Pékin (awp/afp) - La Chine devrait annoncer lundi un rebond de sa croissance au deuxième trimestre, un chiffre en trompe-l'oeil préviennent des analystes, en raison d'une faible base de comparaison avec l'an dernier quand le Covid pénalisait l'activité.

Il y a un an, le produit intérieur brut (PIB) de la Chine signait l'une de ses pires performances trimestrielles (+0,4% sur un an), plombé par des restrictions sanitaires draconiennes qui entraînaient confinements et fermetures d'usine à répétition.

La levée de ces mesures fin 2022 a permis à l'économie de redémarrer au premier trimestre (+4,5%).

Mais cette reprise, qui tarde toujours à se concrétiser dans certains secteurs, tend à s'essouffler.

Sur la période avril-juin, un groupe de 13 experts interrogés par l'AFP table en moyenne sur une hausse de 7,1% sur un an du PIB de la deuxième économie mondiale.

Un rythme de croissance "artificiellement élevé", estime l'économiste Gene Ma, de l'Institut de la finance internationale (IIF), une association qui réunit grandes banques et institutions financières mondiales.

Car la comparaison se fait toujours sur la même période un an plus tôt: le deuxième trimestre 2022 avait été plombé par le confinement de la capitale économique Shanghai.

Le chiffre de la croissance d'un trimestre sur l'autre, également attendu lundi, devrait donner une grille de lecture plus réaliste.

Frein sur les dépenses

Si la levée des restrictions sanitaires s'est accompagnée d'un retour des Chinois dans les magasins, restaurants et lieux touristiques, ils sont désormais "effrayés à l'idée de trop ouvrir leur portefeuille", remarque Stewart Paterson, chercheur pour la Fondation Hinrich, un organisme indépendant qui suit l'économie.

La faute à la morosité du marché de l'emploi et à des inquiétudes quant à l'avenir.

En mai, un jeune Chinois sur cinq était au chômage et un nouveau record pourrait être battu lundi lors de l'annonce des chiffres officiels du mois de juin.

Faute de demande, les entreprises hésitent à embaucher et "attendent de voir", ce qui maintient l'activité à un faible niveau, résume l'économiste Harry Murphy Cruise, de l'agence de notation Moody's.

Ce phénomène fait planer le spectre d'une déflation, c'est-à-dire d'un recul des prix, qui serait préjudiciable pour l'économie.

En juin, l'inflation était nulle, tandis que les prix à la production ont continué de plonger, reflet d'une demande atone.

La croissance chinoise est également grippée par une crise de l'immobilier, qui pénalise un secteur longtemps moteur de l'économie.

Nombre de promoteurs luttent aujourd'hui pour leur survie, alimentant une crise de confiance avec des acheteurs potentiels et qui plombe les prix.

Chiffre politique

Moins d'achats de logements entraîne logiquement moins de dépenses pour les équiper et un renforcement de l'épargne des ménages, ce qui nuit à l'activité, souligne Teeuwe Mevissen, analyste chez RaboBank.

Les tensions géopolitiques avec les Etats-Unis, la menace de récession dans les principales économies et l'inflation au niveau mondial vont également peser ces prochains mois sur les exportations, préviennent des analystes.

Ce secteur est historiquement un levier de croissance crucial pour le pays, longtemps qualifié à ce titre d'"atelier du monde".

En juin, les exportations ont connu leur plus fort repli depuis trois ans (-12,4% sur un an), selon les chiffres des Douanes.

En dépit des pressions sur l'économie, le gouvernement a fixé à "environ 5%" l'objectif de croissance du géant asiatique pour cette année.

Ce chiffre, éminemment politique et sujet à caution, n'en reste pas moins toujours scruté de près compte tenu du poids du pays dans l'économie mondiale.

Les experts interrogés par l'AFP tablent cette année sur une croissance en Chine de 5,3%, une estimation proche de celle du Fonds monétaire international (5,2%), qui comptait au printemps sur la reprise chinoise pour donner un coup d'accélérateur à l'économie mondiale.

L'an dernier, la croissance chinoise avait atteint 3%, loin de l'objectif officiel de 5,5% et l'un des rythmes les plus faibles en quatre décennies.

afp/rp