Genève (awp/ats) - Si Google Earth permet de voir la planète dans ses moindres détails, le sous-sol reste en revanche nettement plus obscur. Une équipe de l'Université de Genève développe un projet-pilote de lunettes de réalité augmentée afin de voir les conduites souterraines en 3D.

"Il s'agit d'une visualisation holographique qui permet d'ajouter des éléments à une image réelle", explique Dimitri Konstantas, professeur à l'Université de Genève (UNIGE). "Concrètement, les lunettes de réalité augmentée identifient l'endroit où nous sommes, et montrent en l'espace de quelques secondes les conduites souterraines sous nos pieds."

Le prototype dispose d'une précision d'affichage des lunettes inférieure à deux centimètres. La géolocalisation se fait avec le regard, poursuit-il.

Les yeux de l'utilisateur fonctionnent comme un curseur sur un ordinateur. Ils permettent de visualiser l'endroit où il faut faire apparaître les conduites. Elles apparaissent de différentes couleurs, selon leur utilisation, bleu pour l'eau potable, jaune pour le gaz et rouge pour l'électricité.

Financé par Innosuisse

La mise au point du prototype a nécessité deux ans de recherche et développement. Le projet-pilote appelé City 3D est financé par Innosuisse, l'Agence suisse pour l'encouragement à l'innovation, un organisme qui dépend de la Confédération.

L'équipe de Dimitri Konstantas a développé un logiciel qui fonctionne sur du matériel existant (les lunettes Microsoft HoloLens et une caméra 3D) et avec les bases de données de conduites souterraines du CERN et des SIG. Les lunettes scannent l'environnement et créent un modèle 3D. Le logiciel permet d'ajouter des informations concernant des conduites souterraines et de créer une interaction avec l'utilisateur.

Avantage du système: la 3D fonctionne partout contrairement au GPS, souligne l'expert. Autre atout, les géomètres ont moins besoin de se déplacer. Chacun peut utiliser ces lunettes. Le temps nécessaire pour effectuer les relevés s'en trouve grandement diminué.

Moins de dégâts sur les câbles

Les SIG ont donné accès à leur cadastre de conduites souterraines à ce projet-pilote. "Jusqu'à présent, nous avons répertorié l'ensemble de nos réseaux géolocalisés à + ou - 10 cm en 2D," explique Patrice Poirier, responsable du service du cadastre des réseaux aux SIG. Cela n'a jamais été fait en 3D avec cette précision. C'est un bond technologique important, pour lequel on se prépare en stockant déjà l'information altimétrique".

Les applications de ces lunettes de réalité augmentée sont multiples. Par exemple, les conducteurs de travaux peuvent visualiser les conduites souterraines avant de creuser avec un trax, ce qui réduirait considérablement les arrachages de câbles électriques ou de conduites, relativement fréquents.

Les ingénieurs de projet peuvent voir les réseaux existants et ainsi rajouter de nouveaux éléments plus facilement, surtout pour les chantiers complexes. Les architectes ont la possibilité de visualiser leur bâtiment et de le partager à plusieurs en même temps.

Facile à utiliser

Autre aspect de ce prototype, l'acquisition de nouvelles données grâce à une caméra 3D. Ce pourrait être un outil supplémentaire pour les géomètres qui disposent déjà d'outils, comme le théodolite ou le GPS de précision.

"Nous avons réalisé des tests sur le terrain", résume Patrice Poirier. Ces lunettes de réalité augmentée sont faciles à utiliser, elles permettent de travailler rapidement et avec précision. Le relevé de nos réseaux se fera très prochainement par caméras 3D ou par ces lunettes, pour les chantiers complexes."

Le CERN est également très intéressé, car il dispose d'un réseau très dense de câblage dans les halls d'expérience, ajoute M. Konstantas. Lui et son équipe ont créé la société Cadastra Sarl pour convertir le prototype en un produit commercialisable. Leur objectif: une mise sur le marché d'ici printemps 2021.