Berne (awp) - Face au ralentissement de l'inflation, la Banque nationale suisse (BNS) a décidé jeudi de marquer une nouvelle pause dans sa politique monétaire. Mais l'institut d'émission reste sur ses gardes, dans un contexte de volatilité des prix et d'incertitudes sur la trajectoire de la croissance mondiale.

"Nous estimons que les conditions monétaires sont actuellement appropriées et nous ne voyons pas de besoin actuellement d'ajuster la politique monétaire", a indiqué, en guise d'explication, le patron de la BNS, Thomas Jordan, jeudi lors d'une conférence de presse à Berne.

Depuis l'été, les prix à la consommation ont marqué un net repli en Suisse, passant de 1,7% en juin sur un an à 1,4% au dernier pointage en novembre. L'inflation s'inscrit ainsi dans l'objectif de 0% à 2% recherché par l'institut d'émission helvétique et qu'il assimile à la stabilité des prix.

Malgré ce relâchement sur le front des prix, "il y a lieu de s'attendre à ce que l'inflation s'accentue à nouveau quelque peu dans les prochains mois en raison de la hausse des prix de l'électricité ainsi que des loyers et du relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée", a cependant averti la banque centrale helvétique.

Les économistes de la BNS ont pourtant raboté leurs perspectives en matière d'inflation, tablant cette année sur une hausse de 2,1%, contre 2,2% escomptés jusqu'ici. En 2024, elle devrait s'inscrire à 1,9%, alors que l'institut d'émission s'attendait jusqu'ici à 2,2%. Et en 2025, la prévision se situe à 1,6%, contre 1,9% prévu auparavant.

Achats, mais aussi ventes de devises

Face à ce constat d'accalmie sur le front des prix, la banque centrale suisse a maintenu son taux directeur à 1,75%, marquant une pause pour la deuxième fois consécutive. "Nous ne prévoyons pas de resserrement (monétaire) au vu de la situation actuelle, mais nous regarderons très attentivement la prévision d'inflation" lors de la prochaine décision de politique monétaire en mars 2024, a souligné Thomas Jordan.

Après cinq hausses de taux décidées à partir de juin 2022, faisant passer le taux directeur de la BNS de -0,75% à 1,75% en juin 2023, la BNS avait opté fin septembre pour un premier statu quo monétaire, estimant alors être parvenue à contrer "la pression inflationniste persistante" en Suisse.

Deuxième corde à son arc pour lutter contre l'inflation, les interventions sur le marchés des devises ont également évolué, signe que la situation se calme sur le front des prix. "Nos interventions sur le marché des changes ne portent plus prioritairement sur la vente de devises", a précisé M. Jordan, ajoutant que la BNS a effectué "un changement majeur" dans sa communication comparé aux derniers trimestres - où elle disait être principalement active dans la vente de monnaie.

Elle n'exclut cependant "pas d'être active des deux côtés du marché des changes", en effectuant soit des achats ou des ventes de devises afin de renforcer ou d'affaiblir le franc et ainsi contrôler l'inflation dite importée.

Ces annonces interviennent, alors que la Réserve fédérale américaine (Fed) a décidé mercredi de maintenir le statu quo monétaire à l'issue de sa dernière réunion de l'année. La Banque d'Angleterre (BoE) a également laissé son taux directeur inchangé à 5,25% jeudi, tout comme la Banque centrale européenne (BCE).

Les analystes ont unanimement relevé une décision conforme aux attentes du marché. "La BNS a confirmé qu'elle en avait terminé avec les hausses des taux, mais n'a pas donné d'indication précise quant à une prochaine baisse", a souligné Nadia Gharbi, économiste senior auprès de Pictet Wealth Management.

En supprimant toute mention à un éventuel relèvement du taux directeur et à la vente de devises, la BNS a été "aussi neutre que possible", a ajouté l'économiste en chef de Banque Syz, Adrien Pichoud.

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