"KPMG vient de réaliser une étude sur les relations entre constructeurs automobiles et équipementiers. Vous décrivez une grande mutation de cette relation…
En 2010, les marchés automobiles mondiaux ont globalement récupéré de la crise, et l’optimisme prudent qui règne sur le secteur permet de financer de nouveaux projets d’investissements poussés par de nouveaux besoins. Ces nouveaux besoins pourraient à terme fortement influencer la structure du marché et la répartition des revenus entre les différents acteurs du secteur. Par exemple, face à des voitures de plus en plus considérées comme trop nombreuses, couteuses et polluantes, les constructeurs recherchent des solutions efficaces. Le développement de véhicules spécialisés en fonction de leur usage (ville, grandes distances, usage individuel ou collectif) constitue l’une des principales pistes d’efficacité. Le deuxième axe d’amélioration de l’efficacité des déplacements est naturellement l’introduction de nouvelles technologies, utilisant par exemple une propulsion hybride ou électrique.

La mise en place de ce nouvel écosystème devrait permettre l’émergence de nouveaux acteurs : gestionnaires de flottes de véhicules partagés, spécialistes des infrastructures, fournisseurs d’énergie, intégrateurs de systèmes d’information. Certains affichent de grandes ambitions dans l’automobile. Prenez l’exemple d’Autolib, développé par le groupe Bolloré pour la mairie de Paris. Ce spécialiste des batteries ambitionne de concurrencer directement les constructeurs. Tout l’enjeu pour Bolloré est de marier nouvelles technologies, interaction avec l’utilisateur final et intervention de la puissance publique pour se placer au centre d’un réseau de fournisseurs où les tâches moins porteuses de valeur, tel l’assemblage du véhicule lui-même, peuvent être sous-traitées.

Qu’est ce que cela va changer concrètement pour les constructeurs?

On peut anticiper un changement dans les rapports de force au sein du secteur, au profit de ceux qui par leurs technologies innovantes ou leur maîtrise du client seront en mesure d’imposer leurs prix. Dans ce déplacement des lignes de partage de la valeur, les constructeurs automobiles historiques ont actuellement un rôle dominant, à la mesure de l’importance de leur marque et de leurs acquis technologiques. Leur position ne devrait pas changer à court terme mais va naturellement être challengée par les nouveaux acteurs.

Est-ce que les constructeurs sont prêts à accepter ce nouvel état de fait?
L’enjeu est clair pour eux. Ils expérimentent donc leurs propres solutions, telles que Mu by Peugeot. De façon plus générale, les constructeurs investissent massivement pour maîtriser, seuls ou en coopération, les briques technologiques et les nouveaux métiers autour desquels vont s’organiser les nouveaux modes de consommation de l’automobile.

Qu’en est-il pour les équipementiers automobiles ?
L’importance des changements technologiques en cours et l’émergence de nouveaux modes de consommation sont autant d’opportunités. Sur les technologies d’abord. La modification des modes de propulsion, électrique par exemple, va impacter tous les équipements du véhicule et d’abord le chauffage et la climatisation. Les équipementiers devront trouver des systèmes d’accumulation afin de maintenir le niveau de confort sans compromettre l’autonomie. D’autres éléments seront déterminants : le poids des véhicules, la distribution de la motorisation. Il y a un champ d’exploration immense pour les équipementiers."