par Andy Sullivan

WASHINGTON, 30 juillet (Reuters) - Pour éviter un défaut de paiement de la dette publique américaine, les démocrates majoritaires au Sénat cherchaient samedi à prendre l'initiative en ajustant leur plan de réduction du déficit aux éventuelles possibilités de compromis avec une opposition républicaine divisée.

A l'approche de la date couperet du 2 août, les divergences des deux camps font encore obstacle à un compromis, les dirigeants démocrates accusant leurs homologues républicains d'obstructionnisme.

Le président Barack Obama est intervenu pour la deuxième fois de la semaine afin d'exhorter les parlementaires des deux bords à conclure un accord et à repousser le spectre d'un défaut qui serait à ses yeux "impardonnable".

"Il y a maintes façons de résoudre ce problème", a dit le chef de la Maison blanche dans son allocution radio-diffusée hebdomadaire. "Le Congrès doit trouver un terrain d'entente sur un plan que les deux parties puissent approuver à la Chambre. Et il doit s'agir d'un plan que je puisse signer d'ici mardi."

Le Sénat a rejeté vendredi soir comme prévu une proposition républicaine de réduction du déficit votée peu avant par la Chambre des représentants, dominée par les républicains. Mais son adoption par la chambre a suscité l'espoir qu'elle s'intègre à un compromis final.

PROJET DÉMOCRATE MODIFIÉ

L'atmosphère a cependant viré à l'aigre au Sénat, les dirigeants démocrates accusant Mitch McConnell, chef du groupe républicain à la chambre haute, de refuser de leur parler.

Le chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, a modifié son projet de réduction du déficit en reprenant des éléments d'une proposition précédente de Mitch McConnell dans l'espoir de rallier des voix républicaines.

Mais il a repoussé une suggestion de Mitch McConnell qui proposait que l'on vote immédiatement sur ce plan remanié. Ce qui laisse penser que Harry Reid ne dispose pas encore de soutiens suffisants.

Le Sénat devrait voter sur ce projet dimanche matin, en vue d'une adoption définitive lundi matin, peu avant l'ouverture des marchés. La Chambre des représentants doit quant à elle voter samedi vers 18h00 GMT sur une version du plan de Harry Reid. Le gouvernement pourrait se trouver à court de fonds mardi pour payer ses créanciers si le Congrès ne relève pas le plafond de la dette, actuellement fixé à 14.300 milliards de dollars.

"Le pays est en crise. Ce n'est pas le moment de faire de la politique à la petite semaine", a déclaré le sénateur démocrate Charles Schumer lors d'une conférence de presse.

Certains espèrent voir les tractations ménees en coulisses déboucher sur un compromis durant le week-end. Selon des démocrates, de nombreux élus républicains de la base y sont prêts même si ce n'est pas le cas de Mitch McConnell.

Ce dernier veut s'assurer que la Maison blanche est partie prenante pour que tout projet final obtienne l'aval de Barack Obama, déclarent des collaborateurs d'élus républicains.

NOTE SOUVERAINE

Investisseurs et gouvernements étrangers resteront dans l'incertitude jusqu'au bout, du fait notamment que des questions de procédure rendent difficile au Congrès de transmettre un accord à Barack Obama avant lundi soir.

La proposition révisée de Harry Reid, qui fixerait la baisse du déficit à 2.200 milliards de dollars sur dix ans, intègre des éléments d'un "plan de soutien" d'abord avancé par Mitch McConnell. La nouvelle version permettrait à Barack Obama de relever en trois temps le plafond de la dette pour couvrir les besoins d'emprunt en 2012, année où le président briguera sa réélection.

Le président démocrate et ses alliés avaient espéré éviter des votes parlementaires en série avant l'élection.

Le texte adopté par la Chambre prévoyait 917 milliards de dollars d'économies sur les dix prochaines années ainsi qu'un relèvement pour quelques mois seulement du plafond de la dette d'un montant de 900 milliards de dollars, avant une nouvelle décision au printemps 2012, en pleine année électorale.

Le Trésor, qui a atteint son plafond d'endettement en mai et a besoin du feu vert du Congrès pour emprunter davantage, a averti qu'il serait à court d'argent mardi, ce qui fait courir aux Etats-Unis le risque d'un défaut de paiement vis-à-vis de leurs créanciers, d'un abaissement de leur note souveraine et de graves dysfonctionnements dans les versements fédéraux.

Barack Obama a dit que les querelles politiques pourraient provoquer la perte du triple A des Etats-Unis, leur note souveraine qui leur permet de se financer à des taux avantageux.

Si le pays perd son triple A, a-t-il expliqué, ce sera "parce que nous n'avons pas un système politique AAA à la hauteur de notre note souveraine".

Le jeu politique qui s'éternise provoque l'inquiétude des marchés, mais aussi des acteurs de l'économie mondiale.

Robert Zoellick, le président de la Banque mondiale, a estimé vendredi que les Etats-Unis jouaient avec le feu.

La Chine, premier créancier des Etats-Unis, a dénoncé vendredi une économie mondiale "prise en otage" par des "jeux politiques dangereusement irresponsables". Samedi, le Quotidien du Peuple déplore que la perspective de l'élection de 2012 paralyse la situation. "La farce qui se déroule sur la scène politique américaine a montré au monde entier où sont les problèmes politiques des Etats-Unis", écrit le quotidien.

L'agence de notation Moody's a apporté un peu de répit aux marchés en annonçant vendredi qu'une absence d'accord à Washington ne provoquerait sans doute pas immédiatement la dégradation de la note souveraine AAA des Etats-Unis.

(avec Michael Erman, David Gaffen et Richard Cowan; Gregory Schwartz, Henri-Pierre André et Philippe Bas-Rabérin pour le service français)