* DSK peut revenir en politique, pensent des analystes

* En a-t-il envie ?

* Son image dans l'opinion profondément modifiée

(Actualisé avec mise en liberté, Perrineau)

par Elizabeth Pineau

PARIS, 1er juillet (Reuters) - Un retour de Dominique Strauss-Kahn dans la course à la présidentielle de 2012 est possible s'il est blanchi mais les révélations sur son mode de vie risquent de peser lourd, estiment les analystes.

L'ancien directeur général du Fonds monétaire international a été libéré sur parole vendredi, un mois et demi après son arrestation à New York dans une affaire de tentative de viol.

S'il est innocenté se reposera la question de son rôle politique, à neuf mois d'une présidentielle française où il partait favori jusqu'à son arrestation, le 14 mai.

Les observateurs jugent possible son retour sur le devant de la scène, tout en invitant à la prudence.

"Aujourd'hui il y a une possibilité évidente pour Dominique Strauss-Kahn de revenir dans la course à la présidentielle s'il est blanchi", dit Jean-Daniel Lévy, de l'institut Harris Interactive.

Dans le calendrier actuel de la primaire socialiste prévue en octobre, un Dominique Strauss-Kahn innocenté aurait jusqu'au 13 juillet pour poser sa candidature.

Le député de Corrèze François Hollande, actuel favori des sondages, s'est prononcé pour un report de cette date limite de dépôt des candidatures, qui n'est pas remise en cause pour l'instant, a précisé le porte-parole du PS Benoît Hamon.

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"La seule question, c'est : est-ce qu'il a envie d'être à la présidentielle ?", fait valoir Stéphane Rozès, analyste et présidente de la société Cap.

La chute de Dominique Strauss-Kahn a conduit la première secrétaire du PS Martine Aubry à se lancer dans la course, en vertu d'un pacte informel passé avec l'ancien patron du FMI.

Dans l'esprit de Jean-Daniel Lévy, "on peut penser que s'il souhaitait y aller, Martine Aubry s'effacerait devant lui en cas de dynamique positive en faveur de Dominique Strauss-Kahn".

Pascal Perrineau, directeur du Cevipof, le centre de recherche politique de l'institut de sciences politiques de Paris, est plus circonspect.

"S'il est lavé de tout soupçon, il faudra voir exactement quelles conséquences ça peut avoir sur le processus des primaires, sur un éventuel retour que je vois tout de même difficilement", dit-il.

Pour l'analyste, "tant qu'un doute fort subsiste sur le comportement qu'il a eu, même si ce comportement n'est pas aussi criminel qu'on a bien voulu le dire, un retour me semble vraiment très difficile".

Acteur principal d'une affaire qui a passionné le monde entier, d'autant plus suivie qu'elle mêle argent, sexe et pouvoir, Dominique Strauss-Kahn a vu son image profondément évoluer en quelques semaines.

"Cette affaire a permis de diffuser une image qui n'était pas la sienne auparavant dans l'opinion publique française, qui n'était pas informée par exemple du caractère un peu libertin de sa vie personnelle", note Gérald Bronner, professeur de sociologie à l'université de Strasbourg.

"Et, que cela pèse ou non dans l'opinion, ce sera sans doute utilisé à des fins politiques", ajoute-t-il. "Certains vont dire : 'est-ce qu'on peut prendre le risque de placer à la tête de la France quelqu'un de relativement discrédité dans l'opinion publique internationale ?'".

Si la crédibilité de la femme de chambre qui l'a accusé d'agression semble mise en cause, il reste à démontrer qu'elle n'a pas subi de tentative de viol, rappelle Jérôme Fourquet, de l'Ifop.

SUR LA PLACE PUBLIQUE

S'il est blanchi, "il est possible que l'image de Dominique Strauss-Kahn ressorte améliorée et qu'une certaine bienveillance puisse se développer", souligne-t-il. "Les Français ne tiennent pas rigueur en cas de relations extra-maritales. Si c'est un viol, c'est plus compliqué".

Une analyse approuvée par Jean-Daniel Lévy, qui rappelle que Français et Américains n'ont pas la même ligne en la matière.

"Aux Etats-Unis, le fait d'avoir des relations extraconjugales est extrêmement préjudiciable, ce qui n'est pas le cas en France, où tout ce qui a trait aux pratiques sexuelles bénéficie d'une sorte de mansuétude", dit-il.

L'affaire a aussi ouvert un nouveau chapitre des relations entre Dominique Strauss-Kahn et l'argent.

Le luxueux appartement où il réside a fait couler beaucoup d'encre, sans parler du paiement de la caution d'un million de dollars, avec dépôt de garantie de cinq millions, versés grâce à la fortune de son épouse Anne Sinclair.

"Son style de vie a été mis sur la place publique", note Jérôme Fourquet.

Pour Jean-Daniel Lévy, "la richesse n'est pas un problème. En revanche, le caractère ostentatoire peut donner à voir un côté ultra dépensier déconnecté de la réalité des Français". (Avec Catherine Bremer, Emmanuel Jarry et Alexandria Sage, édité par Yves Clarisse)