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Après la crise financière qui a éclaté en Grèce, et avec les difficultés que connaissent des pays comme l'Espagne, peut-on craindre pour la solidité de la zone euro ?
Certes, nous vivons une période économique très difficile et même si les nouvelles sont un peu encourageantes depuis quelques mois, la zone euro n'est pas la seule à subir des difficultés. Certains pays risquent de connaître des périodes d'ajustement difficile comme l'Espagne, l'Irlande ou la Grèce. Mais il y a des avantages à long terme pour inciter ces pays à rester membre de la zone euro.

Le problème de la Grèce, contrairement aux autres pays, est essentiellement  un problème budgétaire. Il faut dire qu'avant la crise, les marchés ne différenciaient pas la dette des différents pays de la zone euro. Ainsi, la perception du risque a augmenté notamment sur les questions budgétaires. C'est pourquoi la pression s'est accrue sur certains pays dont la Grèce. Cela ne met pas pour autant en cause la solidité de la zone euro à long terme…

La mise en place de l'euro a été fondée sur un pacte de stabilité, on voit que la Grèce va bientôt atteindre le double du plafond autorisé en terme d'endettement public, et est loin de revenir sous la barre des 3% de déficits publics, est ce que ce pacte est devenu caduque ?
La fonction principale de ce pacte de stabilité c'est de permettre le fonctionnement de la politique monétaire. Dans un pays avec une monnaie indépendante comme les Etats-Unis, il peut avoir une pression des autorités fiscales pour que la politique monétaire facilite le financement de la dette publique, notamment en acceptant certaines tensions inflationnistes. Dans la zone euro, la stabilité des prix est très importante, et pour protéger la BCE, on a crée ce pacte de stabilité. Mais je ne pense pas qu'on puisse dire qu'aujourd'hui la situation budgétaire en Europe mette une pression sur la BCE. Celle-ci a su établir sa crédibilité au niveau de la stabilité des prix. Les anticipations d'inflations sont très bien ancrées à l'intérieur de la zone euro. De ce point de vue, on peut dire que le but est atteint.

Il faut tout de même rappeler que la Grèce est un pays relativement petit. Cela ne met pas en question les politiques de la zone euro plus globalement.  Le pacte est aussi une façon de veiller à ce que les politiques budgétaires des différents pays membres soient menées de manière saine. Ces dernières années on a révisé les conditions et on a eu beaucoup de mal à ancrer le processus. Certains pays ont manqué de volonté politique, notamment dans des périodes où les recettes fiscales était abondantes. C'est de l'argent qui aurait pu être épargné en anticipation de périodes plus difficiles. Elles ont préféré augmenter les dépenses ou baisser les impôts.

C'est donc vrai que le pacte n'a pas atteint ses objectifs visés. Il y a une forte volonté de la Commission de ramener les pays vers une stratégie de sortie de crise au niveau budgétaire, et dans les années à venir, vers les critères définis par le Pacte. On voit donc que le pacte a quand même une influence.

La semaine dernière, le directeur de l'institut allemand IFO disait que la Grèce serait la nouvelle Lehman Brothers. Est-il possible d'imaginer sérieusement que la Grèce quitte un jour la zone euro ?
J'ai beaucoup de mal à comprendre l'argument selon lequel un pays pourrait quitter la zone euro. La seule raison qui pourrait motiver un départ serait la liberté de pratiquer des dévaluations monétaires, ce qui ne rend pas service au pays, parce que les grecs voudront échapper à cette dévaluation en plaçant leur argent en euro ou ailleurs. Ce que le pays a besoin c'est de s'aligner sur la discipline budgétaire qui était implicite à l'adhésion à la zone euro. La discipline fiscale et budgétaire est dans l'intérêt des pays eux-mêmes.

Si nous prenons l'exemple de l'Irlande, ce pays connait une crise très profonde. Le gouvernement a mené une politique de restriction budgétaire et de hausse des impôts. Ils ont baissé les dépenses y compris des baisses des salaires dans la fonction publique. C'est cette discipline qui va permettre au pays de sortir de la crise au plus rapide. La question la plus pertinente à se poser pour la Grèce c'est comment se remettre sur le bon chemin au sein de la zone euro. Est-ce que le gouvernement va pouvoir mener des politiques structurelles qui permettront au pays de rattraper la moyenne structurelle de l'Europe et développer son industrie de manière durable ? Pour le moment, la mauvaise situation budgétaire n'encourage pas les investissements nécessaires pour faire avancer l'économie vers la moyenne européenne.

Propos recueillis par Nabil Bourassi

- 06 Janvier 2010 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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