Débat d'orientation des finances publiques pour 2022

Discours de Bruno Le Maire,

ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance

Assemblée nationale

Jeudi 15 juillet 2021

Contact presse:

Cabinet de Bruno Le Maire

01 53 18 41 13

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre chargé des Comptes publics, cher Olivier Dussopt,

Monsieur le Président de la commission des finances, Eric Woerth,

Monsieur le Rapporteur général, cher Laurent Saint-Martin,

Mesdames et messieurs les Députés,

Je suis heureux de vous retrouver ce matin pour le débat d'orientation des finances publiques pour 2022.

Quelle est la situation économique de la France ?

Notre économie se redresse rapidement, notre économie se redresse puissamment. C'est d'abord le résultat des mesures de protection inédite que nous avons mises en place et qui nous ont permis d'éviter des faillites massives, de protéger des emplois et de protéger les qualifications des Français.

C'est le résultat également du déploiement très rapide du plan de relance de 100 milliards d'euros que vous avez adopté il y a maintenant près d'un an.

Son déploiement permet de soutenir l'activité et l'emploi. À fin juin, 40 milliards d'euros de France relance ont été mobilisés et nous visons le déploiement de 70 milliards d'euros sur les 100 milliards d'euros de France relance d'ici la fin de l'année 2021.

Ces mesures ont été efficaces et les chiffres sont clairs : le pouvoir d'achat des Français a été protégé. Il a même progressé malgré la crise la plus grave depuis 1929 dans notre pays. Les faillites d'entreprises ont été évitées, 29 000 défaillances en un an fin mai contre 50 000 d'ordinaire. L'explosion du chômage prédite par beaucoup de prévisionnistes n'a pas eu lieu. Nous sommes à 8,1 % de chômage au premier trimestre 2021. C'est le même niveau qu'à la fin 2019. C'est toujours trop, mais ce n'est pas la vague annoncée. Enfin, la consommation a rebondi vite et fort. Dans la semaine du début des soldes, les dépenses par carte bancaire dans l'habillement textile ont dépassé de 50 % leur niveau de 2019.

Toutes ces indications favorables nous amènent à revoir notre prévision de croissance à plus 6 % pour 2021. Cette prévision est proche de celle de l'Insee, de la Commission européenne, de la Banque de France. Elle nous donne une décroissance les plus fortes les plus fortes de toutes les nations européennes.

Je veux simplement redire à cette tribune et avec gravité, que ce chiffre de croissance dépend directement de notre mobilisation collective face au virus. Il dépend du déploiement massif de la vaccination. Depuis le début de la crise, les Français ont fait preuve d'un sens civique exceptionnel que nous pouvons saluer. Il s'illustre par les centaines de milliers de prises de rendez-vous de vaccination, par l'accélération de la campagne vaccinale, par la mise en place du pass sanitaire. C'est tout cela qui nous permettra d'atteindre cet objectif de croissance. La vaccination, c'est la sécurité. La vaccination, c'est la croissance. La vaccination, c'est l'emploi.

Sur la base de ces chiffres, quelle est la stratégie du Gouvernement ?

Elle tient en 3 points : protéger, relancer et investir. Je redis que l'investissement doit être le maître mot de l'économie française pour les décennies qui viennent. L'investissement, ce qui nous permettra de rester une des grandes nations économiques du 21ème siècle.

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Seul le prononcé fait foi

L'investissement, ce qui garantira notre indépendance sur les technologies critiques digital, intelligence artificielle, technologies quantiques, énergies renouvelables. L'investissement, ce qui permettra à chacun de nos enfants et de nos petits enfants d'avoir un meilleur niveau de formation, un meilleur niveau de qualification, de sortir enfants du chômage de masse qui a tant pénalisé notre pays. L'investissement, ce qui garantira notre niveau de vie. L'investissement, ce qui garantira le rang de la France parmi les grandes nations mondiales.

