L’histoire d’un conte de fée qui s’achève dans la tourmente

Celle d’une jeune femme de 19 ans, Elizabeth Holmes, étudiante en chimie dans la prestigieuse université de Stanford, major de promotion, qui dépose un brevet pour un appareil de suivi et de dosage de médicament intégré dans un téléphone portable avant d’abandonner ses études et de créer sa société Theranos.

La méthode développée par la société consiste à opérer une analyse sanguine entièrement automatisée permettant de réaliser des centaines d’analyses en quelques heures juste avec une goutte de sang. Plus précisément, il s’agit d’un prélèvement sans aiguille avec une simple prise qui s’effectue au bout du doigt, soit une procédure en quelques secondes et indolore, avec un résultat en quelques heures seulement.

Le succès est au rendez-vous puisque de nombreux investisseurs vont s’intéresser à cette start-up qui veut révolutionner l’approche des diagnostics médicaux. Ainsi, la chaîne américaine de pharmacie Walgreens Co passera un partenariat avec Theranos afin de permettre d’effectuer un test sanguin dans ses pharmacies. D'anciens haut-responsables gouvernementaux tels que Henry Kissinger (diplomate et prix Nobel de la paix en 1973), William Harrison Frist (ancien sénateur), George P.Shultz (secrétaire d'état de Ronald Reagan) ou encore William J.Perry (secrétaire à la Défense de Bill Clinton) figurent notamment au comité de direction de la société (voir ci-dessous).



Sa dirigeante, que certains n’hésitaient pas à comparer à Steve Jobs, s’est retrouvée propulsée à seulement 31 ans comme la plus jeune femme milliardaire non héritière du monde, avec une fortune estimée à plus de 4.5 milliards de dollars selon le célèbre magazine Forbes, soit la 121ème fortune mondiale.



Une technologie clairement remise en cause

Tout aussi rapidement que fut son ascension, la société Theranos va susciter très vite de nombreux questionnements et doutes auprès d’experts et médias estimant même que l’entreprise est fondée sur une fraude avec une valeur financière fantaisiste. Tout s’est accéléré au cours du dernier trimestre 2015 avec notamment des anciens salariés en colère remettrant clairement les protocoles et les procédures en cause.
De plus :

- En octobre 2015, le Wall Street Journal a commencé à s’interroger sur la qualité et la fiabilité des machines développées par Theranos. Le journal estimait d’autre part que l’entreprise a également cherché à masquer les incohérences de ses tests.
 
- En fin d’année, plusieurs institutions médicales et sociétés pharmacologiques ont mis fin à leurs relations avec Theranos.
 
- En avril 2016, la société est visée par de multiples enquêtes à la fois civiles et criminelles par le gendarme boursier américain et par le procureur général du district nord de la Californie. C’est la tromperie envers les investisseurs qui est principalement retenue. Des class-actions sont également déposées pour des patients qui auraient pu être victimes de diagnostics erronés.
 
- En mai 2016, le Wall Street Journal a révélé que la société Theranos a annulé l’ensemble des tests effectués en 2014 et 2015 mesurés sur sa plateforme Edison.
 

Conséquence, la société qui se valorisait encore 9 milliards de dollars à l’été 2015 n’en vaudrait plus que 800 millions de dollars désormais. Mécaniquement, la fortune de sa dirigeante (qui détient 50% des parts de la société) a fondu comme neige au soleil.

A compter de ces diverses révélations et attaques, la société n’a cessé de se défendre à grands renforts de communiqués et démentis en réfutant notamment les accusations du Wall Street Journal « factuellement et scientifiquement erronées ». De même, selon Theranos, Forbes ne serait pas « en possession de toutes les données financiers ». La compagnie conteste également les manquements pointés par le CMS (Centers for Medicare and Medicaid Services) puisque de nombreuses failles auraient été réglées depuis. (Exemple de démentis publié par la société en octobre dernier).


Elisabeth Holmes, fondatrice de Theranos

Par conséquent, le magazine Forbes, référence en matière de classement des milliardaires, a réévalué la fortune d’Elisabeth Holmes à … 0 dollar. Ce montant surprenant s’explique tout simplement par une règle légale de procédure collective donnant priorité aux créanciers et investisseurs détenant des actions prioritaires sur les actions standards. Or l’actuelle dirigeante n’ayant que des actions simples, l’indemnisation sera difficile en cas de vente des actifs de cette étoile de la Silicon Valley qui se meurt.