Paris (awp) - UBS connaîtra le 15 novembre l'issue de son dernier recours possible en France contre sa condamnation à une lourde amende en deuxième instance remontant à décembre 2021.

La Cour de cassation à Paris a mis mercredi sa décision en délibéré à cette date sur le pourvoi formé par la banque suite à sa condamnation en appel pour blanchiment aggravé de fraude fiscale et démarchage bancaire illégal de clients français, a constaté une correspondante de l'agence AWP.

L'affaire UBS est "hors norme", selon les mots de Maître Patrice Spinosi, défenseur du numéro un bancaire helvétique, qui a plaidé mercredi devant la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français à Paris, sur l'Île de la Cité. Celle-ci ne réexamine pas les faits mais s'assure que les tribunaux ont correctement appliqué la loi, en l'occurrence la cour d'appel de Paris.

Celle-ci avait condamné UBS à payer au total 1,8 milliard d'euros (1,7 milliard de francs suisses au cours actuel) pour avoir mis en place un "système" visant à "faciliter" la fraude fiscale de riches contribuables français entre 2004 et 2012, repérés notamment lors de réceptions, parties de chasse ou tournois de golf, afin de les convaincre d'ouvrir des comptes non-déclarés en Suisse.

En première instance, UBS et sa filiale française avaient été condamnées à une amende record de 3,7 milliards d'euros et 800 millions d'euros de dommages et intérêts au bénéfice de l'État.

Mercredi, sous les plafonds dorés du Palais de Justice de Paris, Maître Spinosi a assuré que "c'est la première fois en Europe qu'une banque suisse est condamnée pour avoir géré des fonds de ses clients conformément au secret bancaire".

Il a souligné la "sanction" sans précédent formulée par la cour d'appel le 13 décembre 2021, soit 1 milliard d'euros de confiscation et 800 millions d'euros au titre de dommages et intérêts pour l'Etat. "Aucune poursuite n'a jamais été engagée contre les clients pourtant auteurs principaux des infractions mises en cause", a appuyé l'avocat.

En réponse, le représentant de l'Etat, Maître Régis Froger a souligné que l'Etat peut être indemnisé des recherches supplémentaires faites par son administration pour trouver les sommes de l'impôt éludé, en dehors de son travail classique.

Le défenseur de l'Etat a aussi pointé la position particulière des établissements bancaires: ces organismes privés jouent "un rôle central" et constituent "un rouage essentiel dans nos systèmes financier et économique". Par conséquent, "ils ont une obligation de vigilance" en tant que professionnels et doivent jouer un "rôle actif de lutte contre le blanchiment".

L'avocat général a de son côté noté que les sommes dissimulées, évaluées à 9,6 milliards d'euros, sont "en dessous de la vérité" car elles ne concernent que les clients qui se sont régularisés auprès de l'administration fiscale. Il a proposé une cassation partielle.

Accord remontant à près de 20 ans

Les débats ont ensuite porté sur l'interprétation à donner à un accord entre la Confédération et l'Union européenne remontant au 26 octobre 2004.

Un accord qui "prenait en considération la tradition ancienne du secret bancaire avec une période d'adaptation", a déclaré Me Spinosi, qui réclame "l'éclairage de la Cour européenne de justice" sur ce "compromis" entre la Suisse et les Etats membres de l'UE.

En réponse, Me Froger, qui représentait l'Etat, a relevé que "cet accord ne peut pas être interprété par une banque pour échapper à ses obligations". L'objet de cet "accord est de limiter la fraude fiscale. Il n'allège pas les responsabilités pénales des banques en matière de blanchiment".

Il a rappelé que l'arrêt de la cour d'appel note que "la banque permettait d'ouvrir des comptes sur des comptes offshores, des trusts avec pour objet d'échapper aux dispositions de l'accord de 2004". Pour lui, "il n'y a aucun point" pour saisir la Cour de justice de l'Union européenne à Luxembourg.

Quant à l'avocat général, il a asséné que "loin de s'acquitter de ses obligations, UBS a déployé une stratégie de contournement de l'accord sur la fiscalité de l'épargne". Il a préconisé une cassation partielle et limitée.

Les juges de la Cour de cassation rendront leur arrêt par procédure écrite le 15 novembre.

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