La dégradation du moral des patrons allemands s'explique par la baisse de la demande pour leurs produits et leurs services en Chine, dans la zone euro et dans les pays émergents, ainsi que par les incertitudes sur les conditions dans lesquelles le Royaume-Uni sortira de l'Union européenne.

"Les inquiétudes augmentent parmi les chefs d'entreprise allemands", a dit le président de l'institut Ifo, Clemens Füst, dans un communiqué. "L'économie allemande connaît un retournement".

L'indice Ifo du climat des affaires est revenu à 99,1 en janvier, au plus bas depuis février 2016, contre 101,0 en décembre.

Les économistes interrogés par Reuters anticipaient en moyenne une baisse de l'indice moins prononcée, à 100,6 et le chiffre de 99,1 est inférieur à la plus basse des prévisions établies.

Le sous-indice mesurant le jugement des chefs d'entreprise sur la situation actuelle a reflué à 104,3 contre 104,2 attendu, et 104,9 (révisé) en décembre, tandis que celui des anticipations chute à 94,2 contre 97 prévu et 97,3 en décembre.

La croissance de l'économie allemande a ralenti en 2018 et pour cette année, le gouvernement a revu sa prévision de croissance à 1,0% seulement contre 1,8% attendu jusqu'à présent, a-t-on appris vendredi de sources gouvernementales et parlementaires.

L'Ifo table pour sa part sur une croissance de 1,1%.

Selon la toute première estimation publiée le 15 janvier, la croissance allemande à atteint 1,5% en 2018, son plus bas niveau depuis cinq ans.

LA DEMANDE INTÉRIEURE, BOUCLIER ANTI-RÉCESSION

"Le risque croissant d'un 'hard Brexit' se révèle très mauvais pour le moral", commente Alexander Krüger, économiste de Bankhaus Lampe, dans une note. "C'est principalement la conséquence de la dégradation des anticipations, qui n'est pas surprenante puisqu'elle résulte aussi des conflits commerciaux mondiaux."

Il ajoute toutefois que l'économie allemande est très loin de la récession car elle bénéficie du soutien de la consommation privée et de l'augmentation de la dépense publique.

La morosité risque néanmoins de dominer au cours des prochains mois, un éventuel retournement de tendance restant conditionné à l'issue des négociations sur le Brexit et à celle des discussions commerciales en cours entre les Etats-Unis et la Chine, deux des principales destinations des exportations allemandes.

Le conflit commercial sino-américain pèse sur l'activité du secteur manufacturier depuis plusieurs mois mais ce ralentissement semble désormais se propager au reste de l'économie en Allemagne.

Aux facteurs exogènes se sont ajoutés des problématiques nationales comme l'impact des nouvelles normes anti-pollution WLTP sur le marché automobile et le manque de précipitations qui a freiné le trafic fluvial l'an dernier.

Ces éléments ont même fait craindre à certains observateurs une récession technique au deuxième semestre 2018, c'est à dire deux trimestres consécutifs de contraction du PIB.

Pour Carsten Brzeski, économiste d'ING DiBa, la reprise de l'économie allemande dépendra en grande partie de la tournure du Brexit et de la dissipation des tensions commerciales.

"De ce point de vue, le Brexit constitue probablement la principale menace car un Brexit sans accord interviendrait au pire moment pour l'économie, soit au moment même où elle serait sur le point de rebondir", explique-t-il.

"Au final, nous continuons de penser que l'économie allemande pourrait s'en tirer avec un simple oeil au beurre noir. Mais le bouclier que la croissance de la demande intérieure peut constituer face aux risques extérieurs sera soumis à rude épreuve au cours des mois à venir."

(Joseph Nasr et Rene Wagner, Blandine Hénault et Marc Angrand pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)

par Joseph Nasr et Rene Wagner