Dans cette stratégie, la protection a été déployée tout au long de la crise. Et nous avons, comme je l'ai indiqué, pris la décision de sortir progressivement des aides générales pour passer à un soutien ciblé, sur mesure, pour ceux qui restent réellement en difficulté. Nous sommes passés du « quoi qu'il en coûte » au « sur mesure » pour les secteurs les plus en difficulté. Cette philosophie reste d'actualité. Elle le reste d'autant plus au moment où nous déployons le pass sanitaire. Ne partons pas du principe, j'ai eu l'occasion de le dire à tous les secteurs que j'ai rencontrés, que ce soit la grande distribution, le commerce, les cafés, les restaurants ; ne partons pas du principe que le pass sanitaire va mécaniquement faire baisser l'activité. Je crois, au contraire, que le pass sanitaire est la meilleure protection pour le maintien de l'activité, la meilleure protection et la meilleure sécurité que l'on peut donner aux consommateurs.

Nous ferons le point fin août, sur l'évolution des aides. Je m'y étais engagé, je tiendrais évidemment ma parole. Et nous déterminerons alors si ces aides ont été bien adaptées au nouveau contexte économique, bien adaptées au déploiement du pass sanitaire, et s'il y a des secteurs qui souffrent plus que d'autres. Je vois bien que dans certains secteurs, le redémarrage est globalement plus difficile ; je pense au tourisme, je pense aux transports, je pense également à l'événementiel. Et je vois bien que dans le secteur industriel aussi, l'automobile n'a pas encore retrouvé son niveau d'activité qu'elle avait avant crise. Et si le secteur du transport aérien a commencé à redémarrer, il n'a pas non plus retrouvé les mêmes niveaux d'activité. Je serais, dès ce soir, à Toulouse pour rencontrer les acteurs de l'aéronautique et refaire le point sur la situation de l'industrie aéronautique.

Le deuxième point de la stratégie, c'est d'accélérer encore le déploiement de la relance. La relance, je le dis, elle est là, elle est visible dans toute la France. Elle fonctionne. Elle fonctionne dans les territoires. Nous continuerons, à la demande des députés, à améliorer le lien entre les territoires et la relance pour que chacun puisse en bénéficier, que les plus petites communes, les plus petites communes rurales puissent, elles aussi, avoir accès au projet de France Relance. Mais la relance se déploie bien, elle se déploie vite, elle se déploie fort et elle pourra compter d'ici les prochaines semaines sur le soutien des fonds européens, puisque nous recevrons un premier versement de 5,1 milliards d'euros de fonds européens dans les prochaines semaines.

Dans ce budget 2022, nous allons d'ailleurs mettre plus d'argent sur les mesures qui marchent le mieux et qui donnent des résultats immédiats dans les domaines prioritaires que sont l'environnement et l'emploi des jeunes. Pour « Ma Prime Renov' », dans la première moitié de 2021, plus de 380 000 ménages ont déposé une demande pour la rénovation de leur logement. C'est le double des demandes déposées sur toute l'année 2020. Nous avons donc décidé avec Olivier Dussopt de rajouter deux milliards d'euros en 2022 pour poursuivre cette dynamique. Et nous nous assurerons avec Barbara Pompili, de l'efficacité environnementale de cette mesure. Nous pourrons en débattre ensemble. À terme, je pense que nous devons privilégier les rénovations globales plutôt que les gestes uniques parce que les rénovations globales ont plus d'efficacité énergétique que les gestes uniques.

S'agissant du soutien aux jeunes, nous avons prolongé jusqu'à la fin de l'année les aides à l'apprentissage qui connaissent un succès exceptionnel, avec 600 000 primes versées depuis août 2020.

