(Actualisé avec Hollande, Merkel)

par Yves Clarisse

PARIS, 23 janvier (Reuters) - Les partenaires européens du Royaume-Uni lui ont laissé mercredi peu d'espoir de pouvoir renégocier les conditions de son appartenance à l'Union européenne, ce qui rend d'autant plus risqué le référendum annoncé par David Cameron.

Le Premier ministre britannique a cédé à l'aile eurosceptique du parti conservateur en s'engageant à demander à ses citoyens de se prononcer sur le maintien de leur pays dans l'UE s'il gagne les élections prévues au plus tard en 2015.

"Il est temps pour le peuple britannique d'avoir son mot à dire. Il est temps pour nous de régler cette question au sujet de la Grande-Bretagne et de l'Europe", a-t-il dit.

S'il affirme sa volonté de rester dans l'Union européenne, il promet une renégociation qui verrait Londres rapatrier des compétences, préservant son accès au marché unique.

Les réactions n'ont pas tardé dans les capitales européennes, à commencer par Paris et Berlin.

François Hollande a quasiment fermé la porte à une vraie renégociation mercredi soir, lors d'un déplacement à Grenoble.

"Ce que je dis au nom de la France en tant qu'Européen, c'est qu'il n'est pas possible de négocier l'Europe pour faire ce référendum", a dit le président français. "L'Europe doit se prendre telle qu'elle est, on peut la faire évoluer demain, mais on ne peut pas proposer de l'abaisser ou de la diminuer au prétexte d'y rester."

Pour le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, "on ne peut pas faire l'Europe à la carte".

"L'Europe, mettons que ce soit un club de football, on adhère à ce club de football, mais une fois qu'on est dedans, on ne peut pas dire on joue au rugby", a-t-il ajouté, estimant sur France Info qu'une sortie de l'UE "risque d'être dangereu(se) pour la Grande-Bretagne elle-même".

"JUSTE UN FOUILLIS"

Le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, a réagi pratiquement dans les mêmes termes.

"L'Allemagne veut que le Royaume-Uni reste un membre actif et constructif de l'Union européenne", a-t-il dit. "Mais faire son menu à la carte n'est pas une option."

La chancelière Angela Merkel s'est toutefois déclarée prête à entamer des négociations avec Londres.

"Nous sommes prêts à discuter des demandes britanniques mais nous devons toujours garder à l'esprit que d'autres pays ont différents souhaits et nous devons trouver un bon compromis", a-t-elle dit à des journalistes.

Pour le ministre suédois des Affaires étrangères, la requête de Londres entraînerait dans son sillage toute une série de demandes d'autres Etats membres qui détruiraient le marché unique que partageront 28 pays lorsque la Croatie aura adhéré.

"La flexibilité, ça semble bien, mais si vous ouvrez la voie à une Europe à 28 vitesses, à la fin il n'y a plus d'Europe du tout. Juste un fouillis", a dit Carl Bildt sur Twitter.

Le Royaume-Uni est déjà un membre à part de l'Union européenne depuis le traité de Maastricht conclu en 1991.

Le Premier ministre de l'époque, le conversateur John Major, avait obtenu une "dérogation" ("opt-out") permettant à son pays de ne pas adhérer à l'euro et la crise de la dette qui a affecté la monnaie unique ces dernières années a tué dans l'oeuf les dernières velléités de modifier cet état de choses.

Londres s'est également placé à l'écart de pans entiers de la construction européenne, dans la coopération entre polices et justices, mais aussi dans le domaine social. Il ne s'est pas associé à l'union bancaire créée par la zone euro fin 2012.

Le fait nouveau, par rapport aux années pendant lesquelles le dirigeant travailliste Tony Blair voulait placer son pays au coeur de l'Europe, se battant pied à pied pour garder une voix dans le processus quitte à le freiner, c'est que Londres accepte maintenant que ses partenaires prennent le large même si le Royaume-Uni doit en payer le prix par sa marginalisation.

"Nous ne sommes pas dans l'euro mais nous acceptons tout ce qui en découle, une construction de type fédéral qui peut déboucher sur l'union politique", souligne un diplomate britannique. "Nous, nous trouverons notre place à côté."

UN DISCOURS "INFECT"

Mais la réaction des partenaires européens de Londres démontre qu'il est peu probable qu'ils acceptent d'accorder au Royaume-Uni tout le bénéfice du marché unique sans en payer le prix lors d'une grande renégociation qui doit obtenir l'accord des Vingt-Sept alors même que Paris et Berlin veulent approfondir l'union économique et politique.

Pour Charles Grant, directeur du Centre pour les réformes européennes (CER), un cercle de réflexion britannique, "le départ du Royaume-Uni (de l'Union européenne) devient de plus en plus probable" après l'annonce de David Cameron.

"S'il pense qu'il peut rapatrier des pouvoirs de manière significative (...), il se trompe. S'il demande des opt-outs au traité, il échouera, mais s'il demande des réformes il peut réussir", a-t-il dit mercredi sur la chaîne Channel 4 News.

Mais si la renégociation demandée par Londres ne débouche que sur une légère révision de ses liens avec l'UE accompagnée de réformes cosmétiques, les eurosceptiques conservateurs risquent de dénoncer une capitulation et de jouer sur une opinion publique de plus en plus favorable à leurs thèses.

Le vice-Premier ministre britannique Nick Clegg avait ainsi déjà parlé de "fausse promesse drapée dans l'Union Jack" pour dénoncer les projets de David Cameron.

L'ancien commissaire européen Peter Sutherland, un Irlandais qui a aussi dirigé l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a jugé mercredi "infect" le discours du chef du gouvernement britannique, qui ne parviendra pas selon lui à renégocier.

"Dans mon esprit, ce sera a) impossible, et b) cela créera une réaction très négative", a-t-il dit au Forum économique mondial de Davos (Suisse). (avec Service France, Catherine Lagrange à Grenoble et Paul Taylor à Davos, édité par Pascal Liétout)