MARDI 23 SEPTEMBRE 2014 : LE CESE A VOTE SON AVIS « L'INFLUENCE DE LA FRANCE SUR LA SCENE EUROPEENNE ET INTERNATIONALE PAR LA PROMOTION DU DROIT CONTINENTAL» Imprégnant tous les actes de la vie courante, la règle de droit ne saurait être envisagée sous le seul angle de la technique juridique. Permettant de régir efficacement les rapports économiques, sociaux et environnementaux, la mise en place de systèmes juridiques cohérents est en effet indispensable au développement démocratique et économique des sociétés et à la construction de relations équilibrées entre les Etats. Le droit se trouve ainsi au cœur du monde de la politique, de l'économie, de la culture, et concerne de très nombreux domaines, de la recherche à l'écologie, du commerce au développement, de la diplomatie à l'emploi de la force. Au-delà de la comparaison formelle des vertus respectives du droit de tradition romaine ou droit continental - dont est issu le droit français comme deux tiers des systèmes juridiques mondiaux - et du droit hérité de la « Common Law », il est urgent de comprendre à quel point l'utilisation du droit est capitale dans la stratégie d'influence des Etats : la promotion du droit continental peut et doit devenir un levier d'influence sur la scène internationale. Dans son avis rapporté par David Gordon-Krief (président du Groupe des professions libérales) au nom de la section des affaires européennes et internationales présidée par Yves Veyrier (Groupe CGT-FO), le Conseil économique social et environnemental (CESE) souligne le caractère stratégique du droit et examine très concrètement de quelle façon la France peut promouvoir efficacement la norme de droit romain sur la scène internationale, au service de ses intérêts stratégiques, diplomatiques et économiques. L'avis a été présenté à la presse le 23 septembre. Il a ensuite été voté en Assemblée plénière avec 149 votes pour et 23 abstentions. Le droit, un vecteur d'influence pour la France

Le droit est devenu un instrument d'influence majeur dans un contexte mondial où la compétition n'est pas qu'économique et commerciale. Désormais, la concurrence s'exprime également en termes de modèle de société, de prévalence de systèmes de droit, de principes. Fixer la règle de droit, la norme, le cadre de régulation d'un marché ou d'une activité, devient un moyen de dominer dans la mesure où le droit conditionne l'économie. Face à l'expansion du système juridique anglo-saxon dit de « Common Law » sur tous les continents et dans tous les secteurs d'activités, la France risque de voir son influence reculer si elle ne traite pas le droit comme un instrument essentiel de sa politique étrangère d'influence au même titre que l'économie, le sport ou la culture. C'est une véritable « guerre des droits » qui se joue. Le conflit qui a opposé la banque BNP Paribas aux autorités judiciaires américaines en est l'illustration.
Dans la perspective de renforcer sa présence et de conquérir de nouvelles positions au sein de l'Union européenne, sur les autres continents - notamment en Afrique - et dans les enceintes multilatérales, le CESE met l'accent sur la nécessité d'une mobilisation de l'ensemble des acteurs publics et privés autour de la définition d'une vraie stratégie concertée et ordonnée de valorisation du droit continental sur la scène internationale.

Mettre en œuvre une stratégie d'influence offensive et appropriée

La définition d'une stratégie d'influence par le droit pour la France impose d'abord de partager une ambition

collective, et de se donner les moyens de la mettre en œuvre : la coordination entre les différents acteurs de

