* Un profil opérationnel, qui intègre la révolution digitale

* Lévy au conseil de surveillance, un facteur de stabilité

* Un secteur bouleversé par les nouveaux géants du numérique

* Performance boursière des "Big 5": http://bit.ly/2kAHtJg'>http://bit.ly/2kAHtJg

par Gwénaëlle Barzic

PARIS, 27 janvier (Reuters) - A 45 ans et au terme d'une ascension éclair, le français Arthur Sadoun devrait réussir là où beaucoup avaient échoué: succéder à l'emblématique Maurice Lévy à la présidence du directoire du numéro trois mondial de la publicité Publicis.

De l'avis de spécialistes du secteur, le plus dur commence toutefois pour le prodige de la publicité qui sera propulsé le 1er juin à la tête d'un groupe tentaculaire, à la croissance en berne depuis 2013 et dont la vaste réorganisation doit encore faire ses preuves face à une industrie en profonde mutation dont les nouveaux rois se nomment Facebook et Google.

Celui qui dirigeait jusque-là l'ensemble de la création chez Publicis (Leo Burnett, Saatchi & Saatchi ...) devra également trouver sa place face à l'incontournable Maurice Lévy qui conservera une influence sur la destinée du groupe qu'il a incarné pendant 30 ans en prenant - sous réserve du feu vert des actionnaires - la présidence du conseil de surveillance.

Deuxième dirigeant seulement en plus de 90 ans d'existence de Publicis, Maurice Lévy a hissé le français parmi les plus grands groupes publicitaires mondiaux.

Depuis 1987 et son arrivée aux manettes, le chiffre d'affaires est passé de 220 millions d'euros à près de 10 milliards et les effectifs de 3.000 à 80.000 personnes, portés par deux paris payants : l'investissement dans le digital et l'expansion dans les pays émergents.

Publicis a même un temps lorgné la première place du podium en se mariant avec l'américain Omnicom mais le projet ambitieux a volé en éclat, déstabilisant le groupe français qui a enchaîné par la suite des pertes de budgets majeurs et abandonné des parts de marché face à ses concurrents.

Ce mariage raté était aussi censé régler l'épineuse question de la succession de Maurice Lévy, devenue une arlésienne après plusieurs tentatives avortées.

UN "ADMAN" PLUTÔT QU'UN "MATHMAN"

Au terme d'un processus engagé depuis plusieurs mois, Publicis a mis un terme au "suspense" jeudi soir et Arthur Sadoun, donné largement favori, a été officiellement adoubé par le conseil de surveillance et Maurice Lévy.

"Arthur est un grand publicitaire qui a su intégrer le numérique et la technologie. C'est quelqu'un qui comprend remarquablement bien les clients", a expliqué à Reuters Maurice Lévy en mettant en avant le profil opérationnel de son successeur qui tranche avec les CV de directeur financier d'autres dirigeants du secteur.

Issu d'une famille influente - son père Roland Sadoun a dirigé l'Ifop - Arthur Sadoun a commencé par créer sa propre agence au Chili qu'il a ensuite revendue à BBDO avant d'intégrer TBWA Paris dont il a pris la tête. Débauché par Publicis en 2006, il a ensuite rapidement gravi les échelons.

Cette transition en douceur a rassuré les investisseurs dans un secteur où plusieurs autres géants sont aussi confrontés à la succession de leurs dirigeants à l'image de Martin Sorrell chez le numéro un WPP ou John Wren chez Omnicom.

"Elle clarifie la situation tout en assurant la pérennité des organes de gouvernance", souligne Jérôme Bodin, analyste à Natixis dans une note, alors que les hypothèses d'une direction duale et d'une transition vers une société à conseil d'administration avaient été évoquées dans la presse.

La désignation de Maurice Lévy à la présidence du conseil de surveillance est par ailleurs interprétée comme le signe que la stratégie de Publicis ne devrait pas connaître de changements majeurs à court et moyen terme.

INTERROGATIONS SUR L'ACTIONNARIAT

Plusieurs analystes s'inquiètent toutefois pour les objectifs financiers ambitieux fixés par Publicis à horizon 2018, rappelant que les changements de direction dans le secteur des médias sont souvent synonymes de révision des prévisions.

Si Publicis a la marge la plus élevée du secteur, il est en revanche à la traîne en matière de croissance organique, expliquent plusieurs analystes selon lesquels le nouveau dirigeant pourrait être tenté de rogner sur la marge pour regagner des parts de marché.

La performance boursière du groupe est ainsi nettement inférieure à ses concurrents depuis l'échec de la fusion Omnicom, tout comme son niveau de valorisation.

* Graphique de la performance du titre:

http://bit.ly/2kAHtJg'>http://bit.ly/2kAHtJg

* Graphique de la valorisation (P/E) de Publicis par rapport à ses principaux concurrents:

http://bit.ly/2jc9bQf

"Le président du directoire Arthur Sadoun est confronté à d'importants défis, compte-tenu du bilan mitigé du groupe en matière de croissance organique depuis 2013 et des risques à la baisse sur ses objectifs 2018", estime Adrien de Saint-Hilaire, analyste à Morgan Stanley, estimant que la première feuille de route donnée par Arthur Sadoun aux investisseurs sera scrutée attentivement.

Arthur Sadoun, peu familier des conférences avec les analystes financiers, devra aussi répondre aux interrogations sur l'actionnariat de Publicis qui a pour première actionnaire Elisabeth Badinter, 72 ans, fille du fondateur Marcel Bleustein-Blanchet.

La désignation d'un Français dans un groupe certes encore basé à Paris mais qui réalise plus de la moitié de ses revenus en Amérique du Nord pourrait également susciter des déceptions parmi certains talents, clients et investisseurs de la société, estiment des connaisseurs du secteur.

L'américain Steve King, actuel dirigeant de Publicis Média et un temps en concurrence avec Arthur Sadoun, a été finalement appelé à renforcer le directoire de Publicis.

* Le communiqué de Publicis sur cette nomination :

http://bit.ly/2k82M8E (Edité par Jean-Michel Bélot)