Premier acte stratégique majeur de Fabrice Brégier un mois après son arrivée à la tête d'Airbus, l'installation de cette usine à Mobile (Alabama), permettra à l'avionneur européen de se rapprocher des compagnies américaines et de renforcer la présence de sa maison-mère EADS dans le pays.

Airbus, qui dispose déjà depuis trois ans d'un site d'assemblage à Tianjin, en Chine, prévoit de lancer durant l'été 2013 la construction des nouvelles installations américaines, qui devraient démarrer leur activité en 2015 et livrer leurs premiers avions, des monocouloirs A320, en 2016.

L'objectif est d'atteindre d'ici 2018 une production annuelle de 40 à 50 avions aux Etats-Unis.

Ce projet de 600 millions de dollars (474 millions d'euros) permettra à l'avionneur européen de s'installer sur les terres de Boeing et de profiter au mieux du marché américain, le premier mondial pour les monocouloirs qu'il estime à 4.600 appareils pour les 20 ans à venir.

"C'est le bon moment pour Airbus pour se développer aux Etats-Unis", déclare Fabrice Brégier dans un communiqué. "Cette ligne d'assemblage nous rapproche de nos clients."

Les analystes soulignent que cette décision pourrait transformer le secteur américain de l'aéronautique et renforcer l'industrie dans la golfe du Mexique. Mais Boeing souligne que cette installation ne devrait pas détourner l'attention des subventions controversées perçues par Airbus en Europe.

Les deux rivaux sont engagés dans le plus important différend commercial de l'histoire de l'Organisation mondiale du commerce, s'accusant mutuellement d'avoir reçu des milliards de dollars d'aides illégales.

Le directeur commercial d'Airbus, John Leahy, a déclaré à Reuters que l'usine de Mobile devrait permettre à l'avionneur de gagner "plus que quelques points" de parts de marché sur Boeing.

Il a ajouté qu'Airbus devrait être "largement devant" Boeing en termes de ventes de monocouloirs pour les années 2011 et 2012 combinées.

EADS avait déjà envisagé dans le passé s'installer à Mobile dans le cadre d'un contrat de 35 milliards de dollars pour fournir des avions ravitailleurs à l'US Air Force, finalement confié l'an dernier à Boeing après bien des péripéties.

"Je pense que nous sommes devenus américains", a déclaré le New-Yorkais John Leahy. "Même si nous dépensons déjà 12 milliards de dollars par an aux Etats-Unis et si 40% de nos approvisionnements viennent des Etats-Unis, cela ne nous rend pas aussi américains que le fait de disposer d'une ligne d'assemblage".

Le PDG d'American Airlines, Tom Horton, celui de JetBlue Airways, Dave Barger, et le patron de l'équipementier aéronautique Goodrich, Marshall Larsen, étaient réunis pour la cérémonie au palais des congrès de Mobile, sur l'air de "Learning to Fly" du rocker Tom Petty.

"C'est on ne peut plus cohérent qu'Airbus soit ici", a souligné de son côté David Hess, patron du motoriste Pratt & Whitney, filiale de United Technologies.

Airbus construit une bonne partie de ses avions sur des sites répartis entre ses quatre pays fondateurs: France, Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne. Les parties ainsi montées sont ensuite transportées par son avion de transport géant Beluga pour l'assemblage final à Toulouse, en France, ou à Hambourg, en Allemagne.

OBJECTIF: 50 A320NEO PAR MOIS

John Leahy a indiqué qu'Airbus produirait à terme chaque mois plus de 50 A320neo, la version améliorée de son monocouloir vedette, prévue pour 2015. L'ouverture de l'usine de Mobile ne modifie pas le projet de l'avionneur européen de porter le rythme de production mensuel de l'A320 à 42 par mois au quatrième trimestre 2012 contre 40 actuellement, a-t-il précisé.

L'usine de l'Alabama devrait entraîner la création d'un millier d'emplois aux Etats-Unis. L'avionneur européen emploie déjà plus d'un millier de personnes aux Etats-Unis, notamment dans des centres d'ingénierie et d'entraînement.

D'autres divisions d'EADS, Eurocopter et Cassidian (défense et sécurité) possèdent de leur côté des capacités de production aux Etats-Unis.

En construisant une usine d'assemblage sur le sol américain, Airbus ne fera que suivre une tendance plus large dans le secteur industriel - produire des biens plus près de leur lieu d'utilisation.

"Par rapport aux éléments que nous a communiqués la direction, c'est un challenge sur lequel on ne peut dire que 'banco'. Toutefois, cela représente une montée en cadence, il faut voir si Airbus et ses fournisseurs vont pouvoir suivre", a estimé Gilbert Plo, délégué syndical central CFTC, à la sortie d'une réunion du comité européen d'Airbus.

Michel Bergues (FO), coprésident du comité européen d'Airbus, s'est dit "partagé", notant l'objectif de 30-35% de parts de marché qu'à communiqué la direction en comité d'entreprise pour les Etats-Unis, contre 20% actuellement.

"Il pourrait y avoir des risques sur l'emploi en Europe en cas de retournement de conjoncture parce que la chaîne d'assemblage aux Etats-Unis ne s'arrêterait pas", a-t-il dit.

Avec Cyril Altmeyer, Tim Hepher et Jean Décotte, édité par Marc Angrand

par Karen Jacobs