PARIS/LONDRES (Reuters) - Les Etats-Unis et la plupart des membres de l'Union européenne vont boycotter mardi la cérémonie d'investiture du président russe Vladimir Poutine pour un nouveau mandat de six ans, même si la France et certains pays européens ont prévu d'envoyer des émissaires, allant à l'encontre d'une demande de l'Ukraine.

Cette divergence met en exergue les approches distinctes adoptées par les dirigeants occidentaux à l'égard du chef du Kremlin, plus de deux ans après que ce dernier a lancé ce que Moscou a décrit comme une "opération militaire spéciale" mais que Kyiv et ses alliés dénoncent comme une invasion.

Sans surprise, en l'absence de rival crédible, Vladimir Poutine, 71 ans, a été réélu en mars à la présidence russe, s'imposant avec une très large avance. Le scrutin s'est tenu un mois après la mort, en détention, du principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny.

"Nous n'aurons pas de représentant à cette inauguration", a déclaré le porte-parole du département d'Etat américain devant des journalistes. "Nous ne considérons pas cette élection comme libre et équitable, mais il est le président de la Russie et il va continuer d'occuper ce rôle", a ajouté Matthew Miller.

La Grande-Bretagne et le Canada ont aussi indiqué qu'ils n'enverraient aucun émissaire pour la cérémonie organisée au Kremlin, au lendemain de l'annonce par Moscou de la tenue prochaine d'exercices tactiques nucléaires face aux "provocations" occidentales.

Aux yeux de l'Ukraine, la cérémonie d'investiture de Vladimir Poutine cherche à créer l'"illusion de la légalité d'une vie presque toute entière passée au pouvoir pour une personne qui a transformé la Russie en un Etat agresseur et le régime en place en une dictature".

"L'Ukraine ne voit aucune base légale pour le reconnaître comme le président démocratiquement élu et légitime de la Russie", a ajouté le ministère ukrainien des Affaires étrangères dans un communiqué.

D'après un haut représentant du Kremlin, cité par l'agence de presse russe Interfax, l'ensemble des hauts diplomates étrangers présents à Moscou ont été invités à la cérémonie.

"ISOLEMENT"

Un porte-parole de l'Union européenne a déclaré que l'ambassadeur de l'UE en Russie ne se rendrait pas à la cérémonie, une décision s'inscrivant dans la lignée de celle prise par la majorité des pays membres du bloc communautaire.

Vingt pays de l'UE ont prévu de boycotter l'événement, a dit un diplomate européen, ajoutant que les sept autres devraient y être représentés.

Selon deux sources diplomatiques, la France, la Hongrie et la Slovaquie figurent parmi les pays ayant décidé d'assister à la cérémonie d'investiture.

Le ministère allemand des Affaires étrangères a fait savoir que Berlin n'aurait pas de représentant.

A Paris, une source diplomatique a déclaré lundi que la France serait représentée à la cérémonie par son ambassadeur à Moscou.

"Nous ne sommes pas en guerre avec la Russie ou le peuple russe", a déclaré lundi Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse commune avec son homologue chinois Xi Jinping, qui effectue une visite en France. Les Occidentaux n'ont pas "une approche consistant à rechercher un changement de régime à Moscou", a ajouté le président français.

La source diplomatique a noté que Paris a condamné par le passé le contexte de répression dans lequel s'est déroulée l'élection présidentielle russe, privant les électeurs d'un choix réel, et dénoncé la tenue d'élections dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie en violation du droit international et de la Charte des Nations unies.

Les relations entre la France et la Russie se sont détériorées ces derniers mois, sur fond de renforcement de l'aide apportée par Paris à l'Ukraine. Comme il l'avait fait plus tôt cette année, Emmanuel Macron a répété, la semaine dernière, qu'il n'excluait pas d'envoyer des troupes au sol en Ukraine si Kyiv venait à en faire la demande.

Les Etats baltes, qui n'ont plus d'ambassadeurs en Russie, ont catégoriquement exclu l'hypothèse d'envoyer des émissaires pour la cérémonie d'investiture de Vladimir Poutine.

"L'isolement de la Russie, et particulièrement de son dirigeant criminel, doit se poursuivre", a déclaré le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis. "Notre priorité demeure de soutenir l'Ukraine et son peuple luttant contre l'agression russe".

(John Irish, Andrew Gray, Alexander Ratz, Andrius Sytas et Charlotte Van Campenhout; version française Jean Terzian)

par John Irish et Tom Balmforth