(Actualisation déclaration de May sur les droits de l'homme)

par Estelle Shirbon et Kate Holton

LONDRES/SLOUGH, 6 juin (Reuters) - La police britannique a confirmé mardi l'identité du troisième auteur de l'attentat de samedi soir à Londres, dont les conséquences sur les élections législatives de jeudi restent difficiles à évaluer mais qui a affaibli la Première ministre Theresa May.

L'attaque commise par trois hommes qui ont tué sept personnes et en ont blessé 48 autres dans le centre de la capitale britannique avant d'être abattus par la police a totalement éclipsé ce qui devait être le thème central du scrutin: le Brexit.

Le débat s'est déplacé vers la sécurité du territoire après cette troisième tragédie en moins de trois mois et la deuxième en moins de deux semaines après celle de Manchester le 22 mai.

Le Parti travailliste de Jeremy Corbyn, qui effectue une spectaculaire remontée dans les intentions de vote depuis le début de la campagne, s'est emparé du thème de la sécurité, rappelant les 20.000 suppressions de postes auxquelles Theresa May a procédé pendant les six années qu'elle a passées au ministère de l'Intérieur (2010-2016).

Le chef de file du Labour a demandé la démission de la chef du gouvernement tandis que cette dernière tentait de conserver l'initiative politique à deux jours d'un vote qui s'annonce crucial pour les futures négociations avec les Européens.

"Des discussions fermes sont nécessaires sur toute cette question du financement du terrorisme et du financement de l'extrémisme", a-t-elle déclaré mardi sur la chaîne Sky News. "Nous devons avoir ces discussions fermes avec tous ceux avec lesquels elles sont nécessaires."

En clair, la question est celle du dialogue avec les pays soupçonnés de soutenir ou de financer des organisations terroristes dans le monde.

MAJORITÉ MENACÉE ?

Le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson a repris cette position lorsqu'il a été interrogé par la presse mardi sur un rapport gouvernemental qui, selon les médias, vise le rôle de l'Arabie saoudite dans le financement du terrorisme.

"Je pense que vous soulevez un point important concernant le rôle d'autres pays, de gouvernements ou non, dans le financement, sciemment ou non, de groupes qui sont responsables du terrorisme et le financement de mosquées où toute une haine insensée est déversée", a-t-il répondu.

Theresa May a précisé qu'elle avait évoqué "la question du terrorisme" lors de sa visite en Arabie saoudite au mois d'avril. "En Arabie saoudite, nous avons discuté de tout un nombre de sujets entourant la question du terrorisme", a-t-elle dit sans fournir de précisions sur le contenu de ces discussions.

Lors d'un meeting de campagne à Slough, à l'ouest de Londres, la Première ministre s'est aussi dite prête à revoir les mesures en faveur de la protection des droits de l'homme, afin de permettre l'expulsion des personnes soupçonnées d'extrémisme, y compris en l'absence de preuves tangibles, et de limiter leurs déplacements.

"Si nos lois relatives aux droits de l'homme ne nous permettent pas de le faire, nous changerons la loi afin d'y parvenir", a-t-elle déclaré sous les applaudissements.

Elle s'est montrée favorable à des peines de prison plus longues pour les personnes soupçonnées de terrorisme.

Si le Parti conservateur parvient à remporter la bataille législative de jeudi, Theresa May a promis que son pays resterait signataire de la Convention européenne des droits de l'homme jusqu'en 2022.

La violente séquence qui touche le Royaume-Uni pourrait avoir des conséquences dans les urnes lors des élections anticipées que la chef du gouvernement avait convoquées avec la volonté de disposer d'une majorité renforcée et l'espoir de se présenter avec un mandat "fort et stable" à la table des négociations face aux Européens.

Selon les dernières estimations en date de l'institut YouGov, le Parti conservateurs qui dispose de 330 députés à la Chambre des communes devrait connaître un revers. Les projections actuelles accordent un peu plus de 300 sièges aux Tories, une bonne vingtaine de moins que les 326 nécessaires pour avoir la majorité absolue.

Les travaillistes, malgré des divisions internes depuis la réélection de Jeremy Corbyn à leur tête, semblent être les grands bénéficiaires de ce coup de poker tenté par Theresa May. Ils obtiendraient plus de 260 parlementaires, 266 d'après la dernière estimation en date.

Un sondage Opinium réalisé après l'attentat de Londres mesure cependant un écart à nouveau croissant entre les Tories, stables à 43% des intentions de vote, et le Labour, qui recule d'un point à 36%. L'institut confirme par ailleurs qu'un nombre croissant d'électeurs feront de la sécurité nationale un élément crucial de leur choix au moment de voter.

LONDRES INFORMÉ

C'est dans ce contexte que la police britannique a annoncé mardi l'identité du troisième assaillant, Youssef Zaghba, un jeune homme de 22 ans qui n'était connu ni des services de police, ni du renseignement intérieur britannique, le MI5.

Le quotidien italien Corriere della Sera rapporte pourtant que Zaghba avait été intercepté à l'aéroport de Bologne en 2016 au moment où il tentait de s'embarquer pour la Syrie via la Turquie et qu'il avait été identifié comme "combattant étranger" potentiel.

Les autorités italiennes l'avaient placé sur une liste de personnes "à risque" et avaient informé à la fois le Royaume-Uni et le Maroc de ses déplacements, ajoute le journal italien. Zaghba, de père marocain et de mère italienne, était né à Fez, dans le nord du Maroc, en 1995.

L'un des deux autres terroristes, Khuram Shazad Butt, 27 ans, était lui bien connu des services de sécurité britanniques, mais aucun élément ne présageait la participation de ce Britannique né au Pakistan à un projet d'attaque.

Il était apparu l'an dernier dans un documentaire pour la chaîne de télévision britannique Channel 4 intitulé "The Jihadis Next Door".

Comme Khalid Masood, l'auteur de l'attaque à la voiture bélier du 22 mars à Londres sur le pont de Westminster, et Salman Abedi, le kamikaze de Manchester, Butt figurait sur la liste "périphérique" du MI5, qui suit activement 3.000 individus considérés comme représentant une menace potentielle mais dispose aussi d'une liste secondaire de 20.000 noms ne faisant pas l'objet d'un suivi prioritaire.

Ces révélations posent la question des moyens disponibles dont disposent les services de la sécurité intérieure britannique pour prévenir de tels attentats.

Le MI5 a vu son budget augmenter et prévoit de porter ses effectifs à 5.000 agents sur les cinq prochaines années, contre 4.000 actuellement, d'après les déclarations de son directeur, Andrew Parker, dans une interview accordée en novembre dernier au Guardian.

Si la question de la sécurité s'est installée au centre du débat électoral, Jeremy Corbyn n'en tire sans doute pas tout le bénéfice qu'il pouvait espérer en raison de ses positions passées sur le sujet.

Critiqué pour avoir voté contre une loi sur l'antiterrorisme et avoir exprimé des réserves sur la stratégie policière de réponse létale en cas d'attentat, Corbyn se voit également reproché ses anciennes sympathies pour le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais et le Sinn Féin, aile politique de l'IRA.

(Willima James, avec Antonella Cinelli à Rome; Eric Faye, Pierre Sérisier et Hélène Dauschy pour le service français, édité par Jean-Philippe Lefief)