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la stratégie d'influence de la France est très insuffisante, chacun cherchant d'abord à préserver son champ d'action et de compétences. Le CESE recommande ainsi de consolider sous l'impulsion du Premier ministre le rôle de pilotage et de coordination de l'Etat entre les différentes administrations et de renforcer concomitamment les interfaces entre le Secrétariat général aux affaires européennes et la Représentation permanente à Bruxelles pour défendre plus efficacement les positions de la France au sein de l'UE. Le CESE prône d'introduire explicitement la dimension juridique au cœur des objectifs de la Délégation interministérielle à l'intelligence économique. Au-delà des organismes gouvernementaux, il s'agirait de favoriser le regroupement des cabinets français de professionnels du droit pour permettre leur croissance et leur implantation à l'étranger, mais également d'associer pleinement les ONG françaises à la construction et la diffusion de concepts et principes juridiques en les dotant notamment de moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux.
Ces efforts doivent permettre de défendre les positions françaises là où elles sont fragilisées notamment en Afrique, et de favoriser une implantation plus offensive dans les pays émergents en quête d'expertise juridique dans de nombreux secteurs.
Le CESE recommande aussi de valoriser la coopération internationale par le droit : sans prétendre à la supériorité d'un système juridique sur l'autre, l'enjeu pour la France est de mettre en avant les atouts de l'adoption de notre système de droit continental sur différents segments du droit : montages juridiques de partenariats publics-privés, droit de la propriété, protection des données personnelles, expertise judiciaire… A cet égard, le CESE juge essentiel d'accorder une meilleure place à l'assistance juridique dans les programmes d'aides au développement- à titre d'exemple, le nombre d'experts juridiques français mobilisés au plan international est passé de 2.463 en 2001 à 574 en 2014 : cette baisse drastique doit absolument être inversée. Le CESE recommande également, entre autres préconisations, de faire inscrire la thématique « influence par le droit » à l'agenda des travaux du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement et le Conseil national du développement et de la solidarité.

Consolider la présence de la France dans les organisations internationales

Les instances multilatérales que sont la Banque mondiale, la FAO (Food and agriculture organization) ou encore l'OCDE sont devenues des espaces privilégiés de fabrication du droit et de la norme et donc del'influence. La France doit impérativement y reconquérir des positions solides, en identifiant de façon précoce les sujets émergents, en renforçant sa présence dans les strates intermédiaires (comités de travail, groupes de réflexion où se préparent les règles de droit et les normes pour l'avenir) et en constituant un vivier d'experts juridiques de haut niveau susceptibles d'assurer une bonne représentation de la France dans ces instances.

Renforcer l'attractivité de la France par le droit

Levier potentiel d'influence de la France au-delà de ses frontières, le droit peut également être un facteur d'attractivité du territoire français, à condition de le rendre plus lisible et compréhensible . « L'incertitude est le cancer de l'investissement », souligne David Gorgon-Krief. L'inflation de normes et l'instabilité de la jurisprudence française ont un effet désastreux sur l'image projetée par notre pays et sur les perspectives de croissance et d'emploi. Il s'agit donc de revenir aux attributs qui font la force du droit continental : stabilité, sécurité juridique, fiabilité, prévisibilité et non rétroactivité des textes et de la jurisprudence.

Notre modèle juridique est extrêmement cohérent et solide, offrant tout à la fois d'importantes capacités d'adaptation et une réelle sécurisation des rapports juridiques entre les différents justiciables. Mais il doit être défendu - des classements internationaux sur le degré de corruption ou encore sur le climat des affaires donnent une très mauvaise image de la France, au bénéfice des pays qui en fixent les critères. Pourquoi ne pas proposer d'autres classements déclinés autour de critères différents, comme le fait la Fondation pour le droit

continental qui évalue les droits d'un certain nombre de pays ?

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Son enseignement doit également être adapté à un univers mondialisé, afin d'améliorer l'attractivité de nos filières juridiques dans les universités, d'étoffer l'enseignement du droit dans les autres filières françaises mais également à l'étranger et d'élargir la diffusion des travaux français à l'étranger (faire publier et diffuser à l'étranger les textes officiels, ouvrages, contributions scientifiques et articles publiés dans des revues scientifiques pour en faciliter l'accès).

La France mais également l'UE ont insuffisamment intégré le caractère stratégique de la règle de droit dans le contexte de la mondialisation. Le CESE invite à un véritable changement d'approche et de perception de l'ensemble des parties prenantes - entreprises, professionnels, syndicats, ONG.« Le droit doit être le cheval de Troie de la France », souligne David Gordon-Krief.

Contacts presse :

Victor BOURY Emilie HUMANN

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