DUBLIN, 27 janvier (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) a rejeté la solution privilégiée par l'Irlande pour éviter de devoir payer chaque année un coûteux service de la dette lié à de l'argent emprunté en 2008 par Dublin pour sauver Anglo Irish Bank de la faillite, a-t-on appris samedi de sources proches des discussions.

Eamon Gilmore, vice-Premier ministre irlandais a déclaré dimanche que l'absence d'un accord avec la BCE dans ce dossier serait "catastrophique" pour le pays.

Dublin cherche un moyen qui lui permettrait de ne pas payer 3,1 milliards d'euros par an jusqu'en 2023 au titre d'un billet à ordre émis en 2008 pour secourir Anglo Irish Bank, dont l'Etat irlandais détient désormais presque la totalité du capital.

Le ministre des Finances irlandais Michael Noonan a proposé la conversion de ce billet en des obligations souveraines à échéance longue, qui serait ensuite reprises par la banque centrale irlandaise. Celle-ci s'engagerait à les conserver dans son portfeuille pendant une période prolongée.

Selon les sources, le conseil des gouverneurs a discuté de cette proposition lors d'une réunion étalée sur mercredi et jeudi et est arrivé à la conclusion qu'elle était assimilable à du "financement monétaire" de l'Etat irlandais, ce qui est interdit par l'article 123 de traité de l'Union européenne.

"La balle est à nouveau dans le camp irlandais", a précisé l'une des sources.

"C'est une question de principe (...) nous devons nous assureur que la solution retenue n'ouvre pas la porte à des formes de financement monétaire", a-t-elle poursuivi.

Ne pas payer la charge d'intérêts liée au billet à ordre permettrait à l'Irlandais de faire baisser d'un point son déficit budgétaire, toujours l'un des plus élevés d'Europe, selon des estimations du département des Finances.

La source a ajouté que Dublin avait d'autres idées pour ne pas payer cette charge, qui est normalement programmée pour la fin mars.

ETAPE VERS LE RETOUR SUR LE MARCHÉ DES CAPITAUX

Au cours de la crise financière de 2007-2009, l'Etat irlandais a déboursé 64 milliards d'euros, soit l'équivalent de 40% de son produit intérieur brut (PIB), pour sauver certains établissements bancaires plombés par l'éclatement d'une bille immobilière.

L'ampleur de ce sauvetage avait contraint le pays à faire appel à une aide internationale de 85 milliards en 2011.

Des trois pays de la zone euro ayant déjà reçu une aide internationale - il y a aussi eu la Grèce et le Portugal - l'Irlande est celui qui est vraisemblablement le plus près d'un retour à la normale, tel que mesuré par un accès plein et entier au marché des capitaux.

John Corrigan, le président de l'Agence nationale de la gestion de la dette (NTMA), a d'ailleurs déclaré jeudi que l'embellie actuelle sur les marchés obligataires devrait permettre au pays de redresser ses finances en 2013 et de ne plus avoir besoin de soutien extérieur.

Dans interview accordé vendredi à Reuters Television, le Premier ministre Enda Kenny a estimé qu'un accord sur le billet à ordre était une étape importante du pays vers ce retour plein et entier sur le marché des capitaux.

"Nous avons toujours dit que c'était injuste. Nous sommes le seul pays à avoir subi ce genre de traitement", a-t-il dit, qualifiant les discussions avec la BCE de techniques et de complexes.

Présent lors d'un sommet Union européenne-Amérique latine, Eamon Gilmore va dire à ses homologues qu'il fallait d'urgence trouver "un accord idoine" avec la BCE dans ce dossier, selon un communiqué publié par son cabinet.

"Si l'on échoue à conclure les négociations sur le billet à ordre, cela aurait des conséquences potentiellement catastrophiques pour l'Irlande", dit le vice-Premier ministre lors d'une réunion où seront présent le président de la Commission européenne Jose Manuel Barroso, le président du Conseil européen Herman van Rompuy ou encore la chancelière allemande Angela Merkel.

Une source a dit que toutes les parties était désireuses d'aboutir à un accord avant la fin mars et le ministre des Communications Pat Rabbite être "persuadé" qu'il y aura un accord d'ici le 31 mars. (Padraic Halpin, Benoît Van Overstraeten pour le service français)