par Jack Kim et Ju-min Park

SEOUL, 9 avril (Reuters) - Après avoir contribué à renverser des régimes dans le monde arabe, la "génération Twitter" pourrait offrir aux libéraux sud-coréens une victoire surprise aux élections législatives du 11 avril et faire mentir les sondages qui les donnent au coude-à-coude avec les conservateurs au pouvoir.

Les analystes soulignent que les sondeurs traditionnels construisent leurs projections à partir d'échantillons d'électeurs qui possèdent une ligne de téléphone fixe, ce qui n'est pas le cas de la plupart des 37% de Sud-Coréens âgés de moins de 40 ans.

Or, au pays de Samsung, ces jeunes qui ne se séparent pas de leurs smartphones et passent de plus en plus de temps sur les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, adhèrent beaucoup plus aux idées libérales que conservatrices.

"Les idées exprimées sur internet nous sont favorables à 20% et hostiles à 80%", estime Lee Jun-seok, un expert informatique formé à Harvard chargé par le parti conservateur Saenuri de renforcer sa présence sur la Toile. "Dès qu'on dit quelque chose sur notre parti, on est attaqué", constate-t-il.

Les cinq politiciens sud-coréens les plus suivis sur Twitter sont tous libéraux, tandis que le candidat conservateur à la présidentielle, Park Geun-hye, n'arrive qu'au huitième rang avec 180.000 abonnés, indique Koreantweeters.com, un site entièrement dédié à ce nouveau contre-pouvoir.

Un sondage traditionnel réalisé du 26 au 30 mars donne une photo plus contrastée, les conservateurs arrivant en tête des intentiosn de vote avec près de 40% des voix, devant le Parti démocrate uni, le principal mouvement d'opposition (30%) et un autre petit parti libéral (8%).

MOBILISER LES JEUNES

Mais cette photo est peut-être floue. "Les systèmes d'appels aléatoires utilisés par les sondeurs utilisent les lignes fixes et excluent donc les jeunes qui n'en possèdent pas et ceux qui rentrent tard du travail", souligne Yoon Hee-wong, employé d'un institut de recherche sur l'opinion publique.

La Corée du Sud a la deuxième plus grande communauté de blogueurs au monde, derrière la Chine, et Twitter y est utilisé deux fois plus que la moyenne mondiale, selon une étude de l'Université de Singapour.

Or, l'impact électoral des réseaux sociaux est d'autant plus fort qu'il est désormais autorisé d'y faire campagne.

"Sur Twitter, nous sommes comme des oiseaux qui répercutent un chant. C'est impossible de nous contrôler", s'amuse Kim Mi-wha, un comédien engagé auprès des libéraux, dont les 290.000 "followers" feraient rêver bien des stars de la profession.

Les "super Twitter" comme Kim Mi-wha n'existent pas que dans le monde virtuel. L'an dernier, ils ont offert à un candidat indépendant à la mairie de Séoul une victoire bien plus large que celle que lui prédisaient les sondages, grâce à une forte mobilisation de l'électorat le plus jeune.

Les réseaux sociaux cassent aussi le monopole des médias établis, tous contrôlés par les grands conglomérats qui font la pluie et le beau temps dans la péninsule, ce qui réduit d'autant l'influence des conservateurs.

"Twitter est devenu une arme pour de nombreux Coréens qui veulent exprimer leur colère contre les riches, le gouvernement et le parti au pouvoir", relève Huh Chang-deog, un professeur de sociologie à l'université de Yeungnam.

Le vrai test du poids électoral des réseaux sociaux ne sera pas tant le résultat des législatives que de la présidentielle programmée en décembre, jugent d'ailleurs les analystes. A ce moment-là, dix millions de Sud-Coréens devraient être inscrits sur Twitter, soit un cinquième de la population, et la plus grande communauté du pays pourra peser de tout son poids sur le choix d'un seul homme. (Tangi Salaün pour le service français)