* Les rebelles refoulés d'une position à 80 km de Tripoli

* Kadhafi prêt à trouver un accord politique, dit sa fille

* La Libye "pourrait devenir une nouvelle Somalie"

(Retrait des insurgés, Gariane, fille Kadhafi, presse)

par Anis Mili

BIR-AYYAD, Libye, 1er juillet (Reuters) - Après s'être approchés à 80 km de Tripoli, des insurgés libyens ont dû battre en retraite vendredi sous les tirs de roquettes des forces de Mouammar Kadhafi.

L'arrivée des rebelles il y a cinq jours aux abords de la localité de Bir al Ghanam laissait entrevoir la possibilité d'une percée dans un conflit de quatre mois qui est devenu la plus sanglante révolte du "printemps arabe".

Les insurgés qui s'étaient regroupés sur une ligne de crête dominant Bir al Ghanam en vue d'une bataille se retirent à présent sous un déluge de roquettes Grad d'origine russe, a dit un photographe de Reuters à Bir-Ayyad, 30 km plus au sud.

Il a ajouté que les tirs des kadhafistes remontaient jusqu'à Bir-Ayyad, carrefour routier situé dans les contreforts de la chaîne montagneuse du djebel Nefoussa, au sud-ouest de Tripoli, d'où les rebelles s'étaient mis en route la semaine dernière. Ce renversement de situation met en lumière les ressorts des troupes de Kadhafi, qui ont résisté à 15 semaines de raids aériens et de tirs de missiles de l'Otan ainsi qu'aux tentatives des rebelles pour franchir leurs lignes sur trois fronts.

L'OTAN FRAPPE À GARIANE

Les insurgés avaient pris la direction de la capitale à la suite de combats dans le djebel Nefoussa, plateau désertique de l'Ouest libyen à prédominance berbère, où la France a largué des armes légères à destination des rebelles.

La révélation de ces livraisons d'armes a provoqué des remous au sein de l'alliance militaire, certains pays s'inquiétant du coût des opérations, des victimes civiles et du fait que la campagne dure beaucoup plus longtemps que prévu.

La France a justifié sa décision par la nécessité de protéger les civils menacés par les forces de Tripoli. Elle a dit avoir parachuté des fusils d'assaut et des lance-roquettes ainsi que des fournitures humanitaires dans le djebel Nefoussa.

La Russie, membre permanent du Conseil de sécurité de l'Onu, a qualifié les parachutages français de "violation grossière" de l'embargo de l'Onu sur les livraisons d'armes. Plusieurs alliés de Paris ont pris leurs distances avec l'initiative française, mais Londres et Washington ont estimé qu'elle se justifiait sur la base des règles de l'Onu.

La télévision libyenne a rapporté que l'Otan avait bombardé la ville de Gariane, dans l'est du djebel Nefoussa.

L'Otan a dit avoir détruit un objectif militaire dans cette ville vendredi. "On notera que cette cible se trouvait très en dehors des zones construites de la conurbation et qu'aucun dégât collatéral n'a été observé ensuite. A aucun moment une zone civile n'a été ciblée", a déclaré un responsable de l'alliance.

Le colonel Kadhafi a présenté les opérations de l'Otan comme un acte d'agression colonial visant à faire main basse sur le pétrole libyen. Ses collaborateurs considèrent comme illégitimes les mandats d'arrêt lancés à son encontre par la Cour pénale internationale (CPI), qu'ils jugent au service de l'Occident.

DES CHOIX QUI S'AMENUISENT

La fille de Kadhafi, Aïcha, qui est avocate, a déclaré lors d'une interview télévisée jeudi soir que le gouvernement de Tripoli serait prêt à conclure un accord avec les rebelles si c'était la condition d'un arrêt des effusions de sang.

Jusqu'ici, les responsables libyens traitaient les insurgés de criminels et aucun n'envisageait de discussions avec eux.

"Il y a actuellement des négociations directes et indirectes. Nous oeuvrons pour que cesse de couler le sang des Libyens et, pour cela, nous sommes prêts à nous allier au diable, aux rebelles armés", a dit Aïcha Kadhafi sur France 2.

Elle a cependant exclu que son père s'exile: "Où voulez-vous qu'il parte ? Ici, c'est son pays, sa terre, son peuple, où pourrait-il partir ?"

Selon le journal Asharq al Awsat, basé à Londres, des représentants de Kadhafi ont rencontré des responsables français et britanniques en Tunisie, sur l'île de Djerba.

Citant des sources dans l'entourage de Kadhafi et dans les milieux d'opposition, le journal rapporte que le dirigeant libyen serait prêt à démissionner s'il ne faisait l'objet d'aucune poursuite et pouvait vivre dans sa ville natale de Syrte avec des garanties de sécurité.

Ces informations n'ont été confirmées ni par la France, ni par la Grande-Bretagne. Les rebelles ont exclu des discussions avec Kadhafi après les mandats d'arrêt lancés par la CPI.

Selon certains spécialistes de la Libye, Kadhafi a évoqué plusieurs fois un éventuel accord de paix pour gagner du temps et affaiblir la détermination des alliés de l'Otan à l'évincer.

D'autres croient possible qu'il cherche une issue négociée à mesure que ses choix s'amenuisent. Les sanctions imposées à la Libye entraînent des pénuries de carburant dans les zones qu'il contrôle et les raids de l'Otan réduisent ses moyens d'action. (Avec Tarek Amara et Andrew Hammond à Tunis, David Brunnstrom à Bruxelles, Sami Aboudi à Dubaï, Eric Faye et Philippe Bas-Rabérin pour le service français, édité par Gilles Trequesser)