par Sakari Suoninen et Gilbert Kreijger

Mais les banques internationales les plus importantes pourraient se voir imposer une "surcharge" de fonds propres en plus des règles de Bâle III, qui serait destiné à financer le sauvetage éventuel d'un groupe jugé d'importance "systémique", c'est-à-dire dont la faillite menacerait le bon fonctionnement du système financier dans son ensemble.

"Les accords (de Bâle) ont certainement réduit la probabilité de faillite de banques d'importance systémique, mais ils ne résolvent pas le problème de l'aléa moral car ces banques sont trop grosses ou trop interconnectées pour faire faillite", a déclaré Mario Draghi, gouverneur de la Banque d'Italie et président du Conseil de stabilité financière (FSB).

Le concept d'aléa moral correspond à la théorie selon laquelle un acteur du système financier est d'autant plus enclin à prendre des risques inconsidérés qu'il a la certitude d'être secouru par les pouvoirs publics en cas de difficulté.

Le FSB, un organisme indépendant du Comité de Bâle, doit présenter ses propositions en la matière lors du sommet du G20 en novembre.

Mais lundi, les investisseurs ont surtout salué la clarification apportée par les nouvelles règles de fonds propres, au point de négliger l'avertissement de Nout Wellink, l'un des concepteurs de ce nouveau cadre réglementaire, selon lequel les banques vont maintenant devoir lever des centaines de milliards d'euros.

DU TEMPS POUR S'ADAPTER

L'indice Stoxx 600 regroupant les principales banques européennes a gagné 1,69% tandis que la Bourse de Paris et l'indice paneuropéen FTSEurofirst 300 ont enrangé respectivement 1,11% et 0,66%.

L'euro s'est parallèlement apprécié de plus de 1% face au dollar, se rapprochant du seuil de 1,29 dollar.

Les nouvelles règles de Bâle III obligeront les banques à détenir des fonds propres de qualité la plus élevée représentant 7% de leurs actifs à risque, soit plus du triple du seuil actuel. Mais elles accordent au secteur un délai plus long qu'anticipé pour s'y conformer, ce qui a apaisé en partie les craintes d'une multiplication prochaine des appels au marché.

"Les autorités sont tombées d'accord sur la nécessité de laisser d'abord les banques se redresser puis recommencer à prêter pour qu'elles participent à la reprise", a commenté Guy de Blonay, l'un des gérants du fonds Financial Opportunities Fund du groupe Jupiter.

Les banques auront en effet jusqu'en 2015 pour porter le ratio de leurs fonds propres de meilleure qualité, le "core tier 1", à 4,5% de leur total de bilan, et jusqu'à 2019 pour constituer un "matelas de précaution" de 2,5%.

Reste que de nombreux acteurs du secteur devront probablement lever de nouveaux fonds, en particulier des établissements allemands et espagnols.

"Il s'agira de centaines de milliards (d'euros)", a prévenu Nout Wellink, président du Comité de Bâle et membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne.

FLEXIBILITÉ

"Pour une partie, elles devront conserver pendant des années des bénéfices qu'elles ne pourront utiliser pour rémunérer leurs actionnaires ou verser des primes. Pour une autre partie, cela variera d'une banque à l'autre, elles devront l'obtenir sur les marchés financiers", a-t-il ajouté.

Le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, a estimé pour sa part que l'accord de Bâle III assurait un bon équilibre entre le renforcement des bilans et le maintien de la capacité des banques à prêter. Les nouvelles règles ne compromettront donc pas la reprise économique, a-t-il assuré.

Moins optimiste, la Fédération bancaire française (FBF) a jugé que le nouveau régime de Bâle III constituait "une contrainte forte qui pèsera inévitablement sur le financement de l'économie et notamment le volume et le coût du crédit".

Les banques qui devraient bénéficier le plus de la période d'adaptation accordée par Bâle III ont figuré parmi les plus fortes hausses de la journée, à l'instar du Crédit agricole (+5,75%), de Dexia (+6,16%) ou de Banco Popolare.

Bon nombre des principales banques des Etats-Unis, du Canada, des pays nordiques, de Grande-Bretagne, de Suisse ou du Benelux affichent déjà des ratios de solvabilité confortables et n'auront donc aucun mal à s'adapter aux nouvelles règles.

La clarification de ces dernières pourrait donc les inciter à reprendre le paiement de dividendes ou à augmenter la rémunération versée aux actionnaires, voire à se lancer dans des acquisitions, estiment des analystes.

"Cela leur permettra d'être un peu plus flexible en matière d'opportunités de croissance", estime Guy de Blonay, de Jupiter.

Pour les analystes de Credit Suisse, un ratio "core Tier 1" de 7% sera le strict minimum. Ils estiment qu'il faudra atteindre 8% pour figurer parmi les banques jugées correctement capitalisées et 10% pour pouvoir envisager de restituer des capitaux aux actionnaires.

avec Julien Ponthus à Paris, Alexandre Boksenbaum-Granier et Marc Angrand pour le service français, édité par Dominique Rodriguez