* L'ancien favori de la primaire est désormais outsider

* Une campagne compliquée pour un élu classé à la droite du PS

* Il rêve de l'Elysée depuis toujours

PARIS, 22 janvier (Reuters) - Arrivé en deuxième position au premier tour de la primaire, Manuel Valls aura fort à faire pour remporter ce scrutin interne et tenter de concrétiser son rêve de toujours d'accéder un jour à l'Elysée.

Placé derrière Benoît Hamon, lui-même soutenu par Arnaud Montebourg, arrivé troisième, l'ancien Premier ministre se retrouve en position d'outsider après avoir été longtemps le favori des sondages.

"Rien n'est écrit", a-t-il déclaré dimanche à ses partisans.

"Une nouvelle campagne commence dès ce soir, un choix très clair se présente désormais à nous", a-t-il poursuivi, opposant sa "victoire possible" à la "défaite assurée" représentée par son adversaire, au programme "irréalisable".

Libéré par la renonciation de François Hollande, début décembre, l'ancien Premier ministre a connu une campagne difficile, pris pour cible par ses concurrents socialistes.

Longtemps porteur d'idées iconoclastes à gauche, Manuel Valls a surpris en présentant un programme économique et social consensuel, préférant marquer sa spécificité en insistant sur la défense d'une laïcité aujourd'hui selon lui menacée.

Lors des débats entre les candidats, il a défendu le bilan du quinquennat et s'est heurté à ses concurrents, notamment à propos de la politique menée face à la crise des migrants, pas assez généreuse aux yeux de Benoît Hamon et de l'ancien ministre Vincent Peillon.

Bien que placé sur une ligne assez proche de l'ancien Premier ministre, ce dernier n'a donné aucune consigne de vote pour le second tour.

Naturalisé français à l'âge de 20 ans, Manuel Valls a fait de la transgression sa marque de fabrique au Parti socialiste. A la primaire du PS en 2011, il n'avait obtenu que 5% des voix.

L'OMBRE DU 49-3

Certains proches de François Hollande ne lui pardonnent pas d'avoir poussé le chef de l'Etat à renoncer à se présenter.

"Je me prépare", avait-il dit fin novembre, trois jours avant la renonciation du président, qui n'a depuis exprimé aucun souhait concernant l'issue de la primaire.

L'aile gauche du PS ne pardonne quant à elle pas à l'ancien ministre de l'Intérieur d'avoir soutenu le projet de déchéance de nationalité pour les personnes coupables de terrorisme, qualifié d'"erreur" par François Hollande lui-même.

Les "frondeurs" socialistes se souviennent aussi de son passage en force, via l'article 49-3 de la Constitution permettant d'adopter des textes sans vote, sur deux projets relatifs à la relance de l'économie et au Code du travail.

Clivantes aussi, les positions du Premier ministre sur la République et le rôle de l'islam en France qui ont notamment alimenté le débat de l'été dernier sur le port du "burkini", maillot de bain porté par des femmes musulmanes.

C'est à Evry, ville populaire de la région parisienne, que Manuel Valls, 54 ans, a entamé son ascension politique bâtie sur une réputation d'homme à poigne, ébauchée à la fin des années 1990, peaufinée au ministère de l'Intérieur (2012-14) puis à Matignon, où il entre en avril 2014.

Classé à l'aile droite du PS, cet homme sec à la gestuelle énergique qui pratique la boxe, a été longtemps le ministre le plus populaire du gouvernement en s'affichant sans complexe comme le "premier flic de France".

DISCOURS DÉCOMPLEXÉ

Avant d'accéder à l'Intérieur, ce Catalan au verbe tranchant tenait l'essentiel de son expérience de ses quatre ans au cabinet de Lionel Jospin en tant que conseiller pour la communication, et de ses mandats de maire d'Evry depuis 2001 et de député de l'Essonne depuis 2002.

Né en 1962 à Barcelone d'un père espagnol et d'une mère hispano-suisse, ce diplômé d'histoire, admirateur de Georges Clémenceau, est l'un des rares hommes politiques français à avoir acquis la nationalité par naturalisation.

"J'ai passé un entretien au commissariat du 4e arrondissement de Paris et dû répondre à des questions sur mes parents et sur ma vie personnelle", raconte-t-il en mars 2015 au Parisien Magazine. "C'est à ce moment-là, sans doute, que la question de la nationalité française s'est imposée à moi".

Entré à 17 ans au PS, Manuel Valls rallie d'abord Michel Rocard et sa "deuxième gauche", avant de devenir jospiniste puis, sur le tard, défenseur de François Hollande qu'il rallie dès le soir du premier tour de la primaire de 2011.

Son discours "décomplexé" et ses positions dérangeantes au yeux du PS lui ont valu des inimitiés tenaces, de la maire de Lille Martine Aubry à celle de Paris Anne Hidalgo en passant par l'ex-ministre de la Justice Christiane Taubira.

Son arrivée au gouvernement provoque le départ des ministres écologistes, dont Cécile Duflot, en désaccord avec ses positions sur le nucléaire ou l'immigration.

L'été suivant, en août 2014, les ministres Arnaud Montebourg (Economie), Benoît Hamon (Education nationale) et Aurélie Filippetti (Culture) quittent son gouvernement après avoir trop ouvertement critiqué sa politique économique.

Père de quatre enfants, Manuel Valls s'est remarié en 2010 à la violoniste Anne Gravoin. (Elizabeth Pineau et Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)