* Le président revient pour la troisième fois en Guyane

* Il adressera de Cayenne ses voeux aux Français d'outre-mer

* Il poursuit son duel à distance avec François Hollande (Actualisé avec détails)

par Emmanuel Jarry

CAYENNE, 21 janvier (Reuters) - Nicolas Sarkozy a entamé samedi en Guyane une visite de deux jours au goût de campagne électorale, une semaine après la venue dans ce département français d'outre-mer (DOM) du candidat socialiste à l'élection présidentielle, François Hollande.

"Je reviendrai encore. Vous n'êtes pas seuls, vous n'êtes pas abandonnés", a promis le chef de l'Etat, dont la candidature ne fait guère de doute, aux 400 habitants d'un village de la tribu amazonienne des Wanayas, en pleine forêt équatoriale, où il a passé une heure et demie.

Les Amérindiens ne sont plus que 3.000 à 4.000 en Guyane française pour une population totale de plus de 220.000 habitants. Mais à trois mois du scrutin national, la promesse pourrait tout aussi bien s'adresser à l'ensemble des Guyanais qui disent souvent se sentir les "oubliés de la France".

Nicolas Sarkozy avait fait un premier geste symbolique à son arrivée le matin à Cayenne sous un ciel pluvieux : il a présidé au changement de nom de l'aéroport de Cayenne-Rochambeau, rebaptisé Félix Eboué, administrateur colonial guyanais, figure emblématique de la France libre mort en 1944 et figure de la SFIO, l'ancêtre du PS.

"Soyons tous fiers de Félix Eboué, qui a montré qu'un petit-fils d'esclave pouvait être le premier sur le chemin de l'honneur et qu'on pouvait aimer infiniment sa patrie sans haïr les autres", a-t-il déclaré devant un millier d'invités, dans le hall de la nouvelle aérogare.

Parmi eux, la députée guyanaise radicale de gauche Christiane Taubira qui a confié à des journalistes qu'elle était là par respect des conventions républicaines mais aurait préféré assister au premier grand discours de campagne de François Hollande, dimanche au Bourget, à l'heure où Nicolas Sarkozy adressera de Cayenne ses voeux aux Français d'outre-mer.

Christiane Taubira a déclaré ne rien attendre de cette troisième visite de Nicolas Sarkozy en tant que chef de l'Etat en Guyane, parce que, a-t-elle dit, il "est en fin de mandature".

SUR LE MARONI

Aussitôt son discours prononcé, le chef de l'Etat est parti pour le village de Talwen, dans le sud-ouest de la Guyane, sur le fleuve Maroni qui borde le Suriname.

Après une courte navigation, à bord d'une pirogue à moteur au côté de la ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, le président a été accueilli par le Gran Man, chef coutumier de ce village, tout de blanc vêtu, une casquette d'officier de marine sur la tête. Il a demandé au président l'électrification du hameau et s'est plaint des orpailleurs clandestins dont les activités polluent les cours d'eau.

Lors d'une rencontre avec les habitants, les autorités coutumières et le Fiscal Boni, chef coutumier des Noirs-marrons - des descendants d'esclaves révoltés - Nicolas Sarkozy a promis que l'or saisi dans les campements des orpailleurs clandestins serait réinvesti dans la gestion de la forêt, l'électrification des villages et leur équipement en eau potable.

Le président a annoncé que le Suriname avait accepté d'installer sur le Maroni un poste avec 18 policiers et militaires pour lutter contre les orpailleurs clandestins et que le Guyana, d'où affluent également les immigrés irréguliers, allait ouvrir un consulat à Cayenne.

Il également promis la création de laboratoires de recherche sur la biodiversité et les ressources médicinales de la forêt dans le cadre de l'Université Antilles-Guyane.

Le président a enfin estimé que l'un des remèdes aux suicides ou à l'alcoolisme des jeunes Amérindiens était de leur trouver du travail, notamment dans le Parc amazonien de Guyane - parc national de 34.000 km2 dans la moitié sud du DOM - et dans l'éco-tourisme.

CHOMAGE ENDEMIQUE

Le taux de chômage a atteint 21% en Guyane, soit légèrement plus qu'en 2007 (20,7%), début du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

En 2007, ce territoire de 83.500 km2 limitrophe du Brésil a voté pour lui contrairement aux départements d'outre-mer (DOM) de Martinique et de Guadeloupe. Un vote que Christiane Taubira explique par les promesses faites à l'époque par le candidat Sarkozy en matière de lutte contre l'insécurité.

Cinq ans plus tard, les faits divers violents restent, avec l'orpaillage clandestin, l'un des grands problèmes de la Guyane. Nicolas Sarkozy devait faire samedi après-midi à Cayenne le point sur la lutte contre ces deux phénomènes au QG de l'opération Harpie, lancée en 2008 lors d'une précédente visite, contre les chercheurs d'or illégaux.

Dimanche matin, Nicolas Sarkozy visitera à Kourou le hall d'assemblage et le pas de tir des fusées Vega, le plus petit des trois lanceurs utilisés à partir du centre spatial guyanais avant de prononcer son discours de voeux à Cayenne.

L'occasion, selon son entourage, de dresser un bilan de sa politique vis-à-vis des départements et territoires français d'outre-mer et de faire "quelques annonces très concrètes".

Un message qui risque cependant de se heurter au scepticisme de Guyanais. "Il y a beaucoup de promesses mais on ne voit rien de concret. Ça fait 23 ans que je suis revenue en Guyane et tous les ans j'entends la même chose", souligne Pierre-Emilie, une mère de famille rencontrée à Cayenne où nombre de bâtiments semblent, d'une visite à l'autre, immuablement décatis.

"Maintenant, on nous dit qu'on a du pétrole, on a de l'or, on a la fusée mais on n'a aucune retombée."

(Avec pool à Talwen, édité par Matthias Blamont)