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Seul le prononcé fait foi

Pour ce budget 2022, nous avons donc pris la décision d'investir aussi davantage pour l'accompagnement des jeunes vers l'emploi, qui est une priorité de la sortie de crise. Nous mettrons les moyens nécessaires au revenu d'engagement pour les jeunes, annoncé par le président de la République, dont les modalités seront précisées à la rentrée. Faire plus pour ceux qui ont moins ; ne laisser aucun jeune sans solution ; accompagner davantage ceux qui n'ont aucun diplôme, aucune qualification. Voilà le sens de ce revenu d'engagement. Nous ne voulons pas de droits sans devoir, mais à l'inverse, il ne peut pas y avoir de devoirs, de recherche d'emploi sans droits, un accompagnement personnalisé et efficace. C'est le sens de ce revenu d'engagement.

Le troisième point, je l'ai indiqué, il doit être au cœur de la stratégie économique de la France pour les prochaines décennies, c'est l'investissement. La présence de la France parmi les grandes nations économiques n'est pas un acquis. C'est un combat et ce combat se livre par l'investissement. Nous avons fait dans France Relance ce choix de l'investissement. Nous avons fait le choix aussi de l'accélération de la lutte contre le réchauffement climatique, l'accélération de la décarbonation de notre économie. Nous avons fait le choix d'investir dans les nouvelles technologies car le 21ème siècle sera marqué par une compétition féroce entre les grands continents, sur l'accès et la maîtrise des nouvelles technologies. La Chine, les Etats-Unis sont engagés dans cette compétition féroce pour l'accès aux technologies de pointe. L'Europe doit jouer sa carte dans cette compétition, elle doit se donner les moyens d'avoir accès de manière indépendante aux semi-conducteurs de classe mondiale, à la production d'hydrogène décarbonée, aux meilleurs standards de l'intelligence artificielle ou à l'accès à l'espace.

Ce choix d'investissement permettra également de renforcer notre croissance potentielle en renforçant notre positionnement sur les secteurs qui feront l'activité et l'emploi de demain. La France ne peut pas se satisfaire d'avoir 3 ou 4 secteurs d'excellence qui sont les mêmes depuis 30 ans. Ils font notre fierté, mais ils ne sont pas suffisants et notre pays ne doit pas s'endormir sur ses lauriers en se disant que sa croissance, l'activité, ses emplois, sa capacité d'exportation reposeront ad vitam eternam sur le luxe, l'aéronautique, l'industrie agroalimentaire ou les médicaments. Nous devons ouvrir de nouvelles chaînes de valeur. Nous devons recréer de la valeur en France sur la base de nouveaux secteurs, de nouvelles chaînes de valeur, de nouvelles technologies sur lesquelles, en plus, nous avons déjà des atouts concurrentiels. Je pense au nucléaire, je pense aux semi-conducteurs, je pense aux biotechnologies ou je pense à l'hydrogène.

Je vois également que les institutions internationales, le FMI, l'OCDE nous recommandent également d'investir pour accroître notre croissance future. Les règles européennes nous permettent en plus de le faire, puisque la clause dérogatoire au Pacte de stabilité a été reconduite jusqu'à fin 2022 et que nous disposons de ces fameux programmes d'intérêt collectif européen qui nous permettent de déroger aux règles sur les aides d'Etat. Ne nous y trompons pas. La course aux investissements technologiques a lieu entre la Chine, les Etats-Unis et l'Europe. Mais la course aux investissements technologiques a aussi lieu à l'intérieur des frontières européennes et entre les nations européennes.

La France ne veut pas se laisser distancer et je veux dire ici avec beaucoup de force que nous devons en Europe sur ces investissements dans les nouvelles technologies privilégier une approche de coopération plutôt qu'une approche de compétition. Nous devons rassembler nos forces plutôt que les disperser. Nous ne devons pas tous investir exactement dans les mêmes technologies, sur les mêmes usines.

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Nous devons être capables de répartir nos forces, de rassembler nos investissements et de faire en sorte que l'Union des nations européennes fasse notre puissance technologique au 21ème siècle. Nous l'avons fait par exemple sur les batteries électriques avec l'Allemagne et nous avons conclu un accord avec l'Allemagne. Nous avons conclu un accord de coopération, réalisé une proposition avec ACC, l'Alliance pour les batteries qui nous permet de répartir les forces sur ce sujet des batteries électriques. Nous l'avons fait également sur le cloud eh bien, nous devons le faire aussi sur l'hydrogène et nous devons le faire aussi sur les semi-conducteurs, sans quoi ce sont les entreprises qui joueront de cette course à l'investissement et de cette compétition entre Etats membres pour obtenir le meilleur soutien public au détriment de l'intérêt général.

Ce choix d'investissement, il obéira à trois critères et il me conduira à proposer au président de la République d'ici fin juillet un plan d'investissement qui pourrait être présenté à la rentrée.

Le premier critère c'est la sélectivité pas de saupoudrage, pas d'éparpillement. Nous devons concentrer nos efforts sur un certain nombre de secteurs ciblés en fonction de nos forces industrielles existantes, de nos qualifications et du marché et du dynamisme du marché. Le numérique et les semi-conducteurs que j'ai cité, l'hydrogène, la décarbonation de notre industrie et évidemment aussi le nucléaire qui fait partie des atouts comparatifs de la France, qui nous permet de décarboner rapidement notre économie, qui nous donne accès à l'électricité décarbonée à un coût acceptable, le nucléaire doit aussi faire partie de ces investissements du futur. La ligne rouge que nous ne devons pas franchir, c'est celle de la dispersion de nos moyens. La ligne de force, c'est la décarbonation de notre économie. C'est elle qui doit nous permettre d'opérer cette sélectivité entre les investissements. Les investissements du futur doivent servir la décarbonation accélérée de l'économie française.

Le deuxième principe, je l'ai dit, c'est la coordination. Les choix que nous faisons au niveau national doivent être coordonnés avec nos partenaires européens, en particulier avec l'Allemagne. Je suis en contact régulier, presque quotidien, avec le ministre de l'Économie allemand pour nous assurer de cette coordination dans tous les secteurs, y compris dans le secteur spatial. Nous pourrons, je l'espère, d'ici quelques jours, présenter un accord franco-allemand sur ce sujet.

Enfin, le troisième principe, c'est celui de la formation. Investir dans le capital physique ne suffit pas. Il faut investir aussi dans les compétences qui seront indispensables aux secteurs d'avenir, à la transition écologique et au numérique. Et vous savez qu'aujourd'hui, l'un des seuls obstacles sur l'accélération de la croissance, c'est bien l'accès à des qualifications, à des formations dont nous manquons en France et qui font qu'il y a des pénuries de main-d'œuvre dans un certain nombre de secteurs et dans un certain nombre d'activités.

  • ces choix de protection, de relance, d'investissements s'ajoutent évidemment les dépenses de fonctionnement des ministères sur lesquels nous avons travaillé nuit et jour avec Olivier Dussopt, que je remercie pour son engagement et son immense professionnalisme au cours des derniers jours. Avec le Premier ministre, avec Olivier Dussopt, nous avons privilégié les dépenses qui se trouvent au cœur des missions de l'État les armées, la justice, la police, l'éducation et la recherche.

La moitié de ces dépenses nouvelles sont le résultat de loi de programmation, donc de loi d'investissement dans les activités régaliennes de l'État. Je pense en particulier à la Loi de programmation militaire ou la Loi sur la recherche ou la Loi sur la justice. L'autre moitié correspond à des dépenses de soutien qui sont liées à la crise. Les garanties sur le prêt garanti par l'État, par exemple, l'hébergement d'urgence ou la prolongation du ticket restaurant universitaire à un euro.

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Seul le prononcé fait foi

Pour lire la suite de ce noodl, vous pouvez consulter la version originale ici.

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Ministry of Economy, Finance and Recovery of the French Republic published this content on 15 July 2021 and is solely responsible for the information contained therein. Distributed by Public, unedited and unaltered, on 15 July 2021 11:12:11 UTC.