Actualisé avec clôture de la Bourse de Paris, niveau de l'euro par rapport au dollar, taux d'intérêt pour les emprunts à 10 ans en France

Paris (awp/afp) - L'annonce surprise d'élections législatives dans trois semaines en France a entraîné la Bourse de Paris dans l'incertitude face à l'hypothèse d'une arrivée de l'extrême droite au gouvernement.

La perspective d'une potentielle arrivée au pouvoir en juillet du Rassemblement national (RN), qui a triomphé dimanche aux élections européennes, faisait en outre grimper les taux d'emprunt de l'Etat français.

Les marchés financiers n'aiment pas le flou. Or "les derniers événements créent de l'incertitude à un moment où les derniers résultats, économiques comme budgétaires, sont assez médiocres", explique Bruno Cavalier, chef économiste d'Oddo BHF.

Il y a dix jours, la France avait vu sa note de crédit baissée d'un cran par l'agence de notation S&P, qui avait sanctionné l'aggravation des déficits publics du pays et ne croyait pas à la promesse d'un rétablissement des comptes d'ici la fin du mandat d'Emmanuel Macron en 2027.

"On pensait que la fin du mandat présidentiel serait normale, on n'imaginait pas un tel scénario et une telle prise de risque", renchérit auprès de l'AFP Alexandre Baradez, responsable de l'analyse marchés chez IG France.

Avec la dissolution, M. Macron fait "un pari extrêmement risqué", estime l'historien Jean Garrigues.

"C'est l'élection législative qui aura les conséquences les plus lourdes pour la France, pour les Français, de l'histoire de la Ve République", a estimé à RTL le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire.

Après un décrochage de 2,37% à l'ouverture, l'indice CAC 40 a terminé en baisse de 1,35% lundi à la Bourse de Paris.

"Les investisseurs prennent conscience de la possibilité d'un virage décisif de la France vers la droite", commente Neil Wilson, analyste de Finalto. Il est cependant peu probable que le RN obtienne la majorité à l'Assemblée, selon les analystes.

Au niveau européen, les investisseurs s'inquiètent du "poids de la France au sein de l'Union européenne", explique Alexandre Baradez, avec en guise de première force politique un parti qui défend dans son programme "une Europe des nations".

Cette crainte tirait vers le bas la devise européenne: l'euro se dépréciait de 0,43% face au dollar, à 1,0755 dollar pour un euro vers 16H50.

Pas de panique

Signe d'une "défiance qui s'opère envers la France", les taux auxquels l'Etat français emprunte sur les marchés financiers progressent, observe M. Baradez.

Ce taux d'intérêt pour les emprunts à échéance dix ans montait à 3,22%, au plus haut depuis fin novembre, contre 3,10% à la clôture de vendredi. L'allemand à même échéance s'établissait à 2,67%, contre 2,62%.

L'écart entre ce taux français et son équivalent allemand (jugé comme la dette souveraine la plus sûre de la zone euro) s'est nettement accru, or cet écart - appelé "spread" - est un indicateur de la confiance des investisseurs.

Pour M. Baradez, "le message du RN n'est pas le même que celui de Macron" sur le plan économique, avec d'un côté un "patriotisme économique" et la renationalisation des autoroutes, et de l'autre des efforts pour attirer les investisseurs étrangers et favoriser l'innovation.

Les actions de Vinci et d'Eiffage, qui gèrent une partie des autoroutes françaises via des contrats de concession, ont respectivement chuté de 5,37% et 5,48%.

Dans une moindre ampleur, le secteur du luxe accusait le coup aussi: LVMH a perdu à Paris 2,12% et Hermès 2,82%, face aux craintes que les exportations soient touchées par d'éventuelles mesures de protectionnisme du RN.

Autres victimes collatérales, les banques françaises: -7,46% pour la Société Générale, -4,76% pour BNP Paribas, -3,59% pour Crédit Agricole.

David Benamou, directeur des investissements de la société de gestion Axiom, y voit une "sur-réaction" des actions des banques "quand il y a un événement un petit peu inquiétant".

Des taux d'emprunt qui remontent peuvent induire un "risque économique" pour les banques, ajoute M. Baradez, car les entreprises pourraient avoir du mal à rembourser.

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