de l'offre et la concurrence des pierres synthétiques, son propriétaire, le mineur Anglo American annonçait en début de mois son intention de céder le conglomérat diamantaire. 

Féroce concurrence, nouvelle abondance 

En parallèle, l'industrie des diamants de labo se porte comme un charme. Aux Etats-Unis, la moitié des pierres vendues sont désormais cultivées en laboratoire, et près de 40% des bagues de fiançailles arborent un diamant industriel. 

En Inde, les tailleurs de bruts se sont convertis à la production en laboratoire, les exportations synthétiques ont explosé en 4 ans, entre +200 et +750% selon les études. Elles représentent aujourd'hui 19% du marché local, et ont triplé en valeur entre 2018 et 2023. 

Cet afflux récent de pierres artificielles a aussi des conséquences négatives. Les prix de gros du synthétique ont baissé de 58% en un an : le prix d’un diamant poli d’un carat de moyenne qualité est passé de 2400 à 1000 dollars entre 2022 et 2023.

Quoi qu'il en soit, le diamant de synthèse n'a pas fini de faire parler de lui. En juin 2023, à l'occasion d'une visite officielle aux Etats-Unis, le premier ministre indien Narendra Modi a offert à Jill Biden, l'épouse du président Joe Biden, un diamant de 7,5 carats cultivé dans laboratoire indien, se transformant ainsi en ambassadeur de taille pour l'industrie.