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par Lesley Wroughton, Mayela Armas et Angus Berwick

WASHINGTON/CARACAS, 26 janvier (Reuters) - Les Etats-Unis ont souligné vendredi soir leur volonté de renforcer les mesures économiques destinées à chasser Nicolas Maduro de la présidence du Venezuela, tandis que la Russie a réaffirmé son soutien au dirigeant socialiste.

Le département américain du Trésor a déclaré qu'il prendrait des mesures pour "s'assurer que les transactions commerciales effectuées par le gouvernement vénézuélien", notamment celles impliquant des entreprises publiques, soient "cohérentes" avec la décision de Donald Trump de reconnaître mercredi Juan Guaido comme nouveau chef de l'Etat vénézuélien.

Cette annonce intervient à la veille d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, organisée samedi sur demande des Etats-Unis, durant laquelle le secrétaire d'Etat Mike Pompeo appellera à la reconnaissance de l'opposant Juan Guaido comme président par intérim du Venezuela.

Mike Pompeo sera accompagné de l'ancien diplomate Elliott Abrams, un néoconservateur qu'il a nommé vendredi en charge des questions relatives au pays d'Amérique latine.

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a prévenu que Moscou s'opposerait à la "politique destructrice" des Etats-Unis. En visite à Rabat, au Maroc, il a dénoncé les "appels au coup d'Etat" de Washington après la réélection de Nicolas Maduro à la tête du Venezuela en mai dernier.

Nicolas Maduro, qui a débuté son second mandat le 10 janvier, a de son côté tourné en dérision l'initiative des Etats-Unis. "J'allais dire au ministère des Affaires étrangères de demander un débat au Conseil de sécurité (mais) Mike Pompeo m'a devancé", a-t-il ironisé. "Merci Mike... Nous allons dire la vérité sur la Constitution, sur le coup d'Etat."

Le président vénézuélien, qui a rompu les relations diplomatiques avec les Etats-Unis suite à l'annonce de Donald Trump, a demandé mercredi au personnel diplomatique américain de quitter le pays sous 72 heures.

Selon des témoins, plusieurs diplomates ont quitté vendredi en milieu de journée l'ambassade des Etats-Unis à Caracas en direction de l'aéroport de la capitale vénézuélienne, conformément aux consignes du département d'Etat.

"PAS DE DIALOGUE FACTICE"

Des agents de sécurité privée russes, qui participent aux opérations militaires à l'étranger pour le compte du Kremlin, sont arrivés ces derniers jours à Caracas pour renforcer la sécurité du président vénézuélien, a-t-on appris de sources proches de ces groupes paramilitaires à Moscou.

L'une de ces sources, proche du groupe Wagner, qui a notamment participé aux conflits en Ukraine et en Syrie, a précisé que certains agents étaient présents depuis l'élection présidentielle de l'an dernier et que d'autres étaient arrivés "récemment".

Plus que des Russes, l'issue de la crise dépend en bonne partie de l'attitude de l'armée vénézuélienne, que Juan Guaido a appelée à se rallier à lui, mais dont les principaux chefs, dont le ministre de la Défense Vladimir Padrino, ont jusqu'à présent fait bloc derrière Nicolas Maduro.

Juan Guaido a réitéré son appel vendredi, appelant les militaires à "se ranger du côté de la Constitution".

"Personne ne veut d'un dialogue factice. La seule chose que nous voulons négocier, c'est la fin de l'usurpation", a-t-il déclaré devant une foule rassemblée sur une place du quartier de Chacao, un bastion de l'opposition à Caracas.

Le président de l'Assemblée nationale, qui s'est autoproclamé mercredi chef de l'Etat par intérim, a dit vouloir organiser au plus vite des élections libres et équitables.

De sources proches du dossier, on a déclaré vendredi que Juan Guaido envisageait par ailleurs de solliciter des crédits auprès de différentes institutions dont le Fonds monétaire international (FMI).

Dans un entretien télévisé à Univision, Juan Guaido a déclaré jeudi soir qu'il allait oeuvrer à l'acheminement d'une aide humanitaire et à la mise en place de nouvelles mesures économiques pour lutter contre l'hyperinflation dans le pays.

Quatorze personnes au moins ont été tuées depuis le début de la nouvelle vague de manifestations antigouvernementales mardi, selon les ONG vénézuéliennes.

Michelle Bachelet, haut commissaire de l'Onu aux droits de l'homme, a réclamé l'ouverture d'une enquête indépendante sur le recours à la force contre les partisans de l'opposition vénézuélienne.

De nombreux opposants craignent que Juan Guaido ne soit arrêté, comme son mentor, Leopoldo Lopez, maintenu en résidence surveillée depuis les manifestations de 2014. (avec Vivian Sequera, Brian Ellsworth et Deisy Buitrago à Caracas, Patricia Zengerle, Roberta Rampton et Matt Spetalnick à Washington; Jean Terzian, Guy Kerivel et Tangi Salaün pour le service français)