(Ajoute rencontre avec des victimes)

par Philip Pullella et Conor Humphries

DUBLIN, 25 août (Reuters) - Le Premier ministre irlandais Leo Varadkar a rappelé samedi à l'occasion de la visite du pape François, la première d'un souverain pontife en Irlande depuis 39 ans, que les blessures des abus sexuels commis par des prêtres contre des enfants n'étaient pas refermées et que le Vatican devait désormais passer de la parole aux actes.

Le pape lui a répondu que les Irlandais avaient toutes les raisons d'être en colère contre la défaillance de la hiérarchie ecclésiastique face à ces "crimes répugnants", et que la communauté catholique toute entière en avait "honte".

François a par la suite rencontré pendant 90 minutes huit victimes de violences, a annoncé le Vatican. Parmi eux figuraient deux figures de la lutte contre les abus de l'Eglise en Irlande, Marie Collins et Paul Redmond.

Ce dernier, né dans une des institutions de mères célibataires gérées par l'Eglise, adopté à l'âge de 17 jours, a déclaré que la rencontre avait été cordiale et que le pape avait une nouvelle fois présenté ses excuses pour les abus survenus dans ces "Mother and Baby Homes".

La visite du pape François dans une Irlande toujours sous le choc des scandales de pédophilie intervient au moment où de nouvelles révélations frappent l'Église, notamment aux Etats-Unis où un rapport publié il y a deux semaines par le procureur général de Pennsylvanie a dénoncé les abus sexuels commis par 300 prêtres pendant 70 ans aux dépens d'un millier de victimes.

Le pape a adressé lundi une lettre sans précédent aux catholiques du monde entier pour leur demander de contribuer à l'éradication de "cette culture de la mort".

En recevant le souverain pontife au côté du président de la République, Michael Higgins, Leo Varadkar a souligné que les excuses publiques ne suffiraient pas à tourner la page des abus commis et couverts pendant des décennies par l'Église.

"Les blessures sont toujours ouvertes et il y a beaucoup à faire pour la justice et la vérité et pour la guérison des victimes et des survivants", a déclaré le chef du gouvernement irlandais.

"Saint Père, je vous demande d'utiliser votre fonction et votre influence pour que cela soit le cas ici, en Irlande, et dans le monde entier. Nous devons faire en sorte que les mots se traduisent en actes", a-t-il ajouté.

DES MANIFESTATIONS PROGRAMMÉES

Le pape François a dit avoir pleinement conscience du "grave scandale suscité en Irlande par les abus infligés aux enfants par des membres de l'Église qui étaient responsables de leur protection et de leur éducation".

"L'échec des autorités ecclésiastiques - évêques, supérieurs religieux, prêtres et autres - à répondre de manière adéquate à ces crimes répugnants a suscité à juste titre l'indignation et demeure une source de douleur et de honte pour la communauté catholique", a-t-il poursuivi.

Il a encore dit vouloir "éliminer ce fléau, à n'importe quel prix".

Le pape doit terminer son voyage dimanche par une messe au Phoenix Park de Dublin, où se dresse toujours la grande croix érigée pour la visite de Jean-Paul II en 1979.

Les 500.000 billets disponibles pour y assister ont très vite trouvé preneurs, mais un certain nombre de places ont été réservées par un mouvement baptisé "Say Nope To The Pope" (Dites non au pape), qui appelle au boycott de l'événement.

Plusieurs manifestations conte la venue du pape ont également été organisées. Des portraits de victimes de prêtres pédophiles accompagné du hashtag #Stand4Truth (Exigez la vérité) ont été projetés vendredi soir sur des bâtiments emblématiques de la ville, dont la cathédrale, pour appeler à un rassemblement qui doit coïncider avec la messe de dimanche.

Une veillée silencieuse doit par ailleurs lieu le même jour dimanche sur le site des "Magdalene Laundries", établissements religieux où des filles-mères étaient "rééduquées" dans des conditions proches de l'esclavage. Les restes de plusieurs centaines de nourrissons y ont été exhumés en 2014. (Jean-Philippe Lefief, Tangi Salaün et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)