* L'Afrique du Sud relève ses taux directeurs après la Turquie et l'Inde

* Poursuite attendue du ralentissement des achats d'actifs de la Fed

* Les déficits des paiements courants pèsent plus que le "tapering"

LONDRES, 29 janvier (Reuters) - La hausse des taux directeurs annoncée mercredi en Afrique du Sud, au lendemain de celles décidées par la Turquie et l'Inde, n'est pas parvenue à dissiper les craintes des investisseurs sur les marchés émergents à quelques heures de l'annonce attendue d'un nouveau ralentissement des achats d'actifs de la Réserve fédérale américaine.

La hausse de 425 points de base de son principal taux directeur décidée en urgence mardi soir par la banque centrale turque avait nourri les espoirs d'une stabilisation des nombreuses devises émergentes sous pression et d'un regain d'appétit pour le risque.

Mais le relèvement de 50 points de base de son taux directeur annoncé par la banque centrale sud-africaine a été perçue comme insuffisante pour enrayer la chute du rand et les sorties de capitaux du pays.

Les inquiétudes ont ainsi vite ressurgi, la livre turque abandonnant la quasi-totalité des gains initiaux de plus de 3% contre la devise américaine tandis que le rand sud-africain reculait de plus de 2%.

En hausse de plus de 1% dans la matinée, l'indice MSCI des marchés actions émergents a abandonné une grande partie de ses gains pour ne plus afficher qu'une hausse de 0,43% vers 16h30 GMT.

Les bourses européennes, qui avaient débuté la séance en forte hausse dans le sillage des places asiatiques, se sont retournées à la baisse, l'indice EuroStoxx 50 cédant 0,9% en clôture. Wall Street a aussi ouvert dans le rouge.

LES "CINQ VULNÉRABLES"

"Il y a bien sûr le problème des émergents, mais il y a aussi beaucoup de défiance vis-à-vis de la politique de la Fed qui explique cette très grande volatilité", relève un vendeur actions à Paris en référence à l'annonce attendue d'une nouvelle réduction de ses achats d'actifs par la Fed à l'issue de la réunion de son premier comité de politique monétaire de l'année à 19h00 GMT.

Les opérateurs s'attendent à ce que la Fed réduise de 10 milliards de dollars supplémentaires ses achats d'actifs pour les ramener à 65 milliards par mois dans un contexte d'affirmation de la reprise de l'économie américaine.

Ce ralentissement ("tapering") des achats d'actifs de la Fed est considéré comme l'un des facteurs majeurs expliquant les dégagements massifs subis par de nombreux marchés émergents, qui avaient largement bénéficié de l'abondance des liquidités liée à la politique monétaire ultra-accommodante des autorités américaines.

"Cela va être une année difficile pour les 'cinq vulnérables'", prévient Jose Wyne, responsable de la recherche de Barclays, qui désigne sous ce terme la Turquie, l'Indonésie, l'Afrique du sud, le Brésil et l'Inde.

Les paiements courants de ces cinq pays sont lourdement déficitaires, ce qui les rend dépendants des financements extérieurs et les expose à un durcissement de la politique monétaire américaine qui ne fait que commencer.

De nombreux économistes soulignent toutefois que le "tapering" n'est qu'un révélateur des difficultés de ces pays émergents, pour lesquels le rétablissement des comptes extérieurs constitue le véritable enjeu.

"Nous voyons qu'en ce qui concerne les événements des derniers jours (...), la composante principale est liée à des problèmes dans un sous-ensemble de la catégorie des pays émergents", a déclaré mardi José Viñals, conseiller financier et directeur du département des marchés de capitaux internationaux du Fonds monétaire international.

"Les anticipations de 'tapering' de la politique monétaire américaine n'ont pas joué un rôle important jusqu'à présent" dans les développements récents sur les marchés financiers émergents, a-t-il poursuivi. (Sujata Rao, Marc Jones, Marc Joanny pour le service français, édité par Marc Angrand)