par Olivier Guillemain

PARIS, 30 janvier (Reuters) - A seulement 26 ans, Laure Manaudou semble avoir déjà tout vécu: un conte de fée à l'adolescence, une violente descente aux enfers, une période de rédemption, une renaissance puis, enfin, la quiétude.

Et c'est portée par ce sentiment d'apaisement et de devoir accompli que celle qui a initié dans les années 2000 le renouveau de la natation française a tiré sa révérence mercredi, pour la deuxième fois de sa tumultueuse carrière.

L'histoire de Laure Manaudou a véritablement commencé en 2004, aux Jeux olympiques d'Athènes.

A cette époque, le public français découvre une gamine de 17 ans, discrète, cornaquée par Philippe Lucas, un entraîneur fantasque qui la fait travailler comme une stakhanoviste depuis trois ans, éloignée de ses parents.

Sûre de sa force malgré sa jeunesse, Laure Manaudou crève l'écran dans la piscine d'Athènes. Elle remporte le titre olympique sur 400 mètres nage libre et met fin à 52 ans de disette du côté de la natation française, qui courait après un titre aux JO depuis Jean Boiteux, à Helsinki.

Et comme si cela ne suffisait pas, la native de Villeurbanne décroche l'argent sur 800 m et le bronze sur le 100 m dos.

Laure Manaudou rentre en France avec ses trois médailles et illumine les Unes des journaux avec son sourire de jeune première et ses lauriers rapportés d'Athènes.

La nageuse va alors vivre trois années radieuses et asseoir avec autorité sa suprématie dans les bassins. Elle enchaîne alors les records du monde et les titres, notamment aux championnats du monde de Montréal en 2005 puis de Melbourne en 2007, et vit la plus belle époque de sa carrière.

Quelques mois après son triomphe en Australie, Laure Manaudou prend sa première décision d'adulte en mettant fin à sa collaboration avec son mentor. Elle décide alors de rejoindre l'Italie, où vit et s'entraîne son petit ami Luca Marin, lui aussi nageur.

Sortie de la cage de l'entraîneur qui l'a faite reine, Laure Manaudou va rapidement craquer. Au bout de trois mois, précisément. C'est sur fond de litige avec son entraîneur et de joutes interposées entre avocats qu'elle finit par se faire licencier. L'aventure italienne est terminée.

LA DÉSILLUSION DE PÉKIN

Rentrée en France, Laure Manaudou trouve refuge à Ambérieu où son frère aîné accepte de l'entraîner, avant son départ en janvier 2008 à Mulhouse, où officie Lionel Horter.

A l'époque, la nageuse plonge dans la tourmente. Car en plus de gérer sa rupture avec Luca Marin et l'échec de son rêve italien d'une manière générale, la championne doit composer avec la publication sur Internet et dans plusieurs magazines de photos d'elles dénudée, dans des situations intimes.

Et c'est à Pékin, quelques mois plus tard, que Laure Manaudou va finir de boire la tasse.

Septième du 100 m dos, 8e du 400 m, éliminée en demi-finale du 200 m dos, elle quitte le Watercube en larmes, une serviette sur la tête.

Après quelques mois jalonnés de contre-performances similaires, Laure Manaudou met un terme à sa saison en janvier 2009 puis officialise, en septembre, sa première retraite sportive.

La nageuse, qui avait établi ses nouveaux quartiers au Cercle des nageurs de Marseille et retrouvé un peu de sérénité, vit désormais aux Etats-Unis, à Auburn, où s'entraîne son nouveau compagnon Frédérick Bousquet.

En avril 2010, elle donne naissance à une fille, Manon, et à peine cinq mois plus tard reprend les entraînements à Marseille. En juin 2011, Laure Manaudou annonce son retour dans les bassins de manière officielle et retourne aux Etats-Unis avec une seule idée en tête: se qualifier pour les JO de Londres.

Déterminée, la jeune maman atteint cet objectif aux championnats de France de Dunkerque, au printemps dernier, mais insuffisamment préparée, elle s'effondre dès les séries du grand rendez-vous londonien.

Laure Manaudou trouve toutefois un peu de réconfort quelques jours plus tard en voyant son jeune frère Florent, à la surprise générale, remporter l'or sur 50 m nage libre.

Dans sa tête, la nageuse a déjà pratiquement décidé d'arrêter et c'est à Chartres, peut-être sans le savoir, qu'elle dispute sa dernière course officielle lors des championnats d'Europe en petit bassin.

L'histoire se finit par un titre. Un peu comme elle avait commencé quelques années plus tôt. Mais tout cela, dans un peu plus de quiétude. (Olivier Guillemain, édité par Julien Prétot)