(Actualisé avec report de l'heure de fermeture des bureaux de vote)

par Ahmed Aboulenein, Amina Ismail et Arwa Gaballa

LE CAIRE, 28 mars (Reuters) - Des électeurs racontent avoir reçu de l'argent, de la nourriture et d'autres avantages pour voter à l'élection présidentielle en Egypte et offrir au chef de l'Etat Abdel Fattah al Sissi une participation qui légitime sa réélection attendue.

Dans la soirée, l'agence de presse Mena rapportait que la Commission électorale avait décidé de repousser d'une heure la fermeture des bureaux de vote pour la fixer à 22h00 (20h00 GMT).

L'enjeu de ce scrutin, étalé sur trois jours, n'est pas de connaître le nom du vainqueur mais d'assurer à ce dernier une mobilisation électorale dont il puisse se prévaloir lors de son second mandat.

La campagne s'est déroulée dans un climat d'intimidations, d'arrestations et de pressions diverses pour décourager les plus sérieux rivaux de Sissi qui n'a face à lui qu'un seul adversaire sans envergure et méconnu du public.

La commission électorale a indiqué que les opérations de vote étaient libres et justes.

Selon deux sources qui participent à la surveillance du scrutin, environ 21% des 59 millions d'électeurs ont voté lors des deux premiers jours des élections, lundi et mardi.

En 2014, la participation avait été de 47% et Sissi, ancien chef d'état-major artisan de la destitution du président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013, avait obtenu 97% des suffrages.

A quelques heures de la fermeture des bureaux mercredi soir, le président de la commission électorale nationale, Lachine Ibrahim, a appelé la population à aller voter.

"Dites au monde que les Egyptiens font toujours l'Histoire, que vous êtes les pharaons, les artisans d'une civilisation qui a stupéfié le monde", a-t-il dit.

Des électeurs interrogés par Reuters ont raconté avoir reçu de l'argent, des rations de nourriture et d'autres avantages pour aller voter ou pour marquer leur index à l'encre, signe qu'ils avaient déposé un bulletin dans l'urne.

TRAHISON

"Je n'ai jamais voté auparavant et je n'ai pas l'intention de le faire cette fois-ci", a indiqué une habitante du Caire. "Je suis juste allée tremper mon doigt dans l'encre et j'ai pris 50 livres (trois dollars)", a-t-elle raconté.

D'autres électrices ont précisé s'être vu promettre des sacs de nourriture contenant du riz et de l'huile végétale en échange d'un bulletin déposé dans l'urne.

"Ils m'ont dit que si je votais et que je leur montrais mon doigt (marqué à l'encre), j'aurais un sac", précise une autre femme.

La direction de l'administration des Finances publiques a donné aux employés une demi-journée lundi, leur intimant d'aller voter, a raconté un fonctionnaire. Ordre a été donné "de ne pas revenir sans avoir le doigt marqué d'encre" et les fonctionnaires ont dû montrer patte noire le lendemain, a-t-il expliqué.

Interrogé, un porte-parole de la présidence égyptienne a précisé qu'il n'avait pas de commentaires à faire sur ce sujet et a dit que toutes les questions devaient être adressées à la commission électorale.

Dans certaines provinces, comme celle de Beheira qui englobe Alexandrie, les incitations étaient clairement assumées par les autorités.

La gouverneure Nadia Abdou a déclaré sur la chaîne de télévision privée Mehwar lundi : "Nous réparerons l'adduction d'eau, l'évacuation des égouts et l'électricité dans la municipalité qui aura le plus grand nombre de votes. Nous récompenserons les personnes qui se sont mobilisées en nombre".

La presse gouvernementale a présenté l'abstention comme une trahison de l'Egypte et une trahison "des martyrs du Sinaï" en référence aux soldats et policiers tués par les insurgés islamistes qui sévissent dans cette partie du pays. (Pierre Sérisier et Guy Kerivel pour le service français)