par Florent Le Quintrec et Julien Ponthus

Pour EA, qui souhaite se concentrer sur le développement de ses activités dans les contenus et les services en ligne, cette participation n'était plus stratégique mais simplement financière.

"EA a décidé de vendre sa participation dans Ubisoft Entertainment. Nos priorités stratégiques ont changé depuis l'investissement initial", a déclaré par courrier électronique à Reuters une porte-parole du groupe américain en Europe.

De son côté, Ubisoft, qui a toujours manifesté sa volonté de rester indépendant, se réjouit de la sortie d'EA.

"On est très heureux parce qu'on pense qu'ainsi les deux sociétés vont pouvoir naviguer chacune dans leur domaine et donc Ubisoft va pouvoir tirer partie d'un plus grande liberté", a déclaré vendredi à Reuters son P-DG Yves Guillemot lors d'un entretien téléphonique.

UBS a été chargé de l'opération et un responsable du marché primaire de la banque suisse a indiqué à Reuters que le placement de 13,99 millions d'actions, achevé vendredi matin à 7h30, s'était réalisé à un prix de 6,75 euros l'unité.

Le titre Ubisoft a clôturé vendredi en hausse de 1,65% à 7,087 euros, portant son recul à 28,6% depuis le début de l'année, pour une capitalisation boursière de 670 millions d'euros environ.

"Les derniers volumes et la montée récente du cours d'Ubisoft, de +15% suite à la préannonce du CA T1, ont montré qu'il y avait de l'appétit pour la valeur. EA s'est probablement dit qu'il s'agissait d'un moment opportun pour clarifier sa situation", estime Richard-Maxime Beaudoux, analyste chez Natixis Securities.

Cette sortie était d'ailleurs attendue compte tenu du recul des droits de vote d'EA en mars dernier.

"EA a perdu ses droits de vote doubles suite à des reclassements internes (passant de 23,5% à 13,2% de droits de vote), ce qui montrait déjà qu'il cherchait à vendre sa participation", explique Richard Beaudoux, jugeant l'opération positive pour Ubisoft qui retrouve davantage de liquidité et de liberté dans sa stratégie.

CINQ ANS ET DEMI DE PRESENCE

Selon un trader, le désengagement d'EA va surtout permettre l'arrivée de nouveaux investisseurs dans le capital d'Ubisoft.

"Cela peut ouvrir la porte à de nouveaux investisseurs qui ne voulaient pas entrer au capital d'Ubisoft et faire bouger les choses tant que EA détenait 15%", nuance-t-il.

Alors que les marchés anticipaient une prise de contrôle d'Ubisoft par EA au moment de son entrée au capital en 2004, les deux sociétés ne sont jamais parvenues à s'entendre sur la stratégie du groupe ni sur un éventuel prix de rachat.

Plusieurs noms d'investisseurs potentiels sont régulièrement cités comme le groupe Disney ou le fonds d'investissement Elevation Partners, connu pour son association avec le chanteur Bono du groupe U2.

D'autres observateurs évoque une possible offre de la part de concurrents comme Activision Blizzard, filiale de Vivendi.

Prié de dire s'il connaissait les acquéreurs de la participation d'EA, Yves Guillemot à répondu: "On a une petite idée mais on ne peut pas le dévoiler pour l'instant. Nous pensons que ce sont surtout des actionnaires de long terme. En tout cas on en connaît un".

Le cofondateur du créateur des jeux à succès "Assassin's Creed" ou encore "Prince of Persia" a précisé que la famille Guillemot, qui était jusqu'ici deuxième actionnaire d'Ubisoft après EA avec 11,3% du capital selon les données ThomsonReuters, n'avait pas acheté de titre lors de l'opération.

Yves Guillemot a par ailleurs indiqué que, désormais libre dans ses choix, le groupe envisage de développer principalement ses activités, minoritaires, de jeux familiaux (casual games) et sur internet (online free to play).

"Les deux domaines du casual et du online free to play sont des domaines qui vont nous permettre d'aller toucher de nouvelles clientèles et que l'on va développer plus", a indiqué Yves Guillemot.

Ubisoft envisage entre autres de nouer de nouveaux partenariats, de prendre des participations, voire d'acquérir des sociétés, mais précise qu'aucune opération n'est pour l'instant à l'ordre du jour.

"Avoir son concurrent comme très gros actionnaire pouvait nous limiter dans notre capacité d'acquérir des sociétés concurrentes à la leur, de faire un certain nombre d'actions (...) qui n'allait pas dans leur sens", a-t-il ajouté. "Le fait qu'il ne soit plus là nous donne toute liberté d'action."

Avec Juliette Rouillon, édité par Gilles Guillaume