par Karen Freifeld et Dmitry Zhdannikov et Ron Bousso

LONDRES/NEW YORK, 7 octobre (Reuters) - BNP Paribas a demandé à trois banques américaines de l'aider à assurer la compensation en dollars de transactions sur le marché de l'énergie l'an prochain afin d'assurer la continuité de ses activités dans ce domaine malgré les sanctions que lui ont imposées les autorités américaines, a-t-on appris de plusieurs sources.

Ces demandes ont été adressées à JPMorgan Chase & Co , Bank of America Merrill Lynch et Citigroup en juillet-août, selon des sources qui ont requis l'anonymat, les discussions étant confidentielles.

Quatre sources dans des banques et des sociétés de négoce en Europe et aux Etats-Unis ont déclaré que JPMorgan avait rejeté la demande du groupe français mais d'autres sources sont assuré que les pourparlers se poursuivaient.

"Les discussions se poursuivent et le processus progresse de manière constructive", a dit une source proche des négociations.

BNP Paribas, JPMorgan, BAML et Citigroup ont refusé de commenter ces informations.

Les sanctions infligées à la première banque française par les autorités américaines le 30 juin dernier incluent, outre une amende de près de neuf milliards de dollars, la suspension de ses opérations de compensation en dollars pour toute l'année 2015.

Pour le régulateur bancaire de l'Etat de New York, ces opérations étaient au coeur des violations répétées des embargos américains contre le Soudan, Cuba et l'Iran commises par BNP Paribas.

SURVEILLANCE

"Sans aide pour la compensation, BNP ne sera tout simplement pas en mesure de faire fonctionner sa division de financement de transactions dans l'énergie", dit-on au sein d'une société de négoce qui travaille avec BNP Paribas.

Cette activité a représenté jusqu'à 5% des revenus du BNP Paribas en 2006 mais leur poids a diminué depuis la crise financière de 2008 et l'enquête américaine, pour tomber à environ 1% des revenus du groupe. Mais elle représente toujours plusieurs centaines d'emplois.

La plupart des transactions en dollars sont effectuées par l'intermédiaire de deux grands systèmes de compensation basés à New York.

Le régulateur bancaire de New York, le Departement of Financial Services, a interdit à BNP Paribas toute compensation en dollars sur le marché de l'énergie pour son propre compte mais il a laissé au groupe français la possibilité de passer par un intermédiaire.

Un tel intermédiaire pourrait être en mesure de facturer des commissions élevées et pourrait aussi espérer conquérir de nouveaux clients si le retour de ceux-ci vers la banque française en 2016 se révélait compliqué, ont dit des sources au fait des discussions.

Les transactions liées à BNP Paribas pourraient par ailleurs faire l'objet d'une surveillance particulière de la part des autorités américaines.

BNP A DÉJÀ RÉDUIT LA VOILURE

Les grandes banques internationales comme BNP Paribas détiennent des comptes en dollars auprès des deux grands systèmes de paiement américains, CHIPS et FedWire, afin que les entreprises étrangères puissent effectuer des paiements en dollars à leurs fournisseurs, par exemple, et être payées par leurs clients américains.

BNP assure la compensation en dollars principalement pour le compte de ses propres clients et non pour celui d'autres banques.

Le système CHIPS est détenu par 23 grandes banques commerciales et supervisé par la Réserve fédérale, alors que FedWire est directement géré par la Fed.

Les exportateurs et importateurs de matières premières et les sociétés de négoce dépendent tous des financements bancaires pour gérer leurs transactions internationales sur des marchés comme le pétrole, les métaux ou le charbon, des opérations très gourmandes en capitaux.

BNP Paribas a occupé pendant des décennies une position de premier plan dans le financement des transactions dans l'énergie, au point que certaines grandes sociétés de négoce comme Glencore, Vitol, Trafigura et Mercuria se sont longtemps appuyées sur la banque à hauteur de 40% à 50% de leurs lignes de crédit.

Le poids de BNP Paribas sur ce marché a toutefois nettement diminué. Des sources dans des sociétés de négoce ont déclaré que BNP Paribas assurait actuellement 10% à 15% de leurs lignes de crédit tandis que des concurrents comme Citigroup ou ABN Amro se développaient dans cette activité.

Glencore, Vitol, Trafigura et Mercuria ont refusé de commenter ces informations.

En Europe, plusieurs dizaines de cadres dirigeants de l'équipe de "front office" de BNP dans le financement de transactions dans l'énergie ont quitté la banque au cours de la période 2011-2013 selon des sources du groupe et du marché du trading. BNP n'a pas souhaité commenter l'information. (Avec Maya Nikolayeva et Matthias Blamont à Paris; Marc Angrand pour le service français)