par Kiyoshi Takenaka et Teppei Kasai

NAMIE, Japon, 11 mars (Reuters) - Un camion passe de temps à autre à toute allure devant les boutiques aux murs fissurés et aux enseignes tombantes qui bordent la rue principale de Namie, une ville côtière du nord-est du Japon, désertée depuis le désastre de Fukushima.

Six ans jour pour jour après la catastrophe nucléaire, la pire de l'Histoire après Tchernobyl en 1986, une soixantaine d'employés s'affairent dans l'hôtel de ville, largement intact, pour préparer le retour d'anciens habitants.

Non loin de là, deux sangliers fouillent la terre d'un jardin à la recherche de nourriture. Ils pullulent depuis que la ville, qui comptait 21.500 habitants avant le séisme et le tsunami dévastateurs du 11 mars 2011, s'est vidée.

Plusieurs centaines de ces résidents ont pourtant décidé de revenir. Depuis novembre, les personnes qui se sont enregistrées auprès des autorités ont le droit de passer une nuit en ville, et les restrictions seront totalement levées à la fin mars pour certaines parties de Namie et de trois autres villes.

Située à seulement 4 km de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima Daiichi, Namie est la localité la plus proche du coeur de la catastrophe où les habitants seront de nouveau autorisés à vivre 24 heures sur 24.

Mais la ville, dont de vastes sections restent inaccessibles, pourrait ne jamais être habitable.

Plus de la moitié des anciens habitants (53%) disaient ne pas vouloir y retourner, dans un sondage du gouvernement publié fin septembre.

Ils justifiaient leur décision par les risques d'irradiation ou ceux liés à la sécurité de la centrale en cours de démantèlement, une opération programmée sur quarante ans.

SOL CONTAMINÉ

Dans la même enquête, plus des trois quarts des personnes de moins de 29 ans déclaraient ne pas envisager un retour à Namie.

"Les jeunes ne reviendront pas", affirme Yasuo Fujita, un ancien habitant qui tient un restaurant à Tokyo. "Il n'y a ni emplois, ni éducation pour les enfants."

Yasuo Fujita ajoute n'avoir aucune envie de vivre près d'un site de stockage du sol contaminé, qui est désormais systématiquement retiré par les services de nettoyage.

Le niveau de radiation dans la mairie de Namie a été mesuré le 28 février dernier à 0,07 microsieverts par heure, soit un taux guère différent de celui du reste du Japon.

Mais dans la localité voisine de Tomioka, le dosimètre affichait 1,48, près de trente fois plus que dans le centre de Tokyo, soulignant la persistance de zones fortement radioactives.

Pour que l'ordre d'évacuation soit levé, il faut que le taux de radiation tombe à moins de 20 millisieverts par an. Une ville doit également disposer de services aux collectivités, de télécoms, en plus de la poste et des services de santé et de soins aux personnes âgées.

L'ouverture d'un hôpital est prévue à Namie dans le courant du mois. Un médecin à plein temps y sera affecté, ainsi que plusieurs collègues à temps partiel.

Le maire, Tamotsu Baba, espère que sa ville attirera aussi attirer des sociétés de recherche et de robotique.

Munehiro Asada a redémarré sa scierie. "Le chiffre d'affaires atteint à peine un dixième de ce qu'il était avant, mais gérer l'usine est ma priorité. Si personne ne revient, la ville disparaîtra."

Shoichiro Sakamoto, 69 ans, s'est découvert quant à lui un métier peu habituel: abattre les sangliers dans les zones résidentielles autour de Tomioka.

"Les sangliers n'ont plus peur des gens. Ils nous regardent comme s'ils disaient: 'mais où te crois-tu ?' C'est comme si notre ville était tombée sous leur contrôle", dit cet homme à la tête d'une équipe de 13 chasseurs. (Jean-Stéphane Brosse pour le service français)