* Israël annonce préparer un assaut terrestre contre Gaza

* Un conseiller menace le Liban de destruction en cas d'implication du Hezbollah

* Le Hamas affirme que les Palestiniens ne partiront pas

par Nidal al-Mughrabi et John Davison

JERUSALEM, 14 octobre (Reuters) -

Israël se préparait samedi à lancer une attaque terrestre dans la bande de Gaza contrôlée par le Hamas, après avoir demandé aux Palestiniens vivant dans ce territoire densément peuplé de fuir vers le sud, en direction d'un poste-frontière avec l'Égypte qui s'avère fermé.

Le conseiller israélien à la sécurité nationale a quant à lui mis en garde le Hezbollah libanais contre le déclenchement d'une guerre sur un second front au nord d'Israël, menaçant de "détruire le Liban" s'il le faisait.

Israël a juré d'anéantir le mouvement islamiste palestinien, maître de Gaza depuis 2007, après les attaques menées le week-end dernier par des commandos infiltrés dans le sud d'Israël qui ont coûté la vie à 1.300 Israéliens, civils pour la plupart. Des dizaines d'otages ont été capturés par les hommes du Hamas et conduits dans la bande de Gaza.

Depuis, les forces israéliennes ont établi un siège total de l'enclave, où habitent 2,3 millions de Palestiniens, qui subissent des vagues de frappes aériennes sans précédent ayant fait plus de 2.200 morts, dont un quart sont des enfants, et près de 10.000 blessés, selon les autorités de Gaza.

Des milliers de Palestiniens ont fui le nord de la bande de Gaza samedi pour échapper à l'assaut terrestre à venir, tandis qu'Israël a multiplié les frappes aériennes sur la zone et a déclaré qu'il maintenait deux routes ouvertes pour permettre aux habitants de partir.

Ismail Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas, a déclaré dans un discours télévisé que les Palestiniens ne quitteraient pas Gaza ou la Cisjordanie pour émigrer en Égypte, alors qu'un million d'habitants de Gaza auraient fui leur domicile depuis le début des bombardements israéliens.

L'attaque surprise du Hamas le 7 octobre a plongé la région dans une nouvelle crise, tandis que les dirigeants israéliens se préparent à une contre-offensive terrestre de taille.

"Les soldats et les bataillons des Forces de défense israéliennes (FDI) sont déployés dans tout le pays et augmentent leur préparation opérationnelle pour les prochaines étapes de la guerre, en mettant l'accent sur les opérations terrestres d'envergure", a déclaré l'armée dans un communiqué.

Ces opérations incluent des assauts aériens, maritimes et terrestres et couvriront une "zone de combat élargie", a ajouté l'armée, sans donner plus de détails.

Vendredi, l'armée israélienne a demandé à la population de la moitié nord de la bande de Gaza de se déplacer immédiatement vers le sud. Samedi, elle a déclaré qu'elle garantirait la sécurité des Palestiniens fuyant sur deux routes principales jusqu'à 16 heures (13H00 GMT). À l'approche de l'échéance, les troupes se sont massées autour de Gaza.

Le Hamas a demandé à la population de ne pas quitter Gaza affirmant que les routes n'étaient pas sûres car des dizaines de personnes ont été tuées lors de frappes sur des voitures et des camions transportant des réfugiés vendredi, ce que Reuters n'a pas été en mesure de vérifier de manière indépendante. Israël affirme que le Hamas empêche les résidents de partir pour les utiliser comme boucliers humains, ce que le Hamas nie.

Dans le quartier Tel Al-Hawa, dans la ville de Gaza, des avions de guerre ont bombardé une zone résidentielle au cours de la nuit, touchant plusieurs maisons, selon des habitants qui se sont réfugiés à l'hôpital Al Quds, situé à proximité.

"Nous avons vécu une nuit d'horreur. Israël nous a punis parce que nous ne voulions pas quitter notre maison. Y a-t-il pire brutalité que celle-là ?", a déclaré par téléphone depuis l'hôpital un père de trois enfants, refusant de donner son nom par crainte de représailles.

"Je n'ai jamais eu l'intention de partir, je préfère mourir et ne pas partir, mais je ne peux pas voir ma femme et mes enfants mourir sous mes yeux."

Le Croissant-Rouge palestinien a déclaré qu'il avait reçu l'ordre d'Israël d'évacuer l'hôpital avant 16 heures, mais a fait part de son refus, en raison du devoir humanitaire de continuer à fournir des services aux malades et aux blessés.

Un million de personnes, soit près de la moitié de la population de Gaza, ont fui leur domicile au cours de la semaine écoulée, et des centaines de milliers d'entre elles se sont dirigées vers le sud, a indiqué l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA).

À Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, où les avions israéliens ont frappé un immeuble de quatre étages pendant la nuit, les voisins se sont précipités pour secourir les habitants.

Un journaliste a filmé une équipe d'ambulanciers à la recherche de survivants après une attaque aérienne nocturne. On y voit un secouriste s'engager dans une allée, s'éclairant avec une lampe frontale, lorsqu'un éclair provenant d'une autre frappe éclate devant lui. Les secouristes se sont précipités dans les ambulances et ont démarré en trombe alors que les avions passaient au-dessus d'eux.

LIBÉRER LES FEMMES ET LES ENFANTS

Les attaques contre Israël ont plongé la nation dans l'effroi et des centaines de milliers de réservistes ont été mobilisés en l'espace de quelques jours.

Les familles des Israéliens enlevés lors des attaques du Hamas craignent pour leur sécurité. Avichai Brodetz, un agriculteur du kibboutz Kfar Aza dont la femme et les trois enfants sont détenus à Gaza, a installé un camp devant le quartier général de l'armée israélienne pour attirer l'attention sur leur sort.

"La première chose à faire est de libérer les femmes et les enfants", a-t-il déclaré aux journalistes.

La branche armée du Hamas a déclaré que neuf otages, dont quatre étrangers, ont été tués au cours de la nuit dans les frappes aériennes israéliennes.

Les attaques israéliennes sur Gaza n'ont pas mis fin aux tirs de missiles du Hamas sur les villes israéliennes. Les sirènes d'alerte aérienne ont retenti dans le centre d'Israël samedi et des roquettes ont percuté une serre à Ashkelon et blessé quatre personnes dans un kibboutz.

La seule voie de sortie de Gaza qui n'est pas sous contrôle israélien est le terminal de Rafah. L'Égypte a déclaré que le poste-frontière était ouvert, mais le trafic a été interrompu pendant des jours en raison des frappes israéliennes. Des sources de sécurité égyptiennes ont rapporté que Le Caire n'avait pas l'intention d'accepter un afflux massif de réfugiés.

Les États-Unis s'efforçaient d'ouvrir le point de passage samedi pour permettre à certaines personnes de sortir, et qu'ils étaient en contact avec des Américains d'origine palestinienne qui souhaitaient quitter Gaza, selon un haut fonctionnaire du département d'État américain. Washington a ensuite demandé à ses ressortissants d'essayer d'atteindre le poste-frontière.

La France a demandé à l'Égypte et Israël d'ouvrir un couloir humanitaire à Gaza via le terminal de Rafah pour "servir aux opérations humanitaires (...) et, notamment, à l’évacuation de nos compatriotes", a indiqué l'Elysée dans un communiqué

Des pays et des organisations humanitaires ont envoyé des fournitures et provisions en Égypte, mais n'ont pas été en mesure de les faire entrer dans la bande de Gaza en raison du blocus sur l'enclave.

Israël affirme que l'ordre d'évacuation est un geste humanitaire visant à protéger les habitants pendant que ses forces éliminent les combattants du Hamas. Les Nations unies estiment qu'il est impossible de déplacer autant de personnes à l'intérieur de l'enclave assiégée sans provoquer une catastrophe humanitaire.

Le Hamas a juré de se battre jusqu'à la dernière goutte de sang et affirme que l'ordre de quitter le nord de l'enclave est une ruse pour forcer les habitants à abandonner leurs maisons.

AFFRONTEMENTS À LA FRONTIÈRE LIBANAISE

La violence à Gaza s'est accompagnée des affrontements les plus meurtriers à la frontière nord d'Israël avec le Liban depuis 2006, faisant craindre que la guerre ne s'étende à un autre front.

Le mouvement armé libanais du Hezbollah, proche de l'Iran comme le Hamas, a déclaré avoir tiré des missiles guidés et des obus de mortier sur cinq avant-postes israéliens dans la zone contestée des fermes de Chebaa.

Reuters a pu observer des tirs de missiles sur un poste de l'armée israélienne et a entendu des tirs d'obus en provenance d'Israël et des coups de feu.

La radio israélienne Kan a indiqué que cinq villages frontaliers avaient été placés sous contrôle en réponse à une incursion présumée en provenance du Liban.

Le conseiller à la sécurité du Premier ministre Benjamin Netanyahu, Tzachi Hanegbi, a averti le Hezbollah de rester en dehors des combats pour éviter une guerre sur deux fronts.

La France a également appelé le Hezbollah à "la retenue" en raison de la "situation très préoccupante à la frontière entre le Liban et Israël", a déclaré l'Elysée lors d'un briefing avec la presse. Paris a aussi exhorté les autorités iraniennes à s'abstenir d'intervenir dans le conflit.

Washington est également déterminé à faire en sorte que l'Iran et les groupes soutenus par Téhéran, tels que le Hezbollah libanais, n'entrent pas dans le conflit.

(Reportage Nidal al-Mughrabi à Gaza, Ari Rabinovitch, Dan Williams, Henriette Chacar, Dedi Hayun, Maayan Lubell, Emily Rose, James Mackenzie et John Davison à Jérusalem, avec Elizabeth Pineau à Paris, rédigé par Peter Graff et John Davison, version française Kate Entringer)