(Actualisé avec communiqué de ses agents, § 3-4)

PARIS, 26 janvier (Reuters) - Le compositeur et pianiste français Michel Legrand est mort samedi à l'âge de 86 ans au terme d'une carrière couronnée de succès en France comme à Hollywood, notamment marquée par trois Oscars et la Palme d'or obtenue en 1964 à Cannes avec Jacques Demy pour "Les Parapluies de Cherbourg".

Né en 1932, fils du chef d'orchestre Raymond Legrand, Michel Legrand, passé par le Conservatoire où il avait appris le piano et l'harmonie sous la férule de Nadia Boulanger, avait accompagné la naissance de la Nouvelle Vague puis poursuivi sa carrière de part et d'autre de l'océan Atlantique.

"C'est avec une grande tristesse qu'il nous faut annoncer la disparition de notre ami et artiste Michel Legrand, qui nous a quittés paisiblement ce samedi 26 janvier", ont annoncé ses agents dans un communiqué mis en ligne sur Facebook.

"Il avait changé la définition de la musique de film par son sens du rythme et son absolue passion pour la vie", ajoutent-ils.

"Un génie de la musique s'en va. Il reste son génie et sa musique. Et nos larmes", a réagi https://twitter.com/jmblanquer/status/1089078455801651200 sur Twitter le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer.

Le ministre de la Culture, Franck Riester, a exprimé lui sa "grande émotion à l'annonce de la disparition de Michel Legrand".

"Compositeur de génie, son inépuisable talent, célébré partout dans le monde, a fait naître tant d’émotions. Ce matin nous fredonnons tous un air de Michel Legrand. Pensées émues pour son épouse et ses proches", ajoute https://twitter.com/franckriester/status/1089082610964488192-t-il sur Twitter.

Orchestrateur - il accompagne Maurice Chevalier en tournée américaine au début des années 1950-, chanteur lui-même, artiste de jazz, Michel Legrand était rapidement passé à la composition de musiques de films, associant à jamais son nom à celui du cinéaste Jacques Demy, avec lequel il a multiplié les collaborations dès "Lola" en 1961.

"PERSONNE N'A CRU AU PROJET"

En 1964, déjouant le scepticisme de la profession, le duo avait décroché la Palme d'or au Festival de Cannes pour "Les Parapluies de Cherbourg", un film "en chanté" où tous les dialogues sont "musiqués", ainsi qu'il le disait.

"Personne n'a cru au projet. On a fait du porte-à-porte pendant un an, sollicité tous les producteurs français. Aucun n'imaginait que le public resterait dans une salle obscure écouter des acteurs chanter des phrases banales. Il a fallu la gentillesse de Pierre Lazareff pour que le film puisse se lancer", disait-il dans une interview accordée en mars 2017 au quotidien Le Monde.

Suivront, entre autres, les partitions de deux nouveaux succès co-signés avec Demy, "Les Demoiselles de Rochefort" en 1967 puis "Peau d'âne", trois ans plus tard.

Michel Legrand avait également travaillé avec Agnès Varda et Jean-Luc Godard ou encore Philippe de Broca, Claude Lellouch et Jean-Paul Rappeneau.

"On faisait des films sans argent. On commençait avec la dette de la pellicule. Je me suis beaucoup amusé. On avait tous 20 ou 30 ans", se souvenait-il dans une interview accordée en décembre dernier à l'hebdomadaire Télérama, dans laquelle il rendait un hommage appuyé à sa professeure, Nadia Boulanger.

Aux Etats-Unis, où il travaille avec Miles Davis ou encore Stan Getz, Hollywood l'avait récompensé à trois reprises d'un Oscar, le premier en 1968 pour "L'Affaire Thomas Crown" de Norman Jewison avec la chanson "Les Moulins de mon coeur". Avaient suivi "L'été 42" de Robert Mulligan en 1971 puis "Yentl", en 1983.

"DE CHACUNE DE SES CHANSONS UN BIJOU"

A l'occasion d'une rétrospective il y a dix ans, La Cinémathèque française observait qu'"à travers le cinéma, le grand Legrand avait trouvé le moyen de faire la synthèse entre ses différentes cultures, entre jazz, baroque et musique d'aujourd'hui".

Sur France Info, le pianiste et compositeur André Manoukian a confié samedi matin avoir "perdu un maître". Michel Legrand, a-t-il poursuivi, était "non seulement un compositeur extraordinaire mais aussi un arrangeur hors pair (...)". "Il a réussi le miracle de faire de chacune de ses chansons un bijou."

Sur Twitter, l'écrivain et journaliste Philippe Labro a rendu hommage à un "surdoué, travailleur inarrêtable, créateur multiforme, des mélodies universelles, des moulins de nos coeurs, des films qui n'auraient pas existé sans sa musique (...) Une sorte de génie".

Acharné de travail, Michel Legrand s'apprêtait à donner une nouvelle série de concerts cette année, avec des dates programmées à Paris en avril puis au Canada en juin.

Au quotidien Le Monde, en 2017, il expliquait que "l'ennui" l'avait mis sur la voie de la musique.

"Mon père a déserté le foyer lorsque j'avais 3 ans. Il a eu beau devenir très riche pendant la guerre, il ne nous a jamais donné un centime et ma mère a dû travailler rudement, me laissant seul à la maison avec ma grand-mère tandis que ma soeur allait à l'école. Le piano droit laissé par mon père est donc devenu mon meilleur ami." (Henri-Pierre André pour le service français)