Par cette décision emblématique d'échange automatique de données, le Luxembourg s'aligne sur l'ensemble des pays de l'UE, à l'exception de l'Autriche, et accentue la pression sur Vienne.

La nouvelle législation, qui doit encore être approuvée par le parlement luxembourgeois, ne concernera que les particuliers européens et non les nombreuses entreprises étrangères qui ont basé leurs sièges sociaux au Grand Duché.

Elle mettrait fin à des décennies de secret bancaire au Luxembourg, devenu, grâce notamment la pratique du secret bancaire, l'un des principaux centres financiers européens.

"Nous pouvons, sans grand dommage, instaurer un échange automatique d'informations bancaires à partir du 1er janvier 2015", a déclaré Jean-Claude Juncker au Parlement. "Nous suivons un mouvement général (...)."

Le président français François Hollande, qui a annoncé le même jour une série de mesures de lutte contre la délinquance financière, a estimé que les paradis fiscaux devaient "être éradiqués en Europe et dans le monde".

Jean-Claude Juncker s'est défendu toutefois d'avoir cédé à la pression allemande. Berlin a annoncé mardi que les cinq principales économies de l'UE, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne, allaient coopérer plus étroitement pour lutter contre la fraude fiscale.

Ces dernières semaines, le Luxembourg, où les dépôts bancaires représentent environ dix fois le PIB, a fait l'objet de fortes pressions pour modifier sa législation, ne serait-ce que par un effet de comparaison avec Chypre.

Son renflouement a souligné la fragilité de la position des petits Etats de l'UE quand ils se retrouvent en difficulté. Le secteur financier chypriote est, comme au Luxembourg, hypertrophié en raison des fonds étrangers attirés par la faiblesse de la fiscalité.

"NOUS NE POUVONS PAS REFUSER"

La pression sur le Grand-Duché a également été accrue par le rapport publié par le consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) basé à Washington qui détaille la manière dont les banques aident leurs clients fortunés à utiliser les paradis fiscaux.

Le Luxembourg doit aussi signer un accord de transparence financière avec les Etats-Unis, qui font pression depuis longtemps que sur divers pays, notamment la Suisse, pour faire cesser la soustraction de fonds au fisc américain.

"Nous ne pouvons pas refuser aux Européens ce que nous devrons concéder aux Américains dans un traité bilatéral", a expliqué Jean-Claude Juncker.

L'échange automatique d'informations facilitera la tâche aux services fiscaux. En effet la plupart des pays développés partagent les informations sur les contribuables et titulaires de comptes "à la demande". Mais, cela suppose que les autorités qui demandent des renseignements soupçonnent une infraction. Ce qui fait que cette méthode au cas par cas n'est pas très efficace pour démasquer les fraudeurs.

Mercredi, Jean-Claude Juncker s'est attaché à minimiser l'impact de la levée du secret bancaire.

"Le secteur financier au Luxembourg ne dépend pas de manière existentielle du secret bancaire, les lumières ne vont pas s'éteindre".

La Commission européenne a salué l'annonce de Jean-Claude Juncker et souligné que des discussions étaient en cours avec l'Autriche pour l'encourager à adhérer à la directive sur l'épargne, un texte qui, selon ses partisans, contribue à la lutte contre l'évasion fiscale dans l'ensemble de l'UE. L'Autriche est le seul pays qui n'a pas adhéré en totalité.

La Commission européenne a averti Vienne lundi que son refus de modifier ses règles en la matière risquait de la placer dans une position "isolée et intenable".

Le chancelier autrichien Werner Faymann a déclaré mardi que Vienne discuterait avec l'UE des moyens de lutter contre l'évasion fiscale, même si la ministre des Finances Maria Fekter a promis de se battre "comme une lionne" pour sauvegarder le régime actuel du secret bancaire.

Véronique Tison et Danielle Rouquié pour le service français, édité par Nicolas Delame

par Michele Sinner