* Evolution des réserves de change et du dollar-yuan :

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par Nichola Saminather

SINGAPOUR, 5 janvier (Reuters) - Au fur et à mesure que les réserves de change de la Chine se rapprochent du seuil des 3.000 milliards de dollars, les investisseurs s'inquiètent de l'enclenchement d'un cercle vicieux qui verrait Pékin alimenter les sorties de capitaux et la baisse de la devise tout en puissant dans son trésor de guerre pour essayer de les enrayer.

Les chiffres sur les réserves de change du pays à fin décembre qui seront publiés cette semaine montreront une nouvelle baisse à un niveau à peine supérieur à 3.000 milliards de dollars, au plus bas depuis février 2011, selon des économistes interrogés par Reuters.

Si la deuxième économie mondiale affiche encore les réserves de change les plus élevées du monde, elle n'a cessé de les mettre à contribution depuis la dévaluation surprise de sa devise en août 2015 afin de prévenir une accélération de sa baisse.

Les réserves de change sont ainsi passées d'un point haut à près de 4.000 milliards de dollars à la mi-2014 à 3.051,6 milliards de dollars à la fin novembre 2016.

Graphique sur l'évolution des réserves de change et du dollar-yuan :
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Les autorités chinoises ont renforcé aussi les contraintes réglementaires sur les ménages et les entreprises souhaitant sortir des capitaux du pays tout en affirmant que cela ne correspondait à de nouvelles mesures de contrôle des capitaux.

"Il y a eu un peu d'inquiétude et de spéculation parce que la manière dont beaucoup de gens en parlent en Chine consiste à savoir si le gouvernement défendra le seuil de 7 yuans pour un dollar ou celui des 3.000 milliards de dollars", a dit Louis Kuijs, en charge des économies asiatiques pour Oxford Economics.

Pékin est intervenu sur les marchés aussi bien domestique que offshore du yuan cette semaine pour le soutenir alors qu'il se rapproche du seuil de 7 yuans pour un dollar. Cela a alimenté les spéculations sur une reprise en main plus musclée du change par Pékin à l'approche de l'investiture du président-élu américain Donald Trump qui a menacé d'accuser la Chine de manipuler son taux de change, ce qui ouvrirait la voie à des mesures de rétorsion.

Si les réserves de change continuent de fondre aussi rapidement et que les sorties de capitaux se poursuivent, certains prévisionnistes estiment que Pékin n'aura pas d'autre choix que de procéder à une nouvelle dévaluation ponctuelle, au risque d'enclencher un mouvement de dépréciation de leurs devises par d'autres pays émergents, déjà menacés de mesures protectionnistes par Donald Trump.

RENFORCEMENT DES CONTRAINTES

Une alternative consisterait à renforcer les contraintes pesant sur les opérations monétaires et financières avec l'étranger, qu'il s'agisse des autorisations pour les investissements directs ou les prêts à l'étranger, du rapatriement des revenus à l'exportation ou de la suppression des failles dans le système actuel de contrôle des changes.

"La question n'est pas vraiment de savoir si les réserves sont effectivement suffisantes ou pas", estime Joey Chew, stratégiste change pour l'Asie chez HSBC, qui pense que Pékin n'a pas besoin de plus de 2.000 milliards de réserves.

"Si les gens pensent qu'il n'y en a pas assez, ils essayeront de sortir des capitaux et cela deviendra une prophétie auto-réalisatrice", prévient-elle.

"Les autorités sont déjà conscientes qu'essayer de réduire les réserves sera contre-productif, ce qui explique qu'elle s'en remettent aux contrôles réglementaires."

Pour Jerry Hu, économiste chez Shanghai Securities, "le contrôle des capitaux était relativement lâche et les autorités fermaient les yeux sur les achats de devises par des particuliers parce que les réserves de change étaient abondantes."

"Elles renforcent désormais la supervision pour changer les anticipations."

De nouvelles initiatives sur le contrôle des opérations d'investissement direct à l'étranger pourraient intervenir, estime Louis Kuijs.

Joey Chew, qui évoque de son côté des mesures visant à encourager les exportateurs à convertir en yuans leurs devises étrangères, pense toutefois qu'un renforcement du contrôle des changes est peu probable.

"Il y a déjà beaucoup de contrôles", a-t-elle dit. "Ils ne sont peut être pas appliqués strictement donc les autorités se concentreront là-dessus. Mais cela ne sera sans doute pas suffisant. Nous anticipons une poursuite des sorties de capitaux et de la dépréciation du yuan."

Dwyfor Evans, économiste pour l'Asie-Pacifique chez State Street Global Markets, pense aussi que les marges de manoeuvre de Pékin sont limitées.

"Les responsables chinois ont peu d'options", a-t-il dit.

"S'ils autorisent une dépréciation plus rapide, cela accentuera les pressions en faveur de sorties de capitaux plus importantes. Et une dévaluation ponctuelle risque de provoquer une répétition des turbulences sur les marchés déjà constatées à deux reprises au cours des dix-huit derniers mois."

(avec Kevin Yao à Pékin; Marc Joanny pour le service français, édité par Patrick Vignal)