par Luke Pachymuthu et Peg Mackey

Surprise par une chute sévère de la consommation d'énergie dans les pays occidentaux, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, qui se réunit samedi au Caire, ne veut pas sembler paniquer alors que ses deux précédentes diminutions de production n'ont pas réussi à enrayer la dégringolade des prix de l'or noir.

A leur arrivée dans la capitale égyptienne, des ministres du Pétrole du cartel ont déclaré qu'ils étaient susceptibles de reporter à leur prochaine réunion en décembre en Algérie une éventuelle décision de réduire à nouveau le débit du cartel. Ils estiment qu'à ce moment-là, ils seront mieux à même de juger si tous les membres ont rempli leurs précédents engagements.

"C'est une réunion consultative", a expliqué le ministre iranien du Pétrole, Gholamhossein Nozari. "Nous allons réunir des informations supplémentaires et prendre une décision définitive, peut-être en Algérie".

Avant la réunion du Caire, le Venezuela, l'Iran et l'Irak ont appelé à une baisse plus marquée de production mais, vendredi, seul Bagdad a exigé une réduction immédiate.

"Nous souhaitons une baisse de production (...) Nous voulons une réduction maintenant", a expliqué le ministre irakien du Pétrole, Hussein Chahristani.

LA DEMANDE RECULE

Impuissants jusqu'à présent à soutenir les cours, les délégués craignent qu'une nouvelle baisse rapide des approvisionnements du cartel ne sape leur crédibilité auprès d'opérateurs concentrés sur la diffusion de la crise financière à l'économie réelle et son impact sur la demande et les stocks pétroliers.

Les cours pétroliers se traitent en baisse vendredi après-midi, aux alentours de 52 dollars le baril. Ils ont dégringolé des deux tiers depuis leur record à plus de 147 dollars le baril touché le 11 juillet.

"La situation s'est détériorée de manière incroyablement rapide au niveau macroéconomique et cela s'est traduit directement par une baisse de la demande pétrolière", explique Roger Diwan, analyste chez PFC Energy.

"L'Opep semble vouloir sérieusement maintenir un équilibre de marché mais la demande recule, l'appétit pour leur pétrole est faible et cela se reflète dans un accroissement des stocks", ajoute-t-il.

L'Opep a réduit à deux reprises sa production ces deux derniers mois, pour un total de deux millions de barils par jour (bpj), soit 7% du total, mais le cartel ne pourra déterminer avec précision avant début décembre quelle quantité a été réellement ôtée du marché.

Selon des délégués, il semble que les quotas de production soient assez bien respectés, ne serait-ce que parce que l'appétit des raffineries pétrolières de l'Ouest a baissé de manière très prononcée, dans une conjoncture économique très détériorée.

MALADE

La demande de brut des Etats-Unis, premier consommateur mondial, a ainsi accéléré sa chute, plongeant de près de 13% en septembre sur un an, soit de plus de 2,6 millions de barils par jour.

"Le problème de l'Opep est que l'érosion de la demande semble avoir subitement grimpé à un nouveau niveau", estime David Hufton, chez le courtier PVM.

"Les marchés émergents ont empêché jusqu'à présent la demande mondiale de devenir négative mais ils ne font plus ce qu'on attend d'eux. Ce canot de sauvetage de la demande mondiale de pétrole, ainsi que le vaisseau amiral représenté par les économies développées, prend l'eau", ajoute-t-il.

La demande mondiale de brut devrait se contracter cette année pour la première fois depuis le début des années 1980, quand les cours avaient bondi après la révolution iranienne de 1979, selon une enquête de Reuters publiée mercredi.

"Dans notre secteur, on peut parfois être malade mais nous ne mourrons jamais", a estimé cependant le ministre qatari du Pétrole, Abdallah al Attiyah.

"Nous avons vu cela ces 20 dernières années - des hauts et des bas - c'est normal dans ce secteur, il s'agit d'un cycle et nous devons vivre avec. Mais nous serons de retour, comme toujours", a-t-il déclaré.

La réduction décidée jusqu'à présent est modeste au regard des normes de l'Opep. Lors de la précédente grande baisse d'activité économique mondiale en 2001, le cartel avait diminué sa production, en quatre étapes, de cinq millions de bpj, soit de 19%.

L'Organisation avait alors obtenu dans ce mouvement baissier la coopération de producteurs non membres de l'Opep comme le Mexique et la Russie. Certains membres du cartel demandent actuellement à la Russie d'envisager à nouveau de réduire sa production.

Avec Rania El-Gamal et Alex Lawler, version française Stanislas Dembiski