Manger ou être mangé, telle est la nouvelle loi de l'agrochimie. Pour ne pas être parvenu à acquérir le suisse Syngenta l'an dernier, finalement tombé dans les griffes du chinois ChemChina pour 43 milliards de dollars, Monsanto est désormais la cible de Bayer. Fragilisé par des résultats peu reluisants liés notamment à la baisse de la demande aux Etats-Unis, le groupe américain a vu sa capitalisation fondre de près de 20% en un an. Une occasion en or pour le géant allemand qui dominerait grâce à Monsanto plus du tiers du marché agrochimique mondial. Les termes de l'offre n'ont pas été révélés.

La semaine dernière, Bloomberg évoquait un prix de plus de 40 milliards de dollars. Compte tenu de la capitalisation actuelle du producteur de l'herbicide Roundup (42,7 milliards hier soir à la clôture), le chimiste rhénan a cependant dû formuler une offre plus élevée.

L'importance du chèque que devra signer Bayer pour s'emparer du roi américain des semences semble inquiéter les investisseurs  : le titre de l'inventeur de l’aspirine cède plus de 7,74% à 88,96 euros.

Au-delà de l'impact à court terme d'une telle acquisition sur le bilan de l'allemand, les marchés pourraient redouter le manque de visibilité sur l'opération. Les autorités de la concurrence américaine et européenne ne manqueront pas en effet de monter au créneau pour empêcher la naissance d'une multinationale contrôlant 37% du marché mondial de l'agrochimie et presque un tiers de celui des semences. Pour obtenir le feu vert des autorités, les deux groupes devront donc consentir d'importances cessions d'actifs.

Cette annonce de discussion marque une nouvelle étape dans la concentration du secteur de l'agrochimie après la fusion à 130 milliards de dollars des deux géants de la chimie américaine, DuPont et Dow Chemical et celle de ChemChina et Syngenta. Le chiffre d'affaires cumulé de Monsanto/Bayer atteindrait environ 67 milliards de dollars, contre 74 milliards pour Dow Chemical/Dupont et plus de 50 milliards pour ChemChina/Syngenta.

Toutefois, comparaison n'est pas raison. En effet, l'activité agrochimie de Bayer n'a généré que 10,4 milliards d'euros l'an dernier, soit 22% du chiffre d'affaires total. Par ailleurs, une fois réunis, Dow Chemical et Dupont ont prévu de se séparer en trois entités cotées en Bourse séparément (une pour l'agriculture, une pour la chimie de spécialité, une pour la science des matériaux).

Enfin, le chiffre d'affaires de 34 milliards d'euros communiqué par ChemChina pour 2014 englobe l'ensemble de ses activités. Or, le portefeuille de l'entreprise publique est vaste. Elle est présente dans six spécialités : les nouvelles matières chimiques et les produits chimiques spéciaux, les produits chimiques élémentaires, la transformation du pétrole, le caoutchouc à pneu et les équipements chimiques et, bien sûr, les produits chimiques agricoles.

A la Bourse de Francfort, Bayer n'est pas le seul titre en difficulté. Le numéro un mondial de la chimie BASF perd 1,4% à 66,70 euros, pénalisé par la spéculation concernant une éventuelle surenchère sur l'offre de son concurrent.

(P-J